La crise, ce n’est pas les autres

La crise, ce n’est pas les autres

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 23 février 2009

Même si son système bancaire est totalement déconnecté d’un système financier en crise, l’économie algérienne n’est pas déconnectée du reste du monde. On peut dire que dans le cas de l’économie algérienne, pratiquement réduite à l’exportation des hydrocarbures, la dépendance à l’égard de l’évolution du marché international est totale. On a entendu au moment du début de la crise financière des discours lénifiants affirmant que l’Algérie était à l’abri. On ne l’entend plus et c’est tant mieux. L’état de l’économie mondiale est suffisamment inquiétant pour ne plus autoriser ce genre de discours béats. Quand un pays n’a pas une économie diversifiée, n’exporte que du pétrole et du gaz et importe pratiquement tout le reste, il ne faut pas être économiste pour comprendre que la crise nous concerne directement.

Les chiffres rendus publics samedi par le Centre national de l’informatique et des statistiques (CNIS) sont en tout cas édifiants. L’excédent commercial de l’Algérie n’a atteint qu’un milliard de dollars en janvier, soit une chute drastique de plus de 72% par rapport à 2008. Conséquence logique d’une chute de la demande et des prix et surtout confirmation de la faiblesse structurelle d’une économie dont les exportations sont pratiquement réduites au pétrole et au gaz. Les exportations hors hydrocarbures ont représenté au cours de janvier 2009 à peine 2,36% du volume global des exportations. Les chiffres du CNIS sont une illustration parfaite de l’état d’une économie algérienne peu diversifiée, fortement dépendante de l’évolution des cours du pétrole. La crise économique mondiale n’étant qu’à ses débuts, il faut bien prendre acte du fait que les années fastes d’un pétrole cher ne reviendront pas rapidement. Les prévisions de recettes pour 2009 s’en ressentiront de manière très sensible. On reste dépendant d’un redécollage de l’économie mondiale qu’il est difficile de prévoir.

L’économie américaine dont le système bancaire est pratiquement en état d’insolvabilité ne fait que conforter les anticipations pessimistes. Les plans de relance lancés dans les économies occidentales n’inspirent pas grande confiance et semblent décalés par rapport à l’ampleur du problème. Logiquement, l’Algérie s’en ressent directement. Les inquiétudes exprimées autour du gonflement de la facture des importations en sont l’effet direct. Il est en effet absurde de ne pas réagir à une facture qui a atteint les 40 milliards de dollars en 2008 alors que le tassement des recettes énergétiques est déjà là. Des mesures administratives, dont la viabilité est contestée, ont été prises pour rendre moins aisé le recours à l’import. Des pays avancés n’hésitent pas à recourir aux mesures protectionnistes, il serait malvenu de le reprocher à l’Algérie.

Il faut noter que la prépondérance de l’importation a été parfois le fait de l’incohérence des politiques publiques. C’est le cas pour le médicament où l’obligation faite aux importateurs d’entrer dans la production après deux années d’activité avait été abandonnée en gage d’une entrée hypothétique à l’OMC. La décision d’interdire l’importation des médicaments produits en Algérie prise il y a quelques mois relève du bon sens. Fondamentalement, les mesures administratives ne sont pas une solution, elles ne remplacent pas une politique volontariste de soutien et d’encouragement à la diversification de l’économie nationale productive.