«La crise financière n’a pas été sans conséquence sur la capacité d’épargne des migrants»
Hocine Zeghbib, coordinateur des programmes du Grand-Maghreb et de l’Afrique Sahélienne
«La crise financière n’a pas été sans conséquence sur la capacité d’épargne des migrants»
El Watan, 21 mai 2012
Pour ce chercheur, maître de conférences à l’université Paul-Valéry Montpellier III et spécialiste de la question des migrations, le ralentissement des investissements productifs dans l’industrie des pays d’Europe du Sud (à l’exclusion relative de l’Italie) est grandement responsable de la perte d’emploi des travailleurs maghrébins, très présents dans le secteur de l’automobile et de la sidérurgie.
-Il est aujourd’hui établi que la crise économique dans laquelle s’enlise l’Europe depuis 2008 a eu de lourdes retombées sur les marchés de l’emploi pour les migrants. En tant que chercheur et spécialiste, pouvez-vous nous éclairer davantage ?
La crise financière, avec les incidences économiques qu’on lui connaît, a certainement accentué le caractère drastique des politiques migratoires de bon nombre d’Etats membres de l’Union européenne. Pour autant, on ne peut la considérer comme la seule cause de ces politiques restrictives, mais simplement comme un argument supplémentaire mis à leur service.
Pourquoi ? Parce que la migration de travail a, globalement, été arrêtée en Europe depuis le milieu des années 1970 et que, depuis lors, la migration ne restait possible que si elle était liée au regroupement familial, aux études ou à l’asile. Se mettaient donc progressivement en place des dispositifs législatifs et réglementaires qui n’auront de cesse de réduire à peau de chagrin les possibilités de migrer et de s’installer légalement en Europe.
L’aboutissement de cette logique a été ce que l’on a communément appelé la «forteresse Europe» appuyée sur l’accord de Schengen et sécrétant la tentation de «l’immigration zéro». La fin des années 1990 remettra en question cette conception en raison, notamment, de la prise de conscience par l’Europe de son déficit démographique. Dès lors, se mettent en place des politiques migratoires assises sur deux versants qu’actera, en 2008, le Pacte européen sur l’immigration et l’asile : d’une part, organiser l’immigration légale en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d’accueil et, d’autre part, lutter contre l’immigration irrégulière. Prioritairement, c’est le premier versant que la crise actuelle impacte le plus dans la mesure où, même dans le cas des accords dits de «gestion concertée des flux migratoires», le nombre de migrants accueillis légalement est revu à la baisse, voire tout simplement gelé.
-En définitive, la crise a-t-elle eu un impact d’ordre économique sur la situation des migrants ?
Oui, sans conteste, et l’exemple espagnol est là pour le rappeler. Mais elle ne peut être considérée comme la seule cause de la fermeture des frontières aux migrants, celle-ci étant depuis longtemps inscrite dans les agendas politiques des différents Etats européens. L’autre impact relève, lui, de l’ordre des représentations. Dans ce domaine, des études montrent la corrélation fausse et pourtant couramment établie entre montée du chômage et immigration. La raréfaction du travail est dès lors imputée, en partie sinon en totalité, à la présence des migrants. Il apparaît donc logique que les discours xénophobes trouvent davantage d’oreilles attentives et de bulletins de vote favorables en ces périodes de crise. C’est l’impact le plus dommageable, à court terme, pour les migrants et pour les différentes politiques menées en Europe.
-Ne trouvez-vous pas que les craintes d’une récession économique dans certains pays de l’UE, jusque-là épargnés, ont davantage ravivé les inquiétudes face à la migration comparativement à la période d’avant-crise ?
L’histoire européenne du XXe siècle nous enseigne que les périodes de crise ont toujours favorisé les crispations sociétales, les réflexes de renfermement, la montée des nationalismes ; bref, le repli sur soi. La peur de l’étranger, qui n’est pas, aujourd’hui propre à l’Europe, gagne toujours du terrain en période économiquement difficile. La représentation que se fait une société de l’étranger participe également à cette peur. Or, une échelle de valeur allant du «plus étranger» au «moins étranger» est toujours implicitement présente dans les représentations. A l’aune de cette échelle, tous les étrangers ne sont pas des migrants. Ou pour paraphraser un célèbre humoriste aujourd’hui disparu : «Il y a des étrangers plus étrangers que d’autres». Donc, pour être clair, les inquiétudes se manifestent en premier lieu à l’endroit des migrants en provenance du Sud. Et, une fois encore, ces inquiétudes ne sont pas nouvelles : elles étaient présentes avant la crise ; elles le resteront longtemps après la crise. En revanche, la crise a tendance à transformer les inquiétudes en politiques publiques. Cette circulaire, dont on a tant parlé en France, qui revient sur l’autorisation accordée aux étudiants étrangers d’occuper un premier emploi à l’issue de leur formation, relève de cette logique complètement étrangère à la «raison économique».
-En limitant leurs droits aux aides sociales, certains pays de l’UE, dont les économies ont été sévèrement fragilisées par la crise, ne sont-ils pas en train de pousser les milliers de migrants qui ont perdu leur emploi et qui ne veulent pas rentrer au pays d’origine à se tourner vers l’économie souterraine ?
Parmi les pays européens les plus fragiles aujourd’hui, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Irlande et, de plus en plus, la Grande-Bretagne sont confrontés à de sérieuses difficultés économiques. Si l’on reste dans le bassin méditerranéen, la situation de l’emploi est problématique dans l’ensemble des Etats européens. Elle est même dramatique pour certains d’entre eux. La perte d’emploi dans ces pays ne touche pas seulement les migrants même si, compte tenu de facteurs de qualification de travail, ils constituent les premières victimes. Si on considère le cas de l’Espagne, devenu dans les années 1990 pays d’immigration après avoir été longtemps pays d’émigration, le chômage touche 25% environ de la population active et les jeunes à 50%. Les étrangers en situation régulière résistent mieux, globalement, à la perte d’emploi que les migrants irréguliers dont bon nombre s’inscrivait déjà dans «l’économie de la débrouille» avec une protection sociale quasi nulle, sinon totalement inexistante. Globalement, la protection des travailleurs, nationaux comme étrangers, n’y est pas très développée. Elle est encore moins bien assurée en Grèce.
Aujourd’hui, avec le chômage de masse qui sévit dans ces deux pays, cette protection apparaît pour ce qu’elle est : limitée sans être réservée aux seuls travailleurs nationaux, principe de non-discrimination entre travailleurs oblige. Quant à la protection sociale prodiguée par l’Etat et les collectivités territoriales, elle est délivrée sous condition de séjour régulier et de ressources. Les différences de traitement prennent ici leur source. Pour répondre plus précisément à votre question, ce ne sont pas seulement les migrants qui voient leurs droits sociaux limités, mais toute la population, ce qui donne la mesure de «l’économie de la débrouille» à laquelle des pans entiers de la population recourent. L’immigration des Espagnols et des Grecs fait partie aujourd’hui de cette stratégie de survie et on assiste à des départs de plus en plus significatifs de nationaux ainsi qu’à des retours «maîtrisés» vers le pays d’origine de parties de membres de familles de migrants.
«L’économie souterraine» n’est néfaste que si elle a pour objectif et pour effet de saper les fondements même de «l’économie formelle» d’un pays lorsqu’elle-même peine à se réaliser et à s’imposer comme facteur de développement. Lorsqu’elle reste une «économie d’appoint», elle peut remplir un rôle social non négligeable. C’est ce rôle que cette forme «d’économie» joue, semble-t-il, dans certains des pays européens du Sud.
-Y aurait-il des stratégies d’acteurs face à la crise, comme le retour au pays d’origine et la migration vers un autre pays ?
Sur les retours au pays d’origine, peu de chiffres sont rendus publics. Quelques recherches universitaires, de dimension encore modeste, relèvent un certain nombre d’initiatives orientées vers le retour au pays dans le cadre de projets d’entreprenariat, mais ces retours s’inscrivent plutôt dans la migration circulaire et sont l’œuvre de binationaux souvent dotés d’un niveau de formation moyen ou moyen haut. Pour autant, ces initiatives ne relèvent pas tout à fait d’une construction diasporique à proprement parlé. Elles restent isolées et individuelles. On ne peut donc pas en tirer une tendance durable. Les départs vers d’autres pays, il en existe aussi. Là également, cela reste des stratégies individuelles développées par des acteurs plutôt bien formés. Cependant, le phénomène, qui touche autant les jeunes «Français de souche » que les jeunes « français issus de l’immigration », reste peu significatif pour en tirer une quelconque loi.
-Nombre d’experts de l’OIM et de l’OIT s’accordent à dire que la situation d’emploi des travailleurs étrangers se serait détériorée plus rapidement que celles des nationaux et non-UE. La concentration élevée de travailleurs maghrébins – les plus touchés par le chômage – dans des secteurs à demande cyclique, comme la construction, le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration, y serait-elle pour quelque chose ?
Il est difficile de répondre avec précision à cette question à l’échelle de l’Union européenne. Les chiffres disponibles ne permettent pas d’avoir le recul nécessaire. D’autant que les données statistiques peuvent être faussées par le critère de la nationalité en ce qui concerne les travailleurs maghrébins en raison de l’incidence de la binationalité. La situation des étrangers maghrébins est, depuis les années 1990, globalement moins avantageuse face à l’emploi tant pour des raisons «d’employabilité» souvent en rapport avec le vieillissement de cette catégorie de travailleurs, que pour des raisons de discrimination légale étant donné que l’accès à toute une série d’emplois reste fermé aux extracommunautaires. D’autres types de discriminations touchent également indifféremment les travailleurs maghrébins et leurs enfants, pour la plupart citoyens français.
Ensuite, viennent les raisons que vous évoquez, notamment le secteur de la construction qui connaît des fortunes diverses selon les pays. Le commerce de détail et le commerce ambulant, fortement ethnicisés ces dernières décennies, continuent à drainer une main-d’œuvre assez significative, mais qui, intervenant rarement sous statut légal, n’apparaît pas nécessairement dans les statistiques officielles. L’hôtellerie et la restauration subissent peu les effets de la crise et drainent une main-d’œuvre jeune, elle aussi rétive aux statistiques, soit à raison de l’irrégularité du séjour, soit à raison d’une démarche volontaire de l’employeur. Par-dessus tout, c’est le ralentissement des investissements productifs dans l’industrie des pays d’Europe du Sud (à l’exclusion relative de l’Italie) qui est grandement responsable de la perte d’emploi des travailleurs maghrébins très présents dans le secteur de l’automobile et de la sidérurgie.
-La Banque mondiale parle, quant à elle, d’une décrue non négligeable des transferts de fonds de la communauté migrante nord-africaine d’Europe depuis ces trois dernières années. Serait-ce les contrecoups de la crise, de la dépréciation des devises ou des troubles politiques ayant secoué plusieurs pays de la région ?
Le rapport auquel vous faites référence établit, en effet, plusieurs constats. Tout d’abord, il établit que l’envoi de fonds par les migrants, par un canal légal, a quadruplé en 10 ans passant à près de 40 milliards de dollars en 2010. Ces envois se répartissent de façon quasi égale entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord, soit respectivement 21,5 milliards et 18,2 milliards. Rapportés au PIB moyen pour chacun de ces deux sous-ensembles régionaux, ces fonds représentent 3,7% du PIB de l’Afrique subsaharienne et 3,3% de l’Afrique du Nord. Dans les deux cas, ces envois de fonds sont largement supérieurs à l’aide officielle reçue. Les deux pays d’Afrique du Nord qui bénéficient le plus de ces envois sont l’Egypte, puis le Maroc qui, à eux deux, reçoivent les trois quarts des envois. Viennent ensuite l’Algérie et la Tunisie qui se partagent le un quart restant, soit environ 4,5 milliards de dollars.
Plusieurs observations s’imposent. La fiabilité de ces données reste relative en raison de la difficulté liée aux instruments de mesurage des flux des envois, donc à la connaissance précise des circuits qu’empruntent ces transferts de fonds. Seul le volume d’envoi par des circuits légaux est mesurable plus ou moins, précisément lorsque les données fournies par les pays intéressés sont fiables. Or, les transferts de fonds empruntent aussi des circuits informels dont on peine à mesurer l’importance. Les transferts peuvent aussi se faire de manière indirecte sous forme de biens de consommation ou de petit équipement. Ces quelques éléments parmi d’autres relativisent d’autant les chiffres de la Banque mondiale qui ne prennent en compte que le transfert direct et par voie légale.
Pour revenir à votre question, la baisse des volumes des transferts de fonds vers les pays d’Afrique du Nord et les raisons de cette baisse, il convient d’abord de rappeler que cette baisse relative concerne aussi bien l’Afrique du Nord que l’Afrique subsaharienne. Mais il est vrai que la baisse est plus importante en Afrique du Nord où les flux ont chuté de 11,1% en 2009 pour amorcer une légère hausse en 2010. L’Egypte a accusé une chute de 18% et le Maroc une baisse de 9%.
-Comment expliquer cette baisse plus importante que celle enregistrée par l’Afrique subsaharienne ?
Si on considère les régions d’immigration des uns et des autres, on observe que les migrants d’Afrique du Nord sont implantés, pour l’essentiel, en Europe occidentale, d’où proviennent 54% des fonds et aux pays du Golfe, d’où proviennent 27% des fonds. Leur implantation aux Etats-Unis reste modeste et ne génère que 5% des fonds transférés. On remarque, contrairement à l’Afrique subsaharienne, une absence de diversification des sources des transferts avec une dépendance importante par rapport à l’Europe. Or, cette région traverse la crise financière que nous connaissons, ce qui n’est pas sans conséquence sur la capacité d’épargne des migrants et donc sur les envois de fonds qu’ils réalisent.
Naima Benouaret
Aïssa Kadri, chercheur spécialiste des immigrations
«Les Algériens sont les plus touchés par le chômage»
Professeurs des universités, maître de conférences en sociologie à l’université Paris VIII, Aïssa Kadri est aussi directeur de l’Institut Maghreb-Europe et chercheur spécialiste des immigrations. Dans cet entretien, il nous livre son analyse sur les répercussions de la crise sur les immigrés et plus particulièrement sur les migrants algériens et nord-africains.
-Les travailleurs étrangers ont été les principales victimes de la détérioration des conditions d’emploi en Europe. Souscrivez-vous à ce constat ?
En effet, les travailleurs étrangers sont des victimes, et pas les seuls, des effets de la crise et pas seulement depuis 2008. Dans une perspective de moyenne durée, on peut faire remonter, la fragilisation des travailleurs migrants et le reflux du travail immigré à la fin, de ce qu’on a caractérisé comme les années de croissance, c’est-à-dire au milieu des années 1970, avec la fin officielle de l’émigration de travail. Cela correspond d’ailleurs dans le même temps à la mise sur agenda politique et médiatique de l’émigration/immigration comme la source principale des maux des sociétés d’accueil. La crise aujourd’hui n’a fait qu’amplifier le mouvement. De manière générale et dans cette perspective, les taux de chômage des travailleurs étrangers et de leurs descendants français n’ont fait que croître.
-Selon vous, quelles sont les communautés migrantes hors UE parmi lesquelles les indicateurs de précarité de l’emploi sont les plus élevés ?
Selon les statistiques officielles françaises (source INSEE), le chômage touche beaucoup plus les étrangers que les Français (17,6% à 20% contre 8,5%-9%). Le taux atteint 24,5% de la population des étrangers hors UE. S’agissant des Algériens, ils sont les plus touchés, pour les 30-39 ans, ils sont à 37, 7% au chômage, contre 35,4% Marocains, 35,8% Tunisiens, 26,4% Vietnamiens, Cambodgiens, 15,1% Espagnols, et 10, 1% Italiens.
-Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le chômage touche beaucoup plus les Algériens, serait-ce du fait qu’ils constituent la première communauté d’origine étrangère en France ?
Le chômage des Algériens s’explique en partie par le fait qu’ils ont été employés dans les secteurs des grandes industries françaises les plus durement frappés par la crise. Les jeunes dits «issus des immigrations» sont encore plus touchés par le chômage, les taux oscillant selon les caractéristiques familiales, les lieux de résidence, les certifications entre 20% à 35% (le taux de chômage des jeunes dont les parents sont nés hors UE représente 28% de l’ensemble des jeunes actifs sortis du système éducatif en 2004). Les emplois de la fonction publique sont fermés aux étrangers sauf dans certains secteurs, comme l’enseignement supérieur et la recherche, la médecine hospitalière et plus récemment la RATP et le SNCF.
Un poste de travail sur cinq leur est fermé réglementairement. Beaucoup de jeunes issus des immigrations, confrontés aux discriminations latentes ou avérées – un jeune issu des immigrations a en moyenne trois fois moins de chance d’être recruté qu’un jeune du même âge et diplôme dont les noms et prénoms sont français -, choisissent les métiers de la fonction publique qui leur apparaissent plus neutres. Dans une récente enquête que nous avons menée, nous avons observé une nette augmentation des taux des jeunes issus des immigrations, notamment d’origine algérienne, dans les concours de l’éducation nationale ; dans les IUFM de Seine Saint-Denis, ce sont près de 20% de jeunes ayant réussi le concours pour être professeur des écoles et dont au moins un parent est né à l’étranger ou de nationalité étrangère, qui se destinent aux métiers de l’enseignement. Il faut observer également qu’à niveau de diplôme égal, le niveau de chômage des immigrés est toujours supérieur à celui des Français. Pour les titulaires d’une licence, les taux de chômage sont respectivement de 4,6% pour les Français et 16,3% pour les immigrés.
-Des statistiques françaises viennent de mettre l’accent sur le grand nombre de diplômés maghrébins et algériens de haut niveau se trouvant en France. Ne pensez-vous pas qu’il y a là un problème, alors que le pays souffre de la faiblesse de l’encadrement dans beaucoup de domaines ?
Les statistiques sont souvent utilisées chez nous n’importe comment. On peut faire dire aux statistiques n’importe quoi, écrivait déjà l’historien de l’économie François Simiand qui, se défiant de l’usage politique des statistiques, ajoutait : «Il ne faut faire dire aux statistiques que ce qu’elles disent et sous les conditions où elles le disent». Aussi bien, avancer que les Algériens sont avec les Marocains les plus surdiplômés, ou diplômés à haut potentiel dans la population étrangère en France, apparaît quelque peu rapide, si n’est pas précisé par ailleurs, s’il s’agit là d’étudiants en cours d’études diplômés de niveau master 1 ou 2 ou doctorants de diplômés/ qualifiés demandeurs d’emploi ou au travail.
En effet, la part des étudiants maghrébins en France a toujours été élevée parce que la France a été toujours, et jusqu’à il y a une dizaine d’années, le pays de destination principale des étudiants maghrébins. Cette part a d’ailleurs tendance à fortement diminuer ces dernières années au profit d’autres origines notamment asiatiques ou des pays de l’ancien bloc soviétique. Le stock de 66 000 diplômés comprend-il des étudiants inscrits en niveau master 1 et 2 et doctorants ou somme-t-il les étudiants plus les diplômés en attente d’emplois et ceux qui exercent des petits boulots ou comme cadres supérieurs ? Si l’on prend telle ou telle option de comptage, on n’a pas les mêmes chiffres et on ne peut tirer les mêmes conclusions quant à la part des surdiplômés, de leurs qualifications et de leur insertion sur les marchés du travail, local, national, régional et international.
-Que peuvent faire les autorités algériennes ? Comment le pays peut-il bénéficier de l’expertise de ses diasporas ?
Du côté des autorités, c’est un peu la prière de l’absent. Les différents ministres, qui ont été en charge de ce qui est qualifié – et les présupposés sont clairs quant à la volonté de contrôle – «la communauté nationale à l’étranger», ont toujours joué la carte de l’affichage médiatique et celle de l’effet annonce à travers des réunions – zerdates – sans résultats tangibles autre que celles des agitations qui les entourent. Tout se passe comme si ce qui intéresse réellement les autorités c’est, au-delà du battage médiatique qui mousse certains, comment reprendre la main sur une immigration qui s’est largement émancipée des cadres bureaucratiques exclusivistes du parti Etat depuis le mouvement social de 1988 et l’effondrement subséquent de l’Amicale des Algériens en France.
Preuve en est la démarche de l’actuel ministre qui a d’abord, de crainte de ne pas maîtriser le fonctionnement, il est vrai pléthorique, du conseil consultatif prévu pour organiser l’immigration algérienne, gelé le décret qui devait le mettre en place, décret promulgué par ailleurs. Il y a ensuite l’agenda de ce qui est pensé comme processus rigoureux de mobilisation où ce sont les instances de représentations religieuses qui ont été privilégiées en premier lieu dans le processus dit de concertation, au détriment du mouvement associatif pluriel et dynamique issu des nouvelles générations de l’immigration algérienne.
La crise a eu raison des 100 000 emplois promis en Italie
Autres pays, autres impacts, autres victimes : le vent de récession, qui s’abat depuis d’une manière particulièrement violente en Italie, a charrié sur son chemin le rêve de pas moins de 100 000 candidats à l’immigration du travail en Italie. En vertu du décret 2010-2011 sur les flux migratoires approuvé en novembre 2010 par l’ex-président du Conseil Silvio Berlusconi, le marché du travail italien devait s’ouvrir à 100 000 nouveaux travailleurs étrangers. Plus de la moitié des postes prévus, soit 52 080, était réservée à une vingtaine de pays d’Afrique du Nord, subsaharienne, d’Asie et d’Europe de l’Ouest, avec lesquels Rome est déjà signataire d’accords de coopération en matière d’immigration.
Ainsi, outre les 4500 postes, le quota dont devaient bénéficier ceux issus du Maroc. Etaient également concernés des travailleurs en provenance d’Algérie (1000), d’Egypte (8000), de Tunisie (4000), de Gambie (1000), du Ghana (2000), du Niger (1000), du Nigeria (1500), du Sénégal (2000), de Somalie (80), de Sri Lanka (3500), d’Albanie (4500), du Bangladesh (2400), des Philippines (4000), d’Inde (1800), de Moldavie (5200), du Pakistan (1000), du Pérou (1800) et d’Ukraine (1800), détaille un document de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dont une copie a été remise à notre rédaction par l’Association nationale de défense des droits des migrants (AFAD).
Selon sa présidente, Mounira Haddad, très peu nombreux étaient les candidats à avoir été embauchés dans le cadre du dispositif italien d’emploi pour migrants. Etalée sur une année –2011 à 2012-, l’opération a été gelée puis définitivement abandonnée, les secteurs où les besoins en main-d’œuvre étrangère furent exprimés au moment de la mise au point dudit décret, n’ayant pas pu échapper aux lourds impacts de la crise, regrette la présidente d’AFAD qui trouve par ailleurs curieux que le quota qui était destiné à l’Algérie soit le plus faible comparativement à ceux dont devaient bénéficier nombre de pays du sud de la Méditerranée, comme le Maroc, la Tunisie ou l’Egypte.
Naima Benouaret