Les Bourses mondiales au bord de la dépression: Il y a le feu à la maison
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 25 octobre 2008
L’effet dopant sur le système financier des plans de sauvetage américain et européen a été de courte durée et les signes de récession s’accumulent au niveau de l’économie mondiale. Sur les bourses mondiales, c’est la retraite en désordre, un plongeon général. La bourse de Paris, en chute libre depuis jeudi, a perdu, hier, près de 4 %, Londres et Francfort plus de 6 %, Tokyo a terminé sur une perte de 9,60 %, Seoul a plongé de 10,6 % suivie par Hong Kong de 8,30 %. Les deux Bourses de Moscou, le RTS et le Micex, ont suspendu leurs cotations jusqu’à mardi à la suite de fortes chutes de leurs indices qui ont chacun perdu plus de 13 %. Wall Street a ouvert en forte baisse (-5,07 % pour le Dow Jones et -6,08 % pour le Nasdaq). Les acteurs des marchés financiers envoient un message simple : il y a le feu à la maison. S’il n’y a pas de définition précise de la notion de Krach, on sait qu’il se manifeste par la tendance des investisseurs en Bourse à se débarrasser de leurs actions pratiquement en même temps.
Tous les signaux sont désormais réunis : chute boursière, baisse des actifs… On liquide pour obtenir du cash dans le but de rembourser les emprunts. C’est un tourbillon qui aspire d’énormes ressources. L’effet panique, présent depuis plusieurs semaines, n’a donc pas été annihilé par les plans de sauvetage des systèmes bancaires lancés par les Etats-Unis et l’Eurogroup. C’est, selon certains spécialistes, un véritable tournant qui s’est opéré avec la crise du crédit et la disparition de l’effet de levier sur lequel s’est fondée la spéculation financière de ces deux dernières décennies.
Projections alarmistes
Un économiste de l’université de New York, Nouriel Roubini, a exposé jeudi à Londres, des projections alarmistes, pronostiquant même l’éventualité d’une fermeture des Bourses par les gouvernements pour calmer les esprits et surtout bloquer les transactions. « Des actifs vont être bradés massivement et des centaines de hegde funds vont exploser en vol », a-t-il indiqué. « Ne soyez pas étonnés si les autorités sont obligées de fermer les marchés dans les jours qui viennent ». Ces fonds sont en effet en train de vendre sur les places boursières pour se concentrer sur des actifs supposés plus sûrs. Circonstances aggravantes, les pays émergents subissent à leur tour les effets de la crise financière et ne servent plus d’amortisseurs.
La crise s’est bien mondialisée et se propage irrésistiblement. Elle produit ses effets sur la croissance chinoise qui, tout en restant importante, connaît un net ralentissement. En Argentine, l’Etat, pour trouver des fonds, a décidé de nationaliser les caisses de retraites privées dans le but de puiser dans l’épargne des citoyens afin d’éviter un second défaut de paiement de la dette, comme ce fut le cas en 2001. La mesure a eu un effet immédiat sur les actions des sociétés internationales présentes en Argentine, comme les Espagnols Repsol et l’opérateur Telefonica, qui ont fait plonger la Bourse de Madrid. Des risques de défauts qui pourraient concerner également d’autres pays très dépendants des capitaux étrangers pour le financement de leur croissance comme les pays baltes, la Turquie, la Hongrie et l’Ukraine. Le FMI, que certains ont cru au « chômage » ou réduit à ne s’occuper que des pays africains, est fortement sollicité. L’Islande, ci-devant « Tigre de l’Atlantique » et pays « modèle », vient d’obtenir un peu plus de deux milliards d’aide d’urgence de la part de l’Institution de Whashington. Le Pakistan, dont les réserves en devises ne couvrent plus que les besoins pour six semaines, frappe à sa porte. L’Ukraine pourrait accéder à un prêt de 14 milliards de dollars et les discussions sont engagées avec la Biélorussie.
La Croatie, l’Albanie, la Macédoine sont aussi en sérieuses difficultés. Les retraits brutaux de capitaux étrangers – atténués dans les pays du Golfe par la disponibilité d’importantes réserves dans les banques centrales – font ailleurs vaciller les banques et les monnaies locales.
Le FMI dispose de 200 milliards de dollars pour aider ces pays, ce qui paraît bien limité au regard de la situation. Sur un autre plan, les constructeurs automobiles commencent à donner des signes de mauvaise santé, des rumeurs circulent sur General Motors dont l’action a chuté… La décision des pays de l’Opep de réduire la production de 1,5 million de barils/jour n’a pas eu d’incidence sur les cours. C’est que l’économie mondiale réelle est bien dans une logique de récession. Les horizons sont bouchés et rien ne va plus.
Rien ne va plus
Au sommet de Pékin, rassemblant 43 chefs d’Etat et de gouvernement d’Europe et d’Asie, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a dramatisé son propos en utilisant une formule choc : « C’est très simple: nous nageons ensemble ou nous coulons ensemble ». En ajoutant, pour ceux qui auraient besoin de clarification sur l’ampleur de la crise : «Nous vivons une période sans précédent et nous avons besoin d’un niveau sans précédent de coordination mondiale».
Pas de propositions précises, cependant, il faudra attendre le « G20 » (G7, Union européenne, Chine, Brésil, Inde, Russie, Corée du Sud, Argentine, Australie, Mexique, Arabie Saoudite, Turquie et Afrique du Sud) prévu pour le 15 novembre à Washington. Il reste que les plus optimistes parlent d’une crise qui va durer au moins une année… Trop optimistes ?