Le baril de pétrole à 20 dollars, simple hypothèse ou projection réaliste ?
par Mourad Benachenhou, Le Quotidien d’Oran, 21 décembre 2008
Il est difficile, sinon impossible, de trouver dans les statistiques qui décrivent l’évolution de l’économie algérienne au cours de cette décennie, des indices, si faibles soient-ils, d’une transformation de la structure de cette économie laissant présager la fin de l’écrasante domination du secteur des hydrocarbures.
Une politique économique cohérente et librement conçue et exécutée
La politique économique, telle qu’elle apparaît, non à travers les déclarations officielles, mais dans sa pratique quotidienne, a peu changé, de même que les équipes chargées de la mettre en oeuvre ont connu une stabilité quasiment sans faille.
On ne peut pas trouver, derrière cette politique, une main étrangère quelconque, car l’Algérie s’est libérée de la tutelle des institutions financières internationales, et, au vu de ses réserves comme de ses excédents budgétaires, n’a pas à négocier ses orientations économiques avec les pays qui pourraient lui assurer les subsides nécessaires à la conduite de ses affaires. Donc, il n’y a pas de confusion possible quant aux responsabilités engagées dans les orientations comme les résultats de cette politique économique.
Chute de la contribution
de l’Agriculture et de l’Industrie
En fait, l’aisance financière créée par l’augmentation quasi constante qu’a connue le prix des hydrocarbures au cours de ces dix dernières années, et jusqu’à ces cinq derniers mois de l’année courante, a conduit, non à une diversification de l’économie, mais à une intensification de sa dépendance à l’égard de cette matière première de base.
Si l’on prend la période 2002 à 2006 comme référence de cette tendance, on constate que la contribution des hydrocarbures à la production nationale est passée de 32,7 pour cent en 2002 à 45,9 pour cent en 2006, alors que l’industrie, pour les mêmes années, a vu sa contribution se réduire de 7,4 pour cent à 5 pour cent, et que la part de l’agriculture, pourtant l’objet officiel d’une très grande sollicitude, a diminué de 9,2 pour cent à 7,6 pour cent dans la même période.
Les recettes extérieures et les ressources fiscales pétrolières :
principales sources financières de l’économie et de l’Etat
Le même phénomène se constate pour ce qui est du financement du budget de l’Etat ; celui-ci est passé de 35 pour cent de la Production Intérieure Brute en 2002 à 43 pour cent en 2006, soit un gain de 8 pour cent sur 5 ans ; mais dans le même temps, les revenus fiscaux en provenance des hydrocarbures sont passés de 22,2 pour cent du PIB à 33,1 pour cent pour la même période, soit un gain de 10,9 pour cent. Quant aux recettes d’exportations, elles ont connu une évolution encore plus forte en faveur des hydrocarbures, du fait de l’augmentation des prix à l’exportation comme du volume ; les montants exportés étaient de 60 millions 800 mille tonnes en 2002, et ont atteint 74 millions de tonnes en 2006, soit une augmentation de près de 18 pour cent, alors que les recettes d’exportation, pour les mêmes années, ont grimpé de 18 milliards de dollars à 53 milliards de dollars, correspondant à un triplement de ces recettes, expliquées par le fait que le prix moyen du baril de pétrole est passé de 19 dollars le 4 janvier 2002 à 62,36 dollars fin décembre 2006.
Ce sont là des chiffres tirés des plus récents rapports du FMI préparés en consultation avec les autorités algériennes ; il est évident que, au vu de la continuation de la tendance haussière des prix des hydrocarbures en 2007 et jusqu’à juillet 2008, on ne peut que conclure qu’il n’y a aucun élément nouveau particulièrement important qui ait inversé la tendance de l’économie algérienne à être de plus en plus captive du secteur des hydrocarbures. On connaît l’impact heureux de cette évolution sur le montant des réserves de changes, qui est l’objet d’une vaste publicité, et qu’il n’est donc pas nécessaire de rappeler ici.
L’indifférence des grandes puissances économiques
aux vues des pays émergeants
Il faut reconnaître que ni l’Algérie, ni l’OPEP, ni le monde en voie de développement, de manière générale, ne portent une responsabilité quelconque dans la provocation de la crise économique mondiale, qui a officiellement éclaté en septembre 2007. D’ailleurs, nul ne pense à mettre en accusation ces pays, dont le rôle dans les prises de décision économiques et financières qui ont finalement débouché sur la profonde et dangereuse récession actuelle ; ce n’est un secret pour personne que le rôle des dirigeants supposés représenter ce groupe de pays auprès des grandes puissances et leur présenter ses doléances, s’est borné à une apparition sur les photos de groupe officielles prises à l’occasion de conférences périodiques ; de même l’absence du Président de la Banque mondiale comme du Directeur général du FMI à la réunion de Doha, convoquée par le Secrétaire général de l’ONU, confirme que ces grandes puissances ne sont pas intéressées par le point de vue des pays en voie de développement sur les causes et les conséquences de cette crise comme sur les solutions possibles pour sa résorption.
La crise économique mondiale affecte directement l’Algérie
Nul ne peut nier maintenant que la crise économique mondiale ne va pas épargner l’Algérie ; la question qui se pose est surtout le degré de gravité des conséquences de cette crise sur l’économie algérienne ; comme celle-ci sera plus ou moins touchée selon l’évolution du prix du baril de pétrole, le débat tourne autour du prix de ce produit qui pourrait obliger le gouvernement à effectuer des prélèvements importants sur le fonds de péréquation des recettes financés par le surplus budgétaire non absorbable, et la Banque centrale à financer le déficit de la balance des payements par des ponctions importantes sur les réserves de change. Le débat est rendu confus par le fait que les projections proposées tant au niveau du taux de croissance du Produit Intérieur Brut que de la rapidité de réduction des réserves de change se fondent sur l’hypothèse que la crise actuelle est conjoncturelle, donc passagère, et qu’elle aura une influence maitrisable sur le prix du pétrole, d’autant plus que ce prix pourrait être appelé à reprendre sa tendance à la hausse grâce la réduction contrôlée de l’offre de pétrole par les pays membres de l’OPEP.
Quatre hypothèses qui faussent le débat interne sur la crise internationale
En fait, quatre hypothèses aussi peu fiables les unes que les autres sont à la base de la vision optimiste de l’évolution des choses que l’on veut à tout prix faire passer pour une certitude fondée sur des projections assurées :
1. La première hypothèse est que la crise économique et financière actuelle a atteint son plancher, et qu’elle ne saurait s’approfondir ;
2. La seconde hypothèse est que la capacité de payement des gros importateurs des hydrocarbures est encore intacte et que ceux-ci seraient disposés à payer le baril de pétrole au prix imposé par les décisions de l’OPEP ;
3. La troisième hypothèse est que le dollar, dans lequel sont libellées 98,5 pour cent des recettes d’exportation, alors qu’elle ne représente, au plus, que 15 pour cent de nos dépenses d’importation, se consolidera face aux autres monnaies de payement internationales ;
4. La quatrième est que la situation financière de la Sonatrach continuera à être solide, et que cette société nationale ne sera pas obligée de solliciter les ressources publiques pour couvrir ses dépenses d’investissement comme ses besoins de trésorerie.
La crise économique mondiale ne se ralentit pas
On sait que la première hypothèse est loin d’être avérée ; on voit, au contraire, s’accumuler les indices d’un approfondissement de la crise économique et financière mondiale, malgré la mobilisation sans faille des gouvernements des pays les plus riches, comme de ceux de la Chine et de l’Inde, qui, tous, ont pris des mesures drastiques pour éviter l’effondrement de leurs grosse banques, comme pour relancer leur consommation interne et donner un coup de pouce à leurs secteur productifs. Toutes les projections effectuées par les gouvernements en cause comme par les institutions financières internationales donnent un ralentissement important de la croissance économique mondiale, sur la base des données actuelles, qui, sans aucun doute, vont s’avérer optimistes au vu de l’évolution des choses sur le terrain dans les mois à venir. La débâcle mondiale du secteur automobile, particulièrement significatif, vu qu’il n’y a pas une industrie qui n’y contribue pas d’une manière ou d’une autre, comme du secteur de l’immobilier, ne présage rien de bon dans un proche avenir.
Glissement de la courbe de la demande globale vers la gauche
L’hypothèse qu’il existe encore une certaine flexibilité dans les capacités de payement des gros pays importateurs leur permettant d’accepter n’importe quel prix du pétrole à condition qu’il continue à couler, est également erronée ; la situation du capital des grandes banques impliquées dans le financement des opérations commerciales internationales n’est pas encore assurée ; et elles continueront à faire preuve de réserve pour le financement des importations de pétrole, d’autant plus que la stabilité de son prix dans la conjoncture actuelle, n’est pas assurée ; supposons qu’une banque garantisse à un négociant international un crédit de 100 millions de dollars pour acheter du pétrole actuellement coté à 40 dollars pour une livraison ferme dans 30 jours ; il n’est pas sûr que, à la fin de ce mois, il puisse écouler ces 2,5 millions de barils au prix d’achat, incluant évidemment son bénéfice et le coût de la transaction payé pour le contrat «forward».
Ces conditions d’incertitude ne peuvent que restreindre la capacité de payement des importateurs et les amener soit à sortir du marché si les prix ont tendance à s’élever au-delà des possibilités de financement des banques, soit à annuler les contrats déjà passés s’ils estiment qu’ils ne trouveront pas preneur pour le prix annoncé.
En fait, la courbe de la demande globale, qui constitue une représentation schématique de l’évolution du volume de la demande par rapport aux prix du marché, a glissé vers la gauche, selon la terminologie technique, c’est-à-dire que la demande de tous les produits s’est réduite sous l’effet de la crise et que les éventuels acheteurs ne sont plus disposés à accepter d’acheter leurs produits aux mêmes prix qu’avant la crise ; on se trouve dans une situation classique de déflation, où les producteurs, pour maintenir leur marché, sont obligés de réduire leurs prix ; et ceci s’applique évidemment à tous les produits, y compris le pétrole.
La perte du pouvoir d’achat du dollar et risques de forte dévaluation du dinar
La troisième hypothèse est en train de montrer son irréalisme ; il y a peu de chances, dans un proche futur, que la banque centrale des Etats-Unis, le FED, qui vient de réduire les taux d’accès à ses facilités de financement, à une fourchette variant de 0 pour cent à 0,25 pout cent, augmente ces taux ; le dollar a déjà montré sa faiblesse vis-à-vis du yen, car depuis un certain temps il n’arrive pas à décoller de la fourchette de 90 à 94 yens ; il s’était momentanément renforcé vis-à-vis de l’Euro ; mais son taux de change par rapport à la monnaie européenne s’est brutalement détérioré au cours de ces derniers jours au vu du différentiel de taux d’intérêt entre les deux monnaies, différentiel qui ne va pas se réduire de sitôt, car les tendances inflationnistes en Europe sont encore menaçantes. Au vu de ces deux éléments, le pouvoir d’achat des recettes d’exportations algériennes comme de ses réserves de change risque de subir un très grand coup, conduisant à une réduction précipitée de ces réserves de change, qui, si l’on en croit une étude du FMI (Regional Economic Outlook, Middle East and North Africa, October 2008,p 30) parue récemment, commencent à être sollicitées pour financier le déficit de la balance des payements, dès que le prix du baril de pétrole algérien descend au-dessous de 56 dollars, ce qui est le cas depuis plus d’un mois. Et pourtant, cette étude du FMI est basée sur des hypothèses extrêmement optimistes en ce qui concerne l’évolution du marché pétrolier mondial !
Quant au dinar, dont le taux de change vis-à-vis des monnaies de payement internationales est géré, et non flottant au gré de l’évolution du marché des changes, sa valeur a déjà été réduite de plus de 20 pour cent depuis septembre 2008, ce qui a bloqué le bénéfice de la chute des produits à l’importation et va accroître les tensions inflationnistes déjà fortes actuellement ; cette dévaluation va se précipiter avec la détérioration du prix du pétrole et la perte de valeur du dollar.
La Sonatrach en danger de déséquilibre financier profond
Quant à la quatrième hypothèse, non exprimée évidemment, elle est démentie par les réalités économiques : une entreprise dont le prix de ses produits tombe, pour une raison quelconque, ne peut que voir sa situation financière se détériorer littéralement au prorata de la chute du prix de sa production ; la Sonatrach, dans la période actuelle, comme dans le passé, n’échappe pas à cette règle, d’autant plus qu’elle a accru ses engagements internes et externes futurs, sous la forme d’investissements, en proportion de l’accroissement constant de ses recettes au cours de ces dix dernières années, ce qui est une politique de bon sens ; on ne peut pas reprocher à cette société d’avoir tenté de tirer le maximum de profit d’une conjoncture particulièrement favorable, et d’avoir effectué ses projections de développement sur la base de la continuation de cette tendance dans le futur maitrisable.
Il faut reconnaître que les indices de retournement de la situation étaient difficilement décelables jusqu’au début de juillet de cette année. Les choses ont changé depuis. Sans aucun doute, avec la chute du prix des hydrocarbures, la valeur ajoutée produite par la Sonatrach va se réduire très rapidement lorsque les prix se stabiliseront sur une longue période à un niveau nettement inférieur aux prix moyens de 2008, qui sont particulièrement élevés ; l’excédent brut d’exploitation s’affaissera, et par-delà ce solde intermédiaire de gestion, la capacité d’autofinancement de la Sonatrach connaîtra une réduction drastique. Les bénéfices nets risquent de ne pas être suffisants pour éviter à cette société nationale de faire appel au financement bancaire pour couvrir ses besoins de trésorerie comme de financement à long terme, liés respectivement à ses activités d’exploitation et d’investissement.
De contributeur net de financement au reste de l’économie, cette société nationale sera obligée de faire appel aux financements bancaires intérieurs comme aux financements externes et/ou de faire couvrir ses besoins de devises par les réserves de la banque centrale.
Toute projection de l’évolution des réserves de changes qui ne tienne pas compte de l’impact de la chute du prix du pétrole sur les besoins de financement de la Sonatrach ne pourra qu’être éloignée de la réalité. La situation des crédits à l’économie gérée par la banque centrale deviendra extrêmement difficile du fait de l’arrivée de la Sonatrach sur le marché national du crédit à cours comme à moyen et long terme interne ; et on aura rapidement une situation inverse de celle que l’on connaît actuellement, à savoir un excès de liquidité interne forçant la banque centrale à utiliser les mécanismes classiques pour réduire cet excès. D’un côté, la création monétaire générée par les recettes d’exportations rapatriées, va chuter brutalement ; et de l’autre côté, la Sonatrach va de plus en plus solliciter le système bancaire national pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et d’équipement. On passera de l’excès à la pénurie en quelques mois, avec ce que cela doit avoir comme conséquences sur les taux d’intérêts sur les prêts et les avances de trésorerie. Quant à l’évolution sur le moyen terme de la situation financière globale de la Sonatrach, elle dépendra essentiellement du montant de ses charges fixes par rapport au prix d’écoulement de sa production.
L’OPEP peut-il influer sur les prix ?
On peut, à juste titre, se demander si la solution à la grave détérioration du prix du brut, qui a une telle influence sur l’état de notre économie, ne se trouve dans la réduction par l’OPEP, dont nous faisons partie, de son offre de pétrole sur le marché mondial. Avec une production représentant au moins quarante pour cent des sources d’approvisionnement en pétrole, l’OPEP apparaît comme non démunie d’atouts pour influer sur les prix du brut.
Mais, hélas ! La réunion d’Oran, tenue en grande pompe le 17 décembre courant, vient de prouver, une fois de plus, que l’OPEP n’a aucune influence sur le prix du pétrole ; une réduction annoncée de 2 millions deux cent barils/jours a eu un effet réduit, sinon nul, sur le cours du baril de pétrole ; le 18 décembre, c’est-à-dire un jour après l’annonce de cette réduction, qui vient d’ajouter aux 1 million cinq cent mille barils de réduction annoncés fin octobre 2008, (soit 3 millions 7 cent mille barils, correspondant à plus de 10 pour cent des exportations quotidiennes de pétrole par le pays de l’OPEP), les cours du NYMEX pour le pétrole léger américain, l’un des plus chers au monde, ont chuté jusqu’à 36,22 dollars pour les livraisons de janvier 2009, et de 2,34 dollars pour les livraisons de juin de la même année.
Un marché peu impressionné par les perspectives de réduction de l’offre de brut
On aurait pu imaginer que le marché aurait réagi en ajustant ses prix à la période de temps raisonnable nécessaire pour que les pays de l’OPEP mettent en application leurs décisions ; dans ce cas, si l’on considère qu’une période de deux mois est acceptable, le prix du baril de pétrole livrable en février 2009 aurait dû connaître un bond appréciable ; or, il ne dépasse que de cinq dollars les prix pour les livraisons de janvier et se trouve toujours au-dessous de la barre des 45 dollars.
On peut considérer que les prix pour les livraisons de mars, avril, mai et juin ressortissent plus de la spéculation que de l’expression d’une demande précise et ferme de pétrole ; ces prix n’ont donc pas de rapport avec la réalité de l’équilibre entre l’offre et la demande et n’indiquent pas une inversion de la tendance des prix du pétrole vers la hausse.
Le problème n’est plus celui de l’offre, mais celui de la demande solvable en pétrole. Le marché pétrolier anticipe une aggravation de la crise économique mondiale qui poussera le prix du pétrole vers le bas, et qui forcera les pays pétroliers à ne réduire leur production qu’en proportion de la réduction de la demande solvable ; ces pays ont des factures à payer, que ce soit les coûts directs de production et le maintien des investissements en état de fonctionnement, les remboursements des dettes normales d’exploitation et d’investissements passés ; et ils seront obligés d’ajuster leur production à ces besoins financiers, d’autant plus que, pour leur écrasante majorité, ils sont mono-exportateurs d’hydrocarbures. Il y a des limites à la réduction des exportations que ces pays ne pourront pas dépasser sans se retrouver dans une situation financière pire que celle résultant d’une simple chute des prix de leurs produits.
Un baril de pétrole à 20 dollars ?
Dans ce contexte, y a-t-il encore possibilité de chute du baril de pétrole à un niveau inférieur à la barre magique des 40 dollars ? Il est sûr que la réaction quelque peu dédaigneuse du marché à la décision de réduction par l’OPEP de ses exportations tient à indiquer que les négociants en pétrole s’attendent à une détérioration prononcée de ces prix dans les mois à venir, ce qui forcerait les pays de l’OPEP à simplement renoncer à ces réductions ou en diminuer l’ampleur.
Un baril de pétrole chutant jusqu’à 20 dollars pourrait ne pas être considéré comme une hypothèse hasardeuse ; la notion de juste prix est une notion morale qui n’a rien à voir avec la façon dont les marchés fonctionnent ; le pétrole à 147 dollars, atteint le 11 juillet de cette année, est-il un juste prix pour un pays pauvre ?
Est-il même un juste prix pour un pays pétrolier qui n’a pas la capacité d’absorption lui permettant d’utiliser l’argent gagné pour des emplois utiles à l’échelle nationale au lieu de le placer dans des banques qui vont l’employer pour leur spéculations et l’enrichissement de leurs actionnaires et le bien-être de leurs employés ? Donc, parler de prix juste implique que l’on établisse d’abord les critères de justice et de justesse avant de poser le problème, ce qui est un exercice difficile, sinon impossible.
En conclusion :
1. Malgré les discours officiels déplorant le rôle excessif du pétrole dans l’économie nationale, la réalité de la politique économique appliquée sur le terrain a abouti à un accroissement de la part des hydrocarbures dans l’économie nationale, au détriment de l’agriculture comme de l’industrie;
2. L’augmentation des prix internationaux du pétrole n’explique pas cette prépondérance ; l’accroissement de la production des hydrocarbures a également joué son rôle ;
3. La crise économique, qui s’est traduite par une forte chute de la demande et du prix du brut au cours de ces cinq derniers mois, aura des effets d’autant plus négatifs sur notre économie qu’elle dépend essentiellement des recettes externes et des recettes fiscales provenant des hydrocarbures pour financer l’économie et couvrir les dépenses de l’Etat ;
4. Sous-tendant le débat sur les implications internes de la crise, quatre hypothèses, exprimées ou implicites, apparaissent ; l’hypothèse du ralentissement de la crise économique mondiale et de son caractère conjoncturel ; l’hypothèse que la demande solvable existante dans les pays consommateurs supporterait une augmentation des prix du pétrole créée par une réduction de son offre, l’hypothèse que le pouvoir d’achat du dollar vis-à-vis des monnaies internationales, ne va pas se détériorer ; l’hypothèse que la Sonatrach ne souffrira pas d’un déséquilibre financier du fait de la chute du prix des hydrocarbures, et qu’elle continuera à contribuer de, manière nette au financement de l’économie ;
5. Ces quatre hypothèses, qui débouchent sur une vision optimiste de l’évolution du niveau des réserves de change dans le proche future, sont non seulement fausses, mais également dangereuses car elles risquent de conduire à sous-estimer l’ampleur des menaces de la crise sur les équilibres financiers et l’évolution de l’économie nationale ;
6. Dans ce contexte, une perte importante de valeur du dinar par rapport aux devises internationales, n’est pas à exclure et risque de dépasser les quelque vingt pour cent déjà enregistrés au cours de ces 4 derniers mois ; ceci aura pour conséquence non seulement de réduire les effets positifs des chutes de prix mondiaux sur le taux d’inflation interne, mais également d’accentuer cette inflation, déjà forte et probablement au-delà des indices officiels ;
7. L’espoir que les réductions de l’offre de pétrole par l’OPEP sur les marchés mondiaux est vain, car c’est la demande globale qui a changé de structure et de logique ; et le prix du pétrole ne peut pas être manipulé par la réduction du volume de pétrole au niveau de l’OPEP ; la réaction quelque peu dédaigneuse des bourses pétrolières à la suite des décisions de la réunion d’Oran sont là pour appuyer cette analyse ;
8. Le marché pétrolier est encore extrêmement incertain, et rien ne peut permettre de rejeter l’hypothèse que la chute du prix du pétrole est loin de s’arrêter au niveau actuel, et que, dans un avenir pas si éloigné que cela, le pétrole à 20 dollars deviendra une réalité imparable.