Ce qu’attend l’Algérie du G20
Les pays les plus industrialisés au chevet de l’économie mondiale
Ce qu’attend l’Algérie du G20
Par : K. Remouche, Liberté, 2 avril 2009
L’Algérie est-elle si déconnectée de l’économie mondiale qu’on considère que la rencontre du G20, qui s’ouvrira aujourd’hui et regroupant les chefs d’État des pays les plus industrialisés et des grands pays émergents, aura peu d’impact sur l’économie nationale et sur le quotidien de la majorité des citoyens ? Les évènements, qui se sont succédé au cours des six derniers mois, auront démontré le contraire. L’Algérie aura été touchée au moins par un canal diffuseur de la crise : les prix du pétrole qui sont pas passés de 147 dollars en juillet à 40 à 50 dollars durant le 1er semestre 2009, en raison des effets de la tempête financière reflétée particulièrement par la chute de la demande sur le brut, entraînant une baisse importante des recettes en devises du pays. L’enjeu pour l’Algérie reste, entre autres, fondamentalement la durée de la crise mondiale. Or, la reprise de l’économie mondiale semble attendue en 2011 et non pas fin 2010 en raison des hésitations à mettre en œuvre, et à un rythme beaucoup plus rapide, les plans de relance aux États-Unis et en Europe. Elle pourrait perdurer. Ce qui constitue un motif sérieux d’inquiétude. Bien que disposant de réserves en monnaie locale et d’un matelas de devises importants, correspondant à au moins à trois ans d’importations et de financements des investissements publics durant cette période selon les autorités du pays, l’Algérie pourrait renouer avec les difficultés budgétaires durant le prochain quinquennat, si la baisse d’activités enregistrée dans le monde se mue en une profonde dépression économique. Ce qui veut dire qu’il y aurait dans ce scénario moins de logements à construire et moins d’emplois à créer et peu de produits à placer à l’étranger. En un mot, on irait vers une dégradation de la situation économique et sociale du pays.
On attend donc de la rencontre du G20 des mesures énergiques pour relancer la machine économique mondiale, applicables rapidement. En cas d’échec, le coup de pouce de l’Opep, assimilé à une action en faveur de la relance de la demande sur le pétrole à travers un soutien à la reprise de l’économie mondiale, n’aura pas servi à grand-chose. Un tel résultat enfoncerait davantage le monde dans la crise avec comme perspectives une prolongation des effets de la récession : aggravation du chômage, réduction du pouvoir d’achat et paupérisation accentuée du continent africain.
K. Remouche
Abdelhak Lamiri, P-DG de l’Insim, économiste
“Faut-il être optimiste ?”
Par :Meziane Rabhi
“La prochaine réunion du G20 à Londres, les 2 et 3 avril suscite plus d’espoir que les précédentes, même si les manifestations des opposants vont crescendo”, dira M. Abdelhak Lamiri P-DG de l’Institut international de management d’Alger, estimant que les déclarations d’intention sont empreintes d’optimisme mesuré. Les plus audacieux, comme Gordon Brown, vont jusqu’à espérer que le “consensus de Londres” remplacera le “consensus de Washington”, terminaison consacrée aux politiques ultralibérales. Que faut-il en penser ? Comment devrions-nous nous préparer ? “En premier lieu, le G20 est beaucoup plus représentatif de l’économie mondiale. Il représente plus de 75% de la population mondiale, 80% du commerce mondial et au moins 85% du PIB de la planète. Les pays les plus pauvres, les plus touchés par la crise, demeurent toujours sous-représentés”, relève le Dr Lamiri, indiquant que les dirigeants sont d’accord sur les grands principes. Il s’agit entre autres de la coordination des politiques de relance aux fins de stabiliser le cycle des récessions et favoriser la création d’emplois, accélérer la reprise, assainir en profondeur le secteur financier et éviter qu’il ne continue de polluer l’économie réelle, stopper le processus de développement des politiques protectionnistes qui menacent la reprise de la croissance et réformer les institutions internationales, de sorte qu’elles jouent mieux leur rôle de surveillance et d’alerte et complètent les dispositifs internes. “Les pays n’ont commencé à agir que bien trop tard et en rangs dispersés. Les économistes savent qu’en période de mondialisation, les politiques purement internes sont peu efficaces. Les résultats décevants ont poussé les politiciens à exiger plus de collaboration”, explique M. Lamiri. “Nous payons le prix d’avoir agi trop tard, trop peu et en négligeant l’aspect confiance qui demeure du reste déterminant dans le monde des affaires”, regrette-t-il. “Le G20 de Londres ne peut que récolter les dégâts bien lourds déjà. Mais une erreur de plus serait catastrophique”, estime M. Lamiri. Quelles implications y aura-t-il pour l’Algérie ? “Après plusieurs cafouillages, nous sommes arrivés à la conclusion bien sage que nous faisons partie du monde et que notre économie réelle est très connectée aux activités mondiales”, souligne M. Lamiri, relevant que la relance algérienne a surtout profité au reste du monde, comme nous l’avons anticipé.
Les importations sont passées de 7 milliards de dollars en 2000 à 40 milliards en 2009. Le P-DG de l’Insim estime que les politiques du G20 aboutiront, à moyen terme, à réduire la demande en énergie fossile par unité produite. “Tout dépendra de la vitalité de la croissance et de l’effort de substitution. Si l’on retient l’idée, généralement acceptée, qu’à long terme, les prix pétroliers avoisineraient les 70 dollars, alors, nous pourrons financer un budget normal mais sans disposer de ressources pour continuer les politiques de relance”, affirme M. Lamiri. “Ce qui signifie que nous aurons au maximum cinq années devant nous pour créer une économie déconnectée des hydrocarbures ou nous subirons un processus de retour à une crise économique très profonde”, prévoit-il. “En général, l’erreur souvent commise par les économistes des pays sous-développés est d’importer des modèles sans bien lire leurs hypothèses”, indique le professeur Lamiri, citant les politiques de relance à la keynésienne, utilisées par l’Algérie, qui réussissent souvent dans les pays développés et échouent toujours dans les pays en voie de développement. L’Algérie a injecté 18% du PIB annuellement, pour améliorer la croissance de 2% seulement. “Il faut revenir à l’essentiel, à la base que nous n’avons pas”, suggère M. Abdelhak Lamiri.
Mustapha Mekidèche, vice-président du CNES, expert international
L’Afrique est sous-représentée”
Pour sa part M. Mustapha Mekidèche expert international pose le problème de la représentativité du G20. “L’Afrique est sous-représentée”, a-t-il constaté. L’Afrique sera présente à travers l’Union africaine et l’Afrique du Sud. M. Mustapha Mekidèche regrette l’absence de l’Algérie “deuxième économie d’Afrique”, alors que l’Amérique latine est représentée par l’Argentine, le Brésil et le Mexique. L’expert en stratégie relève également l’absence de l’Opep qui pour lui “est un élément de solution”, à la crise, remplacée indirectement par l’Arabie Saoudite. Sur le contenu, M. Mustapha Mekidèche signale les divergences d’approche, notamment entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne. Si les Américains sont favorables à toujours plus de relance pour contrecarrer une récession, les Européens s’inquiètent du gonflement de leurs déficits. La France et l’Allemagne “veulent réserver une place importante à la lutte contre les paradis fiscaux”. Les pays en développement, notamment les Bric (Brésil, Russie, Inde Chine) revendiquent une plus grande représentativité au sein du FMI. “Les effets sur l’Algérie pourraient se diffuser à travers les prix du pétrole.”
Propos recueillis par
Meziane Rabhi
Que peuvent espérer les pays du Sud ?
Par : Djamel Zidane
Les pays du Sud, qu’ils soient classés “émergents” ou pauvres, s’attendent à une profonde réforme des institutions financières internationales.
Mieux réguler les marchés financiers et lutter contre les paradis fiscaux
Cette préoccupation subite des pays riches (elle date de moins d’une année, avec la prise de bec entre Sarkozy et le Premier ministre luxembourgeois), la lutte contre les paradis fiscaux qu’on fait mine de seulement découvrir, laisse dubitatif.
Hedges funds et agences de notation
À peu près tout le monde s’accorde sur la mise au pas des fameux “hedges funds”, les fonds spéculatifs qu’on accuse de tous les maux. Mais des désaccords profonds subsistent entre les pays, selon qu’ils soient riches ou pauvres, ou même entre ensembles géographiques. Dès le 30 mars, le secrétaire au Trésor américain déclarait que les USA étaient hostiles à la création d’un “supergendarme” de la finance internationale, estimant que le rôle de régulation échoit aux “autorités financières nationales qui doivent superviser leurs institutions financières dans leur globalité”, ajoutant que les USA “ne donneront à personne la responsabilité de décider quel est l’équilibre souhaitable entre efficacité et sécurité pour nos marchés”. Le secrétaire d’État au Trésor US pense que “les réformes ne fonctionneront pas si nous n’amenons pas les autres (pays) à partager nos vues” et se montre sceptique quant à la capacité des banques centrales et des mécanismes régulateurs à sonner l’alarme assez tôt contre les crises. Par ailleurs, les pays du G20 sont décidés à en découdre avec les agences de notation qu’ils accusent de tricherie.
Inquiétudes du Sud
Présentée à l’avant-veille de la réunion du G20, une étude réalisée par BBC World Service, affirme que 70% des 29 913 personnes interviewées dans une trentaine de pays s’inquiètent plus du coût des produits alimentaires qui sont en train de flamber que de la récession actuelle. Tous ces gens pensent que des changements majeurs devraient être opérés au niveau du système économique mondial.
L’aide au développement,toujours à la traîne
Si l’OCDE annonce que l’aide au développement n’a jamais atteint un tel pic, avant 2008 qui a vu le chiffre de l’aide publique au développement (APD) dépasser les 10% (10,2%) en termes réels pour s’établir à 119,8 milliards $ (90 milliards d’euros), elle tempère ce résultat en émettant un bémol, avertissant tout de même que le ralentissement qui a frappé les pays pauvres est important, tout en demandant expressément aux pays du G20 de s’engager fermement à atteindre les objectifs tracés pour l’aide internationale, car “les produits de base, c’est-à-dire ceux que les pays à faibles revenus exportent, ont vu leurs prix baisser, alors que les IDE ainsi que les envois des travailleurs émigrés sont en baisse”. Max Lawson d’Oxfam, organisation qui lutte contre la faim dans le monde, même s’il applaudit les résultats exceptionnels des aides aux pays pauvres, dont les pays d’Afrique subsaharienne, qui ont bénéficié de 22,5 milliards $, rappelle que les banques ont reçu 70 fois plus d’aides que les pays pauvres dans le monde, ajoutant par ailleurs que “nous avons besoin que le G20 prenne des mesures rapides à Londres cette semaine pour sauver des bébés, pas juste des banquiers”.
La voix de l’Afrique
S’il est question d’augmenter les ressources du FMI, aucun accord ne s’est encore dégagé à propos de la somme et de la quote-part de tout un chacun des pays membres des plus grands ensembles économiques de la planète : les USA souhaitent tripler les ressources du FMI alors que les Européens voudraient seulement les doubler même si Christine Lagarde affirme que les pays qui ont été le plus rapidement touchés par la crise actuelle, et le plus gravement, sont les pays en développement, c’est-à-dire ceux qui auront le plus besoin de l’aide du FMI. Des pays qui auraient d’abord besoin de politiques de relance, avant toute injection de fonds dans leurs économies, toujours selon Christine Lagarde, ministre française de l’Économie.
Outre les membres permanents du G20, le Premier ministre britannique a invité au forum du 2 avril plusieurs autres pays et organisations internationales, dont l’Espagne, le représentant de l’Asean, l’Union africaine (l’Afrique dispose d’un siège au niveau du G20, tenu par l’Afrique du Sud) et le Nepad.
L’Afrique est désormais décidée à se rendre à Londres pour y parler d’une même voix, en présentant un front commun contre une injustice due plus aux humains qu’à une malédiction du sort.
Djamel Zidane