L’économie algérienne dans le rouge : L’Etat face à la crise

L’économie algérienne dans le rouge : L’Etat face à la crise

El Watan, 26 octobre 2008

L’Etat algérien va-t-il enfin pouvoir tordre le cou aux intérêts mafieux, ceux qui imposent à la collectivité nationale — en s’appuyant sur la formidable « puissance » de la bureaucratie, noyautée par des réseaux occultes — l’importation massive de denrées, produits en tout genre… qui auraient pu être, depuis déjà de longues années, fabriqués en Algérie ? La crise économique mondiale est à nos portes. Si notre système bancaire et financier n’a pas été touché « en raison du retard mis à le moderniser », le ralentissement des économies des pays développés, y compris celle de la Chine, porte un coup dur au marché de l’énergie. L’Opep est aujourd’hui incapable de défendre un prix de pétrole oscillant entre 60 et 80 dollars, à moins d’une très forte réduction de la production. Ce qui n’est pas du tout évident.

Le cycle d’un prix du pétrole élevé inauguré en 1999 s’achève. Les pays producteurs de pétrole vont devoir batailler fort pour empêcher un effondrement du marché du brut ; le scénario de 1986, avec un baril à 6 dollars, est encore dans tous les esprits. L’économie algérienne est, de nouveau, exposée à tous les périls. Tous les dangers. Le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a eu le courage d’avertir, le 25 juin dernier, lors du congrès du RND, du risque de voir le prix du pétrole passer en dessous des 60 dollars : « Tous les projets du pays seraient chimériques et sans lendemain. » Le président Bouteflika prend le relais le 26 juillet, face aux maires, en critiquant sévèrement les investisseurs étrangers qui font des bénéfices sur le dos de l’Algérie. L’aisance financière est un mythe. La cagnotte financière (140 milliards de dollars) risque d’être aspirée en quelques petites années. La fragilité légendaire de l’économie algérienne se vérifie encore une fois. Le coût social sera élevé, sans préjuger du reste… L’on se pose à nouveau cette question qui taraude continuellement les esprits : est-il normal que la facture alimentaire du pays soit encore à ce point élevée ? Pourquoi toutes ces importations de voitures qui coûtent très cher à la Banque centrale en termes de devises, et l’on apprend, au détours d’une déclaration de la vaillante Unop, que pas moins de 15 unités de médicaments sont fermées pour donner libre cours à l’importation. Qui profite de ces situations de rente si l’on exclut les firmes étrangères ? Depuis 1999, des dizaines de milliards de dinars ont été engloutis par l’agriculture, beaucoup d’argent a été détourné à cause d’une gestion aléatoire des fonds de développement de ce secteur. L’Etat est floué dans cette affaire ; nos importations de produits alimentaires (céréales, sucre, lait, huile, café, légumes secs…) n’ont cessé de gonfler, aggravées, il est vrai, par les augmentations des prix à l’échelle mondiale. Peu importe, les experts algériens (Mme Chaulet, Aït Amara, Bessa, Bedrani…) s’évertuent à longueur d’année, dans les colloques, à travers les colonnes de journaux… à tirer la sonnette d’alarme. Aucun répondant des pouvoirs publics. Ils prêchent dans le désert…

La rente impose ses schémas économiques et son mode opératoire pour l’agriculture. C’est le tout nouveau ministre de l’Agriculture, Rachid Benaïssa, dont la voix était étouffée jusque-là, qui vient d’admettre le danger d’une telle dépendance, au moment où la devise va se faire rare pour pouvoir satisfaire les besoins alimentaires des Algériens. Il ne s’agit pas de verser dans le catastrophisme, mais l’on risque, si l’Etat ne réagit pas avec célérité, avec les stratégies adéquates, de revivre des moments pénibles et franchement désastreux pour la population. Il est dans la capacité de notre pays d’amener, à moyen terme, un taux de couverture d’au moins 70% de nos besoins alimentaires par la production nationale. C’est avant tout une question de décision politique. Les pouvoirs publics doivent faire preuve de volontarisme. Une politique conséquente de soutien à la production nationale revêt un caractère extrêmement urgent. Si l’Etat n’agit pas en empruntant le bon chemin, celui de la rigueur, de la production, il ne faut pas s’étonner que l’on renoue avec l’emprunt extérieur dans 3 ou 4 années pour nourrir la population. C’est une perspective peu glorieuse pour l’Algérie et l’aveu d’une faillite économique… Il en est de même pour l’industrie, totalement laminée par l’informel, dans l’indifférence générale. La crise à nos portes doit être, au contraire, le motif de bousculer les certitudes, de remettre tout à plat, d’analyser les incohérences et de situer les dépendances et les responsabilités. L’Etat doit s’attaquer aux situations de rente si l’on veut, malgré notre pétrole, éviter le naufrage économique.

Par Omar Belhouchet


Hausse des importations durant les neuf premiers mois de 2008

Une facture de 27,98 milliards de dollars US

Pays dont l’économie continue toujours à carburer grâce aux recettes pétrolières, l’Algérie paie une lourde facture pour ses importations. En ces temps de crise financière mondiale où le prix du pétrole ne cesse de dégringoler, l’Algérie aura ainsi fort à faire afin de joindre les deux bouts : poursuivre les projets de développement lancés tous azimuts et payer une facture d’importation de plus en plus chère.

Durant les neuf premiers mois de l’année 2008, indique le Centre national de l’informatique et des statistiques des douanes nationales (Cnis), le commerce extérieur algérien a enregistré un volume des importations de 27,98 milliards de dollars US, soit une augmentation de 39,82% par rapport aux résultats des neuf premiers mois 2007. Le volume global des exportations est estimé, quant à lui, à 63,15 milliards de dollars US, soit une augmentation de 48,63% par rapport à la même période l’année dernière. Ces résultats dégagent un taux de couverture des importations par les exportations, durant la période de référence, de 226%, selon le Cnis.

Les statistiques du Cnis font ressortir une hausse pour l’ensemble des produits, avec en tête de classement les « biens d’équipements industriels ». Ainsi, les importations destinées aux équipements qui représentent 32% du total des importations sont passées de 6,06 à 8,89 milliards de dollars US durant la période de référence, soit un accroissement de près de 47%. Les hausses ont aussi concerné les biens destinés à l’outil de production avec 30,7%, les biens alimentaires 67,5% et les biens de consommation non alimentaires avec 20,6%. Pour les biens d’équipement, il s’agit essentiellement, des véhicules de transport de marchandises, de bulldozers, des turboréacteurs et turbopropulseurs. Les biens destinées au fonctionnement de l’outil de production sont constitués essentiellement de tubes et tuyaux, de matériaux de construction (rond à béton, bois, etc.) et des huiles destinées aux industries alimentaires.

Par répartition par mode de financement, le Cnis indique que les importations réalisées ont été financées essentiellement cash à raison de 82,60%, soit 23,11 milliards de dollars US, enregistrant ainsi une augmentation de près de 42% par rapport aux neuf mois 2007. Les lignes de crédit ont financé 8,20% du volume global des importations, soit une diminution de 4,38%. Alors que 3,98% ont été financés par le recours aux comptes devises propres, soit un volume de 1,11 milliard de dollars US. Concernant la provenance de ces importations, le rapport du Cnis fait ressortir que c’est avec les pays de l’OCDE que les échanges extérieurs de l’Algérie sont les plus importants et plus particulièrement avec les pays de l’Union européenne. Les importations en provenance de l’UE ont enregistré une hausse de l’ordre de 42,36% avec 14,87 milliards de dollars US. Parmi les principaux fournisseurs, la France occupe toujours le premier rang avec plus de 16,59%, suivie de l’Italie et de l’Espagne avec les proportions respectives de 10,99% et 7,06%.

Les pays de l’OCDE (hors UE) viennent en deuxième position, avec une part de 18,08% des importations de l’Algérie. Avec ce groupe, il est à signaler que l’essentiel des échanges est réalisé avec les USA, suivis de la Turquie avec les taux respectifs de 6,18% et 2,88% d’importations. Pour les autres régions, les importations algériennes sont relativement faibles, avec une progression tout de même, en passant de 589 millions de dollars US à 641 millions de dollars US. Avec les pays asiatiques, on affiche une augmentation appréciable de 25,51%, alors que le volume des échanges avec les pays du Maghreb a enregistré une augmentation en passant de 678 millions de dollars US à 1,14 milliard de dollars US. Les pays arabes hors Maghreb ont, quant à eux, enregistré un volume global des échanges de l’ordre de 1,19 milliard de dollars US.

Par M. Mamart


Les importations alimentaires sans cesse croissantes

La facture alimentaire de l’Algérie est en passe d’atteindre un montant record cette année.

Selon les données du centre national de l’information et des statistiques (CNIS), les importations des produits alimentaires ont dépassé les 5,75 milliards de dollars durant les neuf premiers mois de l’année en cours, alors que les exportations sont estimées à 98 millions de dollars. Il va sans dire que la balance commerciale pour cette catégorie de produits est largement en défaveur de l’Algérie qui dépend presque entièrement du marché international et de ses cours volatils. Cette situation aurait été moins intenable si l’Algérie arrivait à exporter ce que ses terres auraient produit afin d’équilibrer sa balance commerciale agricole.

Cependant, seule une quantité marginale de dattes, de vin et de quelques produits maraîchers a pu se faire une petite place sur les marchés étrangers. Les besoins de notre pays en lait, café, sucre, céréales qui constituent des produits de large consommation sont essentiellement couverts par les importations. Les pays voisins qui n’ont pourtant pas les ressources naturelles de l’Algérie arrivent à produire et à exporter des produits agricoles et agroalimentaires. La balance commerciale alimentaire de la Tunisie était excédentaire en 2007. La même tendance a été enregistrée durant les sept premiers mois de l’année 2008, où l’on a constaté une croissance de 21,4% des exportations des produits alimentaires par rapport à la même période de l’année 2007. La Tunisie a donc réussi à diversifier ses exportations. L’Algérie qui dispose pourtant de moyens financiers beaucoup plus importants n’arrive toujours pas à relever un tel défi s’enlisant davantage dans la dépendance alimentaire. Si jusqu’à présent une certaine opulence financière à la faveur de recettes pétrolières exceptionnelles voilait le danger, la dégringolade du prix du pétrole qui représente la principale source de revenus du pays a mis en évidence la fragilité du maintien du pouvoir d’achat de l’Algérie.

Le taux de couverture des importations par les exportations risque de connaître un déséquilibre les prochaines années si les cours de l’or noir continuent à chuter. Les effets pervers de cette dépendance alimentaire, jusque-là amortis par les cours élevés du pétrole, commencent à apparaître au fur et à mesure que le monde s’enlise dans une crise aux multiples facettes. La diversification de l’économie qui devrait se traduire entre autres par le développement de l’agriculture devient une urgence. Il y va de l’avenir alimentaire de toute une nation.

Par Nora Boudedja


Transfert de bénéfices vers l’étranger : la nouvelle dette extérieure

Les transferts de capitaux vers l’étranger augmentent d’année en année. Le transfert de bénéfices des sociétés étrangères opérant en Algérie s’élève à six milliards de dollars en 2007.

Les données de la Banque d’Algérie montrent bien la progression de ces transferts depuis quatre ans. Le montant global de devises rapatriées par les sociétés étrangères activant sur le territoire national était de 4,75 milliards de dollars en 2005, de 3,12 milliards en 2004 et de 2,2 milliards en 2003. Les associés de l’Entreprise nationale des hydrocarbures, la Sonatrach, sont en tête des entreprises qui ont opéré le plus de transferts d’argent vers l’étranger. Celles-ci deviennent un fardeau pour le pays dont la santé financière commence à être terriblement fragilisée par la chute brutale des prix du pétrole. Quelque 80% de ces transferts ont été réalisés par les firmes pétrolières internationales. Cela représente au total 5 milliards de dollars. Le milliard restant est réalisé par des entreprises étrangères opérant dans des secteurs autres que les hydrocarbures, comme celui de la téléphonie mobile (à leur tête Orascom Télécom Algérie), de l’industrie pharmaceutique et de la métallurgie.

Selon l’économiste Abdelhak Lamiri, directeur de l’Institut international supérieur de management d’Alger, qui a eu à tirer à maintes reprises la sonnette d’alarme, le montant des transferts de bénéfices vers l’étranger pourrait avoisiner les 50 milliards de dollars dans les quinze prochaines années. La législation en la matière permet, en fonction du contrat signé par chaque entreprise étrangère, de transférer jusqu’à 25% des bénéfices réalisés en Algérie. Certains experts, à l’image de Smaïl Goumeziane, économiste et enseignant à l’université Paris-IX Dauphine, préviennent quant au risque que les transferts des profits remplacent la dette extérieure. Dans bien des pays, l’ampleur des transferts de profits dépasse l’entrée des capitaux au point même où l’IDE a remplacé la dette. C’est le cas de l’Algérie. D’où l’intérêt de sélectionner les IDE qu’on souhaite recevoir, d’en mesurer les effets attendus et de déterminer les critères de choix de ces investissements.

Par M. A. O.