Crise économique : «Des mesures pour éteindre l’incendie pas pour aller au-delà»
par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 21 janvier 2016
Les mesures mises en place par le gouvernement pour redresser la situation économique du pays et faire face à la baisse des recettes pétrolières »vont dans le bon sens dans le court et le moyen terme », a estimé hier mercredi le Dr Abdelhak Lamiri, expert et analyste.
Ces mesures du gouvernement »vont avoir des répercussions tout à fait positives sur le climat des affaires, mais il faut faire plus sur le moyen terme car la crise est sérieuse et durable », a-t-il expliqué à la radio nationale. Pour lui, »il faut complémenter ces mesures sur le long terme. » En fait, M. Lamiri se pose la question de savoir »qu’est-ce qu’on a comme objectif, dépasser le cap de la crise ou aller vers le développement et l’émergence et être parmi les meilleurs pays? ».
Cet expert international qui avait, dans les années 2006, mis en garde contre le poids des importations sur l’économie nationale, souligne que face à cette crise, »on sait ce qu’il faut faire, le protocole mis en place par les pays émergents est le même que le nôtre : il faut booster les compétences, mettre en place un plan Marshall, une modernisation managériale très importante, les entreprises doivent avoir un management de classe mondiale, il faut une gouvernance rénovée, une unité centrale qui coordonne la gouvernance économique, qui est indispensable, et opérer une large redistribution des décisions, avec des plans de développement économiques régionaux, libérer les initiatives, améliorer le climat des affaires et avoir un plan managérial moderne. » Pour M. Lamiri, »il faut que l’Etat, les dirigeants donnent eux-mêmes l’exemple », avant de souligner qu’il faut »relever le prix de certains produits, (car) on doit aller vers la vérité des prix, et le niveau de vie doit baisser un peu, et ceux qui ont plus de ressources doivent donner l’exemple. » Quant aux transferts de devises, il préconise une réduction des importations, car de 10 milliards de dollars dans les années 1990, »on est passé à 65 md de dollars en 2015. » Il affirme cependant que »l’Algérie peut s’en sortir avec un volume des importations de 20 md de dollars à 25 md de dollars. » Mais, nuance-t-il, »avec des réformes nécessaires, et même les recettes pétrolières qui vont venir peuvent durer une plus longue période. » En parallèle, il préconise »l’augmentation de la taille du secteur productif, »il faut au moins deux millions d’entreprises, il faut diversifier l’économie pour être performants, développer l’économie du savoir, etc. » Pour Lamiri »tout cela reste à faire et il faut l’intégrer dans le prochain plan. Il y a des réformes à faire, booster la production et diminuer fortement les investissements dans les infrastructures. Nous sommes à 18% dans le budget d’investissement des infrastructures, il faut le réduire de 50%. »
UN PROGRAMME DE SORTIE DE CRISE
Par ailleurs, il affirme important et nécessaire d’avoir »un plan Algérie 2030-3040 et donner de l’espoir aux Algériens. (Mais), avec les décisions qui ont été prises, on ne sera pas un pays émergent, elles sont moyennes, cette crise peut être une bénédiction si on change beaucoup de choses dans la gouvernance, la transparence et l’exemplarité dans le travail », relève-t-il. Le constat de cet expert, qui fait partie d’un groupe de travail mis en place par le Premier ministère pour plancher sur cette crise et y trouver les voies de sorties, est »qu’on n’avait aucune vision sur l’avenir depuis 2006. On vivait au jour le jour avec les lois de finances. On a fait des erreurs, et il faut expliquer cela à la population, et à ce moment-là, elle suivra. » Quant à la valeur du dinar, il souligne en fait que »c’est la crise, qui déteint sur le dinar. Il n’est pas la cause de la crise, il y a peu de recettes pour financer les projets, peu de devises, donc la valeur du dinar va baisser et les devises augmenter. Cela aura un impact sur les entreprises qui importent », a-t-il averti avant de relever que »le problème est que nous avons une faible productivité, nous n’avons pas une productivité de standard international, et donc il faut moderniser nos méthodes managériales. » Il estime même qu’il faut »laisser le dinar aller à sa véritable valeur, le laisser flotter, et mettre des mécanismes d’absorption des chocs sociaux. » Par ailleurs, le Dr Lamiri a qualifié de »normal » le niveau (4,7%) actuel de l’inflation. »Mais, elle est inférieure à 5%, il ne faut pas s’en préoccuper énormément, peut-être aura-t-on une inflation forte en 2016 ». Cependant, ce qui est un problème pour le Dr Lamiri est »la hausse du chômage et les importations. » Dès lors, il préconise un redéploiement de l’industrie, parallèlement au développement de l’agriculture. »Il faut développer l’industrie et l’agriculture parallèlement, encourager le partenariat avec les entreprises étrangères, c’est la meilleure méthode pour s’en sortir », ajoute-t-il, faisant référence à la Chine qui avait acheté des entreprises technologiques en mauvaise situation financières et les a développées pour devenir ensuite un géant des industries des NTIC. Et, il est capital »d’investir dans le savoir, changer la gouvernance, libérer les initiatives, moderniser le management de l’administration. » Pour lui, »on a pris les mesures tactiques à court terme, on a éteint l’incendie. Maintenant, il faut prendre les mesures radicales pour éviter à l’avenir ces situations, ce qui n’a pas été réalisé. On attend. »