La Révolution algérienne et l’Afrique : Le Grand rêve panafricaniste

Cdt Azzedine, El Watan, 28 et 29 mai 2023

Dans son Appel au peuple algérien du 1er Novembre 1954, le Front de libération nationale avait clairement affirmé la communauté de destin entre la Révolution algérienne et la libération du continent africain. Il est vrai qu’une lutte armée avait été déjà engagée au Kenya, sous la direction de Jomo Kenyatta (1894-1978).

Elle n’avait peut-être pas un programme révolutionnaire, des objectifs de lutte précis, mais cette lutte de libération nationale constituait la preuve éclatante, que le combat en Afrique était non seulement possible, mais aussi que les conditions commençaient à être réunies pour une élévation du combat.

Combat qui visait aussi bien la suppression de l’esclavage qui existait toujours mais sous forme de travail forcé, que des objectifs aussi précis que celui d’indépendance et de souveraineté nationale. Il est également vrai que c’est en Afrique du Sud qu’est né, en 1912, le premier parti nationaliste l’ANC (African National Congress), appuyé sur un puissant mouvement ouvrier qui s’y développait.

Puis à partir de 1945, un peu partout en Afrique, des mouvements politiques apparaissaient. Ainsi, le Rassemblement démocratique africain (RDA), une fédération de partis créée à l’issue du congrès de Bamako en octobre 1946. Le RDA avait un large champ d’action en Afrique occidentale française (AOF) et également, bien que limité, en Afrique équatoriale française (AEF).

Au Sénégal, en 1957, le Parti socialiste sénégalais (PSS) et le Parti africain de l’indépendance (PAI), avec à sa tête Mahdjmout Diop (1922-2007), revendiquaient l’indépendance du pays. Ce dirigeant sénégalais se réclamait du marxisme léninisme, et voulait l’affiliation de son parti au mouvement communiste mondial.

Par ailleurs, en Tanzanie, Julius Kambarage Nyerere (1922-1999) créé en 1953, le Tanganyika African National Union (TANU). En 1958, il est présent à Accra (Ghana), pour la conférence panafricaine des peuples organisée par le président Kwame Nkrumah (1909-1972).

Au Nigeria, les mouvements de libération allaient être pris en charge par des hommes issus de la bourgeoisie nationaliste, ouverts à la démocratie et au libéralisme de type britannique.

En ce qui les concerne, les colonies portugaises apparaissaient comme les plus pauvres comparées à leurs voisines.

Dans tout le continent africain, en 1954, n’existaient que quatre pays indépendants : l’Ethiopie, qui n’avait pas été colonisée mais occupée momentanément par l’Italie pendant la Seconde Guerre mondiale ; le Liberia (1847) ; l’Egypte (1922) et la Libye (1951). L’indépendance du Liberia est née de la volonté américaine d’expulser «ses» anciens esclaves jadis arrachés à l’Afrique et de les réinsérer sur leur continent d’origine. Mais ce processus s’était avéré extrêmement délicat, voire difficile. Les Libériens américanisés commenceront par monopoliser le pouvoir et créer ainsi une classe dominante au lieu d’une réinsertion.

Quant à l’Ethiopie, si elle avait été quelque peu mise à l’écart de l’arène internationale à la suite de l’occupation italienne, ses liens privilégiés avec les alliés lui permettront de recouvrer son statut de pays libre, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle recevra en plus l’Erythrée à laquelle elle concédera d’abord l’autonomie interne conformément à la résolution de l’ONU qui réglait ainsi le sort de cette ancienne colonie de l’Italie fasciste. Mais, très rapidement, le régime féodal ne pouvant accepter l’existence d’un régime semi- démocratique à l’intérieur de ses frontières, Hailé Sélassié supprimera cette autonomie interne et rattachera la province à l’ensemble de l’empire. Il y a lieu de signaler que le vote des pays arabes indépendants avait été déterminant quant à l’annexion de l’Erythrée, la résolution de l’ONU ayant été adoptée à une très faible majorité.

Cependant, par la suite, les pays arabes appuieront le mouvement d’indépendance érythréen, auquel ils s’étaient naguère opposés à l’ONU.

La Révolution algérienne avait donc pour souci d’entrer en contact avec les mouvements politiques africains, en particulier avec les partis qui combattaient les colonialistes français, britannique, espagnol et portugais. La Révolution algérienne bénéficiant du soutien du monde arabe, et dans une certaine mesure de l’Asie, en particulier de l’Indonésie, du Pakistan et de l’Afghanistan où la solidarité musulmane était un facteur déterminant, recherchait des appuis en Afrique.

La guerre de Libération nationale menée par le peuple algérien plaçait le gouvernement colonialiste, notamment britannique et français, dans une situation critique. Ils ont alors tenté d’éviter dans leurs colonies une solution de type algérien pour empêcher que la guerre de Libération nationale algérienne ne s’étende et n’ouvre de nouveaux foyers de lutte. C’est ainsi que de nouveaux statuts ont été accordés : les Africains avaient été alors amenés à désigner des députés au Parlement français, où ils étaient membres à part entière, et ensuite à l’Union française. Mais ce statut évoluera assez rapidement tant il est vrai que le combat du peuple algérien avait eu un profond retentissement dans le continent africain, et des incidences au sein des milieux estudiantins.

La Fédération des étudiants de l’Afrique noire (FEAN) chapeautée par le Parti communiste français (PCF), regroupait la presque totalité des étudiants d’Afrique subsaharienne en France. Elle soutenait pleinement et totalement la Révolution algérienne. A travers cette fédération des étudiants d’Afrique, le PCF avait des possibilités de préparer l’avenir. Mais en votant les pleins pouvoirs à Guy Mollet en 1956, il perdra de sa crédibilité et créera ainsi une sérieuse coupure. Les étudiants africains, membres du PCF, avaient alors retourné massivement leurs cartes d’adhésion. Exprimant par cet acte leur défiance à l’égard d’un parti qui accordait les pleins pouvoirs à un gouvernement qui ne cachait pas son intention de maintenir sa domination en Algérie, et de poursuivre et d’accroître son effort de guerre. C’est d’ailleurs ce même Guy Mollet qui allait, le premier, battre l’appel du contingent qui, faut-il le rappeler, n’avait pas été convoqué durant la guerre d’Indochine, pour l’envoyer en Algérie afin d’y mener une répression impitoyable. Par ailleurs, et dès le départ, les députés africains, dans leur majorité, s’étaient rassemblés.

Toutefois comme ils ne réunissaient pas le quorum de représentants suffisant à la formation d’un groupe parlementaire, ils se sont apparentés au PCF. Ils s’en sépareront pour s’allier au parti de François Mitterrand et René Pleven : l’Union démocratique socialiste de la résistance (UDSR) qui, compte tenu de sa faiblesse au Parlement, devait être sensible à la démarche et à l’influence des députés africains.

Les organisations syndicales africaines, en ce qui les concernent, étaient soit affiliées à la Fédération syndicale mondiale (FSM), ou alors à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). A la FSM, nous retrouvons Abdel-Khaliq Mahdjoub (1927-1971), secrétaire général du Parti communiste soudanais et Abdoulaye Diallo d’origine malienne, mais militant en Guinée. Il occupera par la suite de nombreux postes au sein du gouvernement de ce pays. Sékou Touré (1922-1984), qui en deviendra plus tard le président, avait, pendant trois ans, suivi des cours de formation politique et syndicale en Tchécoslovaquie créera le Parti démocratique de Guinée (PDG). Ce parti avait une solide assise nationale, alors que son rival, dénommé le Bloc démocratique de Guinée (BDG), ne bénéficiait que d’audiences régionales. Sékou Touré n’a jamais accepté d’être député à l’Assemblée nationale française.

Lui, tout comme Julius Nyerere privilégieront non seulement la lutte à l’intérieur, mais aussi la formation d’un parti puissant, rassemblant toutes les énergies et s’étendant sur tout leurs territoires respectifs. Militant dans ce sens, Julius Nyerere avait d’ailleurs refusé au moment de l’accession à l’indépendance de la Tanzanie de prendre la direction du gouvernement.

Il a confié cette tâche à un de ses collaborateurs et ami Rachid Kawawa (1926-2009), en qui il avait une confiance totale. Quant à lui, il continuera à consacrer toute son énergie à la construction d’un parti qui se révélera comme la force dominante. Nyerere sera connu sous le pseudonyme de Moualimou (dans la langue souahéli on retrouve beaucoup de termes arabes dus à l’influence arabe) c’est-à-dire le maître, l’éducateur, le formateur.

Le FLN entrera très tôt en contact avec la FEAN, les syndicats et les organisations culturelles représentatives de l’Afrique noire. Mais c’est au moment où commençait à se dessiner un mouvement unitaire panafricaniste, que son action politique et diplomatique allait se développer et prendre une plus grande envergure sur notre continent.
Il y a eu ensuite la mise en place de l’Union française avec des Etats africains.

Lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir en 1958 et qu’il a donné aux colonies une sorte de «liberté» de choix entre un statut de membre de l’Union française et l’indépendance. Une seule colonie française en Afrique choisira l’indépendance.

Il s’agissait de la Guinée. Comme on s’en doutait, la réaction de de Gaulle avait été très vindicative. Il a rappelé tous les coopérants français exerçant dans ce pays et leur a enjoint de cesser toute relation commerciale avec lui. A ce stade, rappelons les manœuvres des colonialistes français, et du général de Gaulle en particulier. L’Afrique au subsaharienne était administrée à partir de Dakar et de Brazzaville, villes qui constituaient les capitales de deux grands ensembles : l’AOF et l’AEF.

A cette époque, bien des analystes et d’entre eux de nombreux panafricanistes pensaient que ces deux ensembles pouvaient donner naissance à deux grands Etats viables disposant de potentialités humaines et matérielles considérables.

Nombreux, au sein de la classe politique des différents pays, estimaient que ceci aurait permis un développement économique et social plus rapide et aurait assis l’indépendance sur des bases saines. Les interférences extérieures, les manipulations et le néocolonialisme, pensaient-ils, auraient eu beaucoup des difficultés énormes à s’exercer.

Par le Cdt Azzedine

 

La révolution algérienne et l’afrique : Le triomphe des nationalismes (2 ème Partie)

El Watan, 29 mai 2023

Un puissant courant unitaire traversait le continent africain. Les partis politiques, les syndicats et les étudiants avaient mis en place des organisations à l’échelle des ensembles régionaux. Les colonialistes avaient des objectifs dictés par leurs intérêts et contraires à ceux des peuples africains ; ils ont repris le vieil adage romain «diviser pour régner».

Presque tous les dirigeants de l’AOF (Afrique occidentale française) et de l’AEF (Afrique équatoriale française) étaient partisans de la mise en place de deux grandes fédérations. Le modéré, comme le Sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001), et les révolutionnaires, comme le Guinéen Sékou Touré, le Nigérien Djibo Bakari (1922-1998) et le Malien Modibo Keita (1915-1977), étaient les plus engagés sur cette voie. Le président du RDA, l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny (1905-1993), n’écoutera pas ses lieutenants, en revanche, il prêtera une oreille attentive aux dirigeants français qui préféraient traiter avec treize Etats au lieu de deux. De Gaulle a su réaliser les desseins des néocolonialistes et donner à son pays une très vaste zone d’influence. Il était l’homme le plus approprié pour une telle opération, en raison de sa très forte personnalité, du pouvoir qu’il exerçait sur les hommes, de sa fermeté et de son nationalisme exacerbé. Il opposera un refus catégorique aux leaders africains qui tentaient de lui suggérer l’émergence de deux grandes fédérations.

Ahmed Sékou Touré était même disposé à sacrifier momentanément l’indépendance de la Guinée et à accepter le maintien de l’Union française si un Etat fédéral en Afrique occidentale voyait le jour. Il avait proposé la présidence de cet Etat à Houphouët Boigny, qui était très sensible aux sollicitations du général de Gaulle dont il défendra la politique. Il obtiendra en contrepartie une aide conséquente pour le développement de la Côte d’Ivoire, qui sera privilégiée par l’Occident tout entier. Le Soudan et le Sénégal vont créer une fédération du Mali, embryon d’un plus grand ensemble dans l’esprit de ses promoteurs, qui éclatera très rapidement en raison des manigances de Jacques Foccart (1913-1997), le Monsieur Afrique de l’Elysée.

Lorsqu’en 1958, la Guinée a choisi l’indépendance, un autre gouvernement de territoire choisira lui aussi la même option. Il s’agit du gouvernement du Niger, dirigé par Djibo Bakari, leader du parti la Sawaba, qui était affilié à une organisation que dirigeait Léopold Sédar Senghor. Le général de Gaulle va faire truquer les élections au Niger pour évincer le grand patriote qu’était Djibo Bakari. Ce dernier avait auparavant irrité l’Elysée, car il situait son combat dans celui de l’Afrique tout entière et se voulait solidaire de tous les peuples en lutte pour leur indépendance. Militant calme et fier, progressiste mais opposé au dogmatisme, de culture occidentale mais sensible aux affinités de la civilisation musulmane, Djibo Bakari vouera toute sa vie à l’émancipation totale du Niger, tout en tenant compte de l’environnement de son pays.

Par solidarité avec le peuple algérien, il sera le chef du gouvernement de territoire qui s’opposera fermement à la politique française de mise en place d’un ensemble saharien destiné à amputer l’Algérie de la plus grande partie de son territoire. Par cette opération, la France espérait réaliser son indépendance stratégique au plan énergétique en créant un Etat fantoche dans le Sahara. Il s’agissait pour elle de s’assurer la mainmise sur les ressources du sous-sol saharien, en particulier l’uranium, le pétrole et le gaz. Djibo Bakari s’est opposé à cette politique malgré les promesses alléchantes de Paris qui espérait mobiliser les Etats riverains pour le partage des ressources d’un peuple en lutte les armes à la main et qu’il fallait donc pour cela pénaliser. Le trucage des élections a permis à de Gaulle d’écarter non seulement un homme qui voulait l’indépendance de son pays mais aussi un chef d’Etat soucieux de renforcer la solidarité de l’Afrique envers les peuples en lutte contre l’impérialisme, le colonialisme et l’apartheid.

A partir de l’indépendance de la Guinée et du Ghana, l’Algérie aura une plus grande possibilité d’intervention en Afrique. Elle participera à la première réunion des Etats africains, qui se tiendra au Liberia, et son président William Tubman (1895-1971) fera flotter le drapeau algérien à Monrovia. L’Algérie sera également présente à la deuxième réunion des ministres africains des Affaires étrangères, qui se tiendra à Addis-Abeba. Sa délégation était composée de Frantz Fanon, Omar Oussedik, Ahmed Boumendjel et de M’hammed Yazid. Elle apportera pareillement sa contribution à la deuxième conférence de solidarité des peuples afro-asiatiques tenue en mars/avril 1959 à Conakry.

A cette époque, le Cameroun était également indépendant. Avant de reconnaître la souveraineté de cet Etat, la France avait pris soin d’écarter les dirigeants de l’Union des populations camerounaises (UPC), pour propulser au sommet un homme qui lui était acquis : Ahmadou Ahidjo (1924-1989). Elle a attisé les rivalités tribales pour obliger à la clandestinité l’UPC, qu’elle amènera à déclencher une lutte armée prématurée. La répression sauvage, la torture, les ratissages dans le sud du pays peuplé de Bamikés causeront d’énormes pertes. Um Nyobe (1913 – assassiné en 1958), surnommé Mpodol (celui qui porte la parole des siens), le leader charismatique, tombera dans une embuscade et sera remplacé par un organisateur hors pair Félix-Roland Moumié, qui lui aussi sera assassiné en Suisse par les Services de documentation extérieur et de contre-espionnage (SDECE) français. Dans cette affaire, on verra donc la France exciter le Nord musulman contre le Sud chrétien. Les traditionalistes baptisés pour l’occasion modernistes contre des progressistes étiquetés «communistes au service de Moscou», contre l’Occident chrétien et civilisé.
L’UPC aura comme principale base arrière la Guinée et le Ghana.

Lorsque Patrice Lumumba (1925 – assassiné en 1961) arrivera au pouvoir et tant que ce dernier était en vie, l’UPC s’était installée au Congo-Léopoldville (Congo-Kinshasa), d’où elle avait une plus grande possibilité d’intervention au Cameroun. Frantz Fanon et Omar Oussedik lui avaient suggéré d’ouvrir un canal de liaison qui partirait de la province équatoriale du Congo pour aboutir au Cameroun, en traversant une zone inhabitée du Congo Brazzaville. Par ce canal, il pourra faire parvenir au maquis les armes, les munitions et les médicaments dont les combattants avaient besoin. Nous rappelons pour mémoire que ces canaux de liaison du même type traversaient l’Algérie d’est en ouest pendant la Guerre de Libération nationale pour des objectifs identiques.

Lors de la réunion qui s’était tenue à Addis-Abeba, ainsi qu’à celle de Conakry, l’Algérie aura une position assez confortable, du fait qu’elle avait des alliés de poids, en l’occurrence la Guinée, le Ghana, le Mali et les Etats d’Afrique du Nord. Au cours de la réunion de Conakry, si la présidence avait été donnée – et c’est tout à fait normal – à Ismaïl Touré (1925-1985), dirigeant guinéen, demi-frère de Sékou Touré, les deux vice-présidents étaient : pour l’Asie, Mme Indira Gandhi, et Frantz Fanon pour l’Afrique. Le GPRA en 1959 avait déjà ouvert deux missions diplomatiques en Afrique, l’une à Accra (Ghana) et l’autre à Conakry (Guinée). Ces deux missions étaient entièrement financées par les gouvernements des pays hôtes.

L’Algérie sera représentée au Ghana par Frantz Fanon et en Guinée par Omar Oussedik. Lorsqu’une nouvelle mission sera ouverte au Mali, elle sera dirigée par l’harmonieux tandem de la Wilaya IV, les capitaines Ali Lounici et Boualem Oussedik. Nous avions donc très rapidement manifesté notre présence sur le continent. Auprès de Lumumba nous avions détaché le journaliste, essayiste et romancier anticolonialiste Serge Michel (1922-1997), de son vrai nom Lucien Douchet, comme conseiller à l’information.

A ce niveau, nous voudrions ouvrir une parenthèse pour information. Lors d’un entretien que Lumumba avait accordé à Frantz Fanon et Omar Oussedik, ces deux derniers avaient conseillé au dirigeant congolais de rééditer ce que Nyerere avait réalisé en tandem, à savoir, choisir un homme de confiance à placer à la tête du gouvernement et se consacrer totalement à l’édification d’un parti politique qui couvrirait tout le territoire national. A l’indépendance du Congo Léopoldville (30 juin 1960) puis Zaïre (1971- 1997) et aujourd’hui République démocratique du Congo, la situation de ce pays immensément riche, souvent surnommé le Brésil africain, était confuse et difficile. Il y avait en tout et pour tout quatre personnes qui avaient fait des études universitaires. L’enseignement était prodigué par des congrégations religieuses qui ne flattaient pas le sentiment national congolais. La majorité, sinon toutes les organisations en dehors de celle de Lumumba, avait des audiences limitées, et ceci en raison de leurs références qui étaient d’ordre tribal, ethnique, religieux et dans le meilleur des cas régional.

Seul Lumumba avait une vision nationale. C’était un homme extrêmement intelligent, un patriote et un dirigeant qui possédait un formidable charisme. Malheureusement, son parti avait lui aussi une composante ethnique qui affaiblissait son audience. Il voulait avoir un parti pluriethnique, mais il n’a pas eu le temps nécessaire pour le mettre en place. C’est dans ces conditions que Frantz Fanon et Omar Oussedik lui avaient conseillé de réaliser ce que Julius Nyerere avait accompli en Tanzanie. Il avait provoqué une réunion des ministres africains des Affaires étrangères, au cours de laquelle il a sollicité une solidarité agissante à l’égard du Congo, considéré par les tenants du colonialisme comme un «revolver braqué sur le cœur de l’Afrique de papa». Mais, déjà l’anarchie était installée, encouragée et financée par les services pas toujours secrets des puissances occidentales.

Ces dernières ne se résignaient pas à admettre le leadership de Patrice Lumumba, qui aspirait à une réelle indépendance. Dans ses déclarations, il préconisait une plus grande solidarité à l’égard des mouvements de libération en Afrique, et ambitionnait un rôle international, que les populations de son pays, son immensité (2 345 410 km2) ainsi que ses importantes richesses pouvaient normalement leur décerner. Il tombera victime de l’impérialisme, au sein duquel la CIA avait eu un rôle de tout premier plan. En outre, et compte tenu du réseau de renseignements qu’ils avaient créé sur le territoire congolais, les services français, à partir du Congo Brazzaville voisin, et les services belges apporteront une contribution importante à la chute de Patrice Lumumba. (A suivre)

Par le Commandant Azzedine