Industrie sidérurgique : Malgré les scandales, Sider El Hadjar toujours debout
M. F. Gaïdi, El Watan, 23 avril 2023
Après le dernier séisme judiciaire qui l’a fortement secoué, le complexe sidérurgique d’El Hadjar n’a pas arrêté de faire tourner ses machines. Le PDG de l’EPE Sider El Hadjar affirme : «Le complexe est, actuellement, en activité.
Nous sommes en train de constituer un stock de sécurité en consommables stratégiques et pièces de rechange (PDR). Il y a une dizaine de jours, nous avons reçu un navire de coke dont la cargaison est estimée à 44 000 t.»
Rassurante pour les 6000 sidérurgistes, cette déclaration l’est à plus d’un titre puisqu’elle présage la pérennité de l’usine qui, après le placement en détention provisoire par la justice de 5 mis en cause, dont les PDG des groupes Imetal et Sider ainsi que le DGA de Sider El Hadjar, on croyait annoncer la fermeture imminente du complexe. En effet, le communiqué du parquet du pôle pénal économique et financier au lendemain de l’éclatement de ce scandale avait choqué les travailleurs.
«Le parquet de la République près le pôle pénal économique et financier informe l’opinion publique qu’une enquête préliminaire sur des faits de corruption a été ouverte, suite à un rapport qui lui est parvenu concernant des dépassements dans la gestion du Groupe public des Industries métallurgiques et sidérurgiques (Imetal), complicité pour détournement de fonds publics, passation de marchés et de contrats en violation des lois et réglementations au niveau des deux principales filiales du Groupe, à savoir le Complexe sidérurgique d’El Hadjar (Sider El Hadjar) et l’Entreprise nationale de récupération (ENR), en vue d’octroyer des indus avantages à autrui, ce qui a causé la réduction de la capacité de production du Complexe, dont les infrastructures sensibles ont été affectées, ainsi que les arrêts fréquents de la chaîne de production et des dégâts financiers tant pour le Groupe que pour le Trésor public», lit-on dans ce document.
DIFFICULTÉS
Depuis 2020, l’EPE Sider El Hadjar a rencontré de nombreuses difficultés. «A l’image de l’exercice 2021, l’exercice 2022 a été marqué par un fonctionnement perturbé par de multiples contraintes. Il s’agit principalement de la vétusté et l’obsolescence des équipements et la fragilité de la centrale à oxygène accentuées par le retard dans la mise en œuvre de la partie restante du plan d’investissement», analyse Lotfi Mana, le PDG de Sider El Hadjar. Il a également évoqué «les équipements acquis dans le cadre de l’investissement non exploités et toujours stockés au niveau des parcs sous douane (ports et usine) (AAPI, ex-ANDI), sans oublier de noter la flambée importante et continue des prix matières premières (coke), consommables (réfractaires, ferroalliages…) et PDR, depuis le premier trimestre de 2021, ainsi que la consommation d’un minerai de fer de mauvaise qualité (faible teneur en fer de 44% pour 53%) approvisionné depuis les mines de Ouenza et Boukhadra, engendrant, entre autres, une surconsommation en coke».
Néanmoins et malgré cette asphyxie financière, les perturbations dans le fonctionnement et l’état dégradé des différents équipements et installations, il soutient que l’entreprise «a réussi quand même à assurer une continuité de l’activité et, par ricochet, la stabilité sociale de l’entreprise à travers la mise en place d’une cellule de crise, permettant de faire face aux différentes contraintes avec l’acquisition du strict nécessaire en consommables et PDR, nous évitant ainsi des arrêts francs, tout en procédant à flux tendu, sans le moindre stock de sécurité, avec un suivi rigoureux et minutieux d’une situation, du moins qu’on puisse identifier, d’extrêmement difficile et stressante».
L’EPE Sider El Hadjar, dont le chiffre d’affaires de l’exercice 2022 est de 34 milliards de dinars, a été marquée par de différentes réalisations. La plus importante est celle réalisée dans l’exportation de 174 000 t de produits sidérurgique et coproduits pour une valeur de 43 M$.
A noter que l’exercice 2022 a été aussi marqué par un arrêt franc de production de 27 jours par manque d’approvisionnement en eau brute, décidé par les autorités locales suite à un grave stress hydrique qui avait frappé la région Est.
Devant cette situation alarmante et très inquiétante du complexe, la gestion est devenue de plus en plus compliquée, vu les difficultés qui affectent directement le fonctionnement du complexe, ainsi que les résultats financiers de l’entreprise, pouvant engendrer un impact négatif sur la stabilité sociale à travers la difficulté d’assurer les salaires des 5718 salariés, en plus de ceux des entreprises de prestation (indirects).
Ce qui n’a pas empêché le secrétaire général du syndicat de l’entreprise, actuellement sous le coup d’un contrôle judiciaire, de s’offrir une augmentation de salaire de plus de 20 000 DA et servir aussi au passage ses «camarades» avec autant de milliers de dinars. «Le secrétaire général de l’union de wilaya de Annaba Kamel Fritah est écroué, celui du syndicat de l’entreprise est sous contrôle judiciaire.
Le premier a fait tout pour que le second soit élu à la tête du complexe et protéger leurs intérêts personnels. Ils ont fait beaucoup de mal à l’entreprise. Nous ne voulons plus d’eux, encore moins de ce syndicat dont tous les sidérurgistes savent qu’il n’est pas représentatif. Nous exigeons un nouveau syndicat qui sera élu dans la transparence totale», tonitruent les travailleurs.
En effet, le transport du personnel est l’un des marchés qui est contrôlé par le syndicat tout autant que celui des assurances, dont Sider El Hadjar n’a jamais été dédommagé malgré les multiples incidents et arrêts de production. A suivre…