Forum de Paris sur la paix: L’Algérie attachée à ses positions de principe
Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 12 novembre 2022
Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger se trouve depuis jeudi dans la capitale française où il assiste à la 5ème édition du «Forum de Paris sur la paix» qui se tient sous le thème «Surmonter la multicrise».
C’est en sa qualité de représentant du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, invité du président français, Emmanuel Macron, que Ramtane Lamamra assiste à cet événement qui, note son ministère dans le communiqué qu’il a rendu public jeudi, «intervient après une pandémie qui a considérablement aggravé les inégalités mondiales et dans un contexte international marqué par un clivage géopolitique aigu sur fond de la guerre en Ukraine dont les retombées politiques et économiques continuent de dominer l’actualité internationale ». Le Forum regroupe, fait savoir le MAECNE, « plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, de nombreux ministres et responsables d’organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales ainsi que des acteurs du secteur privé pour examiner les principales problématiques dans le monde d’aujourd’hui et proposer des solutions pour atténuer les chocs multiples et les conséquences socio-économiques des crises et éviter une aggravation de la polarisation mondiale qui hypothèque la coopération internationale ». Ramtane Lamamra va saisir l’occasion de sa participation à ce rendez-vous, pour, indique le communiqué, « renouveler l’attachement de l’Algérie au multilatéralisme et à ses positions de principe plaidant la nécessité de corriger les déséquilibres qui caractérisent les mécanismes de gouvernance globale et favoriser l’avènement d’un nouvel ordre mondial coopératif, équitable et solidaire à même de garantir la paix, la stabilité et le développement et de préserver les intérêts des pays en développement ».
60 projets retenus par le Forum pour cette année
«C’est le Forum sur la paix parce que la paix, c’est le produit de circonstances, la guerre ou la non paix (…) vient de tensions sur le social, le développement, la religion, le climat maintenant», a déclaré le président du Forum parisien, Pascal Lamy, dans un entretien qu’il a accordé jeudi à l’agence française de presse (AFP). Pascal Lamy sait de quoi il parle quand il affirme que la Forum de Paris « c’est réinventer la coopération internationale » pour avoir été directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de 2005 à 2013. « Réinventer la coopération internationale » c’est pour lui « s’appuyer sur des projets concrets qui doivent s’attaquer aux racines des conflits ». Lamy a été aussi Commissaire européen pour le commerce de 1999 à 2004, auprès de la Commission européenne que présidait à l’époque l’Italien Romano Prodi, c’est-à-dire durant la période où l’Algérie continuait de négocier son accord d’association avec l’Union européenne, pour le parapher en 2002 et l’appliquer en 2005.
L’on note que Lamy préside le « Forum de Paris sur la paix » depuis 2019 après avoir accumulé d’importantes expériences dans divers domaines, du commerce jusqu’à être « président du conseil d’administration des Musiciens du Louvre de Grenoble » tout en étant celui du Comité mondial d’éthique du tourisme, membre de la Commission globale sur les océans, du conseil d’administration de la Fondation nationale des Sciences politiques et de la Thomson Reuters Founders Share Company, membre du conseil consultatif de Transparency International(…).
Le Forum qui s’est ouvert en présence du président français Emmanuel Macron et Catherine Colonna, sa ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, a retenu «60 projets accompagnés en 2022» qui touchent aux «espaces communs : océans, climat, espace, biodiversité, environnement, changements climatiques(…)», ainsi que «les défis actuels politiques, sécuritaires, économiques, énergétiques, environnementaux et les moyens d’y faire face d’une manière collective et concrète», a rapporté hier un communiqué du MAECNE.
«La globalisation dans un monde numérisé»
Pour cette année, le Forum précise qu’il réunit de nouveaux acteurs de la société civile, des ONG, des grandes entreprises, des villes, de grandes institutions parce que son président a fait part de « l’incapacité des acteurs classiques, des Etats, des diplomates à trouver parfois des solutions dans un monde en crises multiformes ». Cet espace cherche à « exploiter la «réserve d’énergie», la «volonté de coopérer» au sein d’autres acteurs », a souligné Lamy. Mais, a-t-il indiqué, «on ne va pas se dispenser des Etats et des diplomates pour trouver des solutions». Le Forum qui veut initier à «la gestion de la globalisation dans un monde numérisé», se concentre vendredi et samedi sur un thème qui, écrivent ses organisateurs, prend en compte « les effets cumulés des crises à travers le monde sur les populations et la coopération mondiale » avec « un intérêt particulier pour les priorités comme «gérer les répercussions de la multicrise sur les populations », « coopérer en temps de conflit », « repenser la globalisation dans un monde polarisé », « catalyser des solutions climatiques et environnementales », « garantir un monde numérique plus éthique et plus sûr », « promouvoir des sociétés plus inclusives et plus justes »… ». Son initiative dans sa 5ème édition, lancer «l’appel à l’action internationale pour défendre les droits de l’enfant dans l’environnement numérique», « l’appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace », « l’initiative Nord-Sud multi-acteurs qui vise à définir les normes communes pour l’utilisation des technologies automatisées dans toutes les juridictions(…) »… Pour cette fois, il tente de construire « un nouveau consensus pour le monde post-Covid afin d’ouvrir la voie vers une Charte des droits numériques » et ce, pour « renforcer le multilatéralisme » en faveur duquel « les gouvernements et les organisations philanthropiques doivent augmenter leurs financements de base et réduire les contributions volontaires aux aires protégées », soulignent encore ses organisateurs.
Hier, les intervenants se sont penchés sur, entre autres, « la coopération Sud-Sud en matière de capacités cyber et de partage des données pratiques », « restaurer la confiance en entretenant l’espace civique », « le nouveau laboratoire de protection des enfants en ligne », « mettre fin à la complaisance en réformant l’architecture mondiale de la santé pour une meilleure préparation face aux pandémies », « rendre justice et réparer les âmes endommagées, la santé mentale et le soutien psychosocial dans la justice transitionnelle »…
«Renforcer le dialogue et la concertation pour dépasser des situations de crise»
Pascale Lamy a prévu par ailleurs, hier en marge des travaux, de parrainer des discussions entre les représentants du président vénézuélien Nicolas Maduro et ceux de l’opposition. «Le dialogue vénézuélien entre la majorité et l’opposition est extrêmement acrimonieux, tendu, difficile», a-t-il noté en précisant que «ce dialogue va se tenir sous les auspices du Forum de Paris sur la paix. On ne sait pas ce qu’il donnera». Il a relevé, toutefois, que »le seul fait qu’ils soient venus chez nous pour se parler montre que le Forum de Paris commence à apparaître comme un havre où on peut peut-être se dire des choses qu’on ne se dit pas ailleurs».
Le chef de la diplomatie algérienne, pour sa part, saisira également cette opportunité pour, dit le communiqué, « interagir avec ses homologues et autres chefs de délégations sur des questions bilatérales, régionales et internationales d’intérêt commun ». Lamamra a eu hier des entretiens avec ses homologues hollandais, sénégalais, rwandais et norvégien, croate et palestinien. Il a aussi rencontré Joseph Borel, Haut représentant de l’UE des affaires étrangères et de la politique sécuritaire. « Les discussions ont porté sur «les plus importants dossiers liés aux questions régionales et internationales de l’heure notamment la guerre en Ukraine et ses répercussions qui menacent la paix et la sécurité dans le monde en plus de celles économiques et humanitaires particulièrement sur les pays sous-développés en Afrique et dans le monde arabe». Le ministre a insisté sur «l’importance de renforcer le dialogue et la concertation pour dépasser ces situations».