Enlèvement et assassinat de Habib Bouguetaia : 25 ans après, justice n’est toujours pas rendue

Algeria-watch, 29 juillet 2022

Algeria-Watch a été informé par M. Mohamed Boughetaia de l’enlèvement et de l’assassinat de son père, M. Habib Bouguetaia, en 1997 par des membres d’une milice dans la wilaya de Relizane.

 

 

M. Habib Bouguetaia, âgé de 48 ans au moment des faits, était inspecteur des domaines à Oued Rhiou, localité relevant de wilaya de Relizane. Le 13 avril 1997, alors qu’il avait quitté son service pour effectuer une inspection, un groupe non identifié l’a enlevé en présence de témoins parmi lesquels des militaires affectés à Oued Rhiou. Ni ses collègues ni sa famille n’ont su quel sort lui avait été réservé.

  

 

 

Ce n’est que huit jours plus tard, le 21 avril 1997, que son corps a été retrouvé au bord de l’oued Chellif près du village Ouled Maâlah. Il avait du être enterré superficiellement et charrié par les flots lors d’une crue de l’oued. Il portait trois impacts de balle à la poitrine et avait la mâchoire fracassée. La gendarmerie alertée, une enquête a été ouverte mais le tribunal d’Oued Rhiou a délivrer un permis d’inhumation pour le lendemain le 22 avril.

 

La presse locale a vite fait d’attribuer ce crime aux groupes armés locaux, ce que ces derniers ont démenti.

La victime avait découvert des malversations et détournements de fonds de la part de la « mafia du foncier » à laquelle participaient notamment les chefs de milices qui sévissaient durant les années 1990 dans la région de Djédioua dans la wilaya de Relizane, en particulier Hadj Fergane maire de Relizane, Hadj Abed Mohamed, maire de Djédioua, et ses fils Abdelkader et Hocine. Il en avait informé différents responsables de l’administration. Selon son fils, Habib Boughetaia avait fait l’objet à plusieurs reprises de menaces. Quelques jours après avoir contacté les services du DRS pour dénoncer des transferts illicites dans l’immobilier, il aurait été enlevé puis assassiné. Mohamed Bouguetaia rapporte qu’après la découverte et l’identification du corps mutilé du défunt, il a porté plainte contre les membres de la milice de Djédioua.

D’autres familles avaient également saisi la justice contre les agissements des milices de la wilaya de Relizane qui pendant des années ont procédé à des dizaines d’enlèvements, d’assassinats et des massacres. Selon le militant des droits de l’Homme, Mohammed Smain (1), leurs crimes étaient si nombreux que finalement, le Président de la République, Liamine Zeroual, lui-même, aurait ordonné aux services du DRS (Département du renseignement et de la sécurité) de procéder à une enquête. C’est dans ce cadre que Mohamed Bouguetaia a également été entendu début 1998 par les services de renseignements militaires d’Oran.

Coup de théâtre : Début avril 1998, une douzaine de miliciens sont arrêtés, parmi lesquels les deux Présidents des APC (Assemblées populaires communales) et chefs de milice de Relizane et de Djédioua, Hadj Fergane et Abed Mohamed, accusés d’enlèvements, d’assassinats et d’extorsions de fonds. Rapidement la « corporation » des miliciens, secondée par une certaine presse éradicatrice et des partis radicaux ont crié au scandale et exigé la libération de ces chefs miliciens élevés au rang de héros de la lutte contre le terrorisme alors que toutes leurs victimes étaient des civils non engagés dans des groupes armés. Il faut également rappeler que sans le soutien au sein de la hiérarchie militaire, ces criminels n’auraient pu agir de la sorte. Quoi qu’il en soit, peu de temps après leur incarcération les inculpés sont remis en liberté et les poursuites sont interrompues. Il est évident que cette décision a été prise en haut lieu, pourtant l’affaire reste depuis pendante au niveau du tribunal militaire d’Oran.

 

 

Quant à Mohamed Bouguetaia, il lui a été conseillé de ne plus s’exprimer sur ce sujet, et son père a été classé comme victime du terrorisme.

 

 

A ce jour, les circonstances exactes de ce crime n’ont pas été élucidées et les responsables n’ont pas été jugés.

 

(1) Mohammed Smain, Relizane dans la tourmente. Silence ! On tue…, Editions Bouchène, 2004