Massacre raciste de Melilla: Un autre rappel sanglant d’une décolonisation inachevée

Algeria-Watch 4 juillet 2022

Le 24 juin 2022, au moins 37 migrants africains ont été tués à la barrière frontalière de Melilla. Cet épouvantable massacre raciste exprime dans toute son horreur la nature réelle de l’ordre mondial. En effet, le capitalisme colonial racial a déplacé des populations pendant des siècles, un processus qui s’est intensifié au cours des dernières décennies en raison des crises multiformes et répétitives – économiques, sociales, sanitaires, environnementales – qu’il engendre.

Le contexte d’exploitation généralisée et de creusement accéléré des inégalités contraint de plus en plus de personnes à fuir leurs foyers tout simplement pour survivre. La représentation médiatique et politique occidentale perpétue le modèle de déshumanisation coloniale des pays du Sud sous une forme modernisée. Depuis la vague des indépendances arrachées ou octroyées et toujours formelles, la même oppression coloniale perdure derrière une façade autochtone en perpétuant une autre forme de politique de négation de l’autodétermination des peuples indigènes.

Enfermés dans un modèle colonial d’intégration au marché global, les peuples du Sud continuent à subir l’exploitation, l’oppression et le pillage sous la férule des agences de Bretton-Woods. Les autochtones continuent d’être considérés soit comme un outil de production et d’extraction, soit comme un obstacle à aplanir par tous les moyens. Face à un flux migratoire qu’il contribue fondamentalement à créer, l’Occident conforte des régimes clients racistes et violents pour le contenir. Les femmes et les hommes qui fuient les guerres, les atrocités et la misère déterminées par les multinationales de l’impérialisme sont bloqués dans des zones de non-droit et quand ils parviennent à en sortir sont condamnés à l’illégalité et donc placés massivement dans situations propices à une exploitation illimitée dans les sociétés du Nord.

Les États du Sud, en situation d’assujettissement, demeurent dépendants d’anciens et de nouveaux maîtres coloniaux et participent à ces politiques inhumaines. Le Nord mondial externalise sa gestion « sécuritaire » ultra-violente, exigeant des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, notamment ceux qui lui sont directement frontaliers, qu’ils assument le rôle de supplétifs policiers et surveillent leur propre population ainsi que celles des États voisins au nom et pour le compte de l’empire, tout en les équipant de la nécro-technologie indispensable vendue par les marchands de mort qui dominent aujourd’hui l’économie mondiale.

Au nom de ses maîtres coloniaux, le gouvernement marocain a massacré plusieurs dizaines de migrants qui tentaient de passer dans l’enclave de Melilla, occupée par l’Espagne, tout comme la mort par asphyxie de dizaines de migrants à la frontière entre le Mexique et les États-Unis illustre la nécropolitique raciste des régimes impérialistes. Dans la même logique inhumaine, le traitement manifestement très différencié infligé aux migrants africains quittant l’Ukraine a mis en lumière les hiérarchies raciales qui sous-tendent la gestion frontalière du Nord.

Opérant au nom de la gestion de la « crise des migrants », de la « lutte contre le terrorisme », de la « contrebande » et d’autres « crises morales » préfabriquées, l’impérialisme frontalier est l’un des principaux mécanismes permettant d’assurer la fuite des richesses vers le nord. L’occident ultra-libéral brise ainsi la solidarité régionale et les formes alternatives de constructions politiques et interdit le fonctionnement de réseaux organiques d’échange et de coopération socio-économique. L’impérialisme frontalier subventionne également le complexe industriel militaire/sécuritaire, contribuant à la dette coloniale des États du Sud.

Tous ceux qui placent au sommet de toute hiérarchie les valeurs morales et la dignité de l’humanité, condamnent dans les termes les plus forts la déshumanisation totale et l’attentat aux principes fondateurs du droit le carnage de Melilla. Tout être humain en mouvement a droit à la sécurité et à la dignité.

Plutôt que de subir la violence raciste des puissances impérialistes, les peuples africains victimes de ces frontières coloniales doivent œuvrer en commun pour renverser les conditions néocoloniales de soumission et de dépendance qui forment le soubassement du suprématisme blanc ultralibéral globalisé. Cela inclut la transformation de nos propres États pour qu’ils représentent réellement la volonté populaire plutôt que les intérêts de castes asservies à l’ordre capitaliste racial mondial. Les Africains doivent insuffler un nouveau souffle à l’éthique panafricaine et internationaliste de la lutte anticoloniale, en soulignant l’indivisibilité de nos luttes de libération.

Aucun de nous n’est libre tant que nous ne sommes pas tous libres !