Crise entre Alger et Madrid: La plus grande «catastrophe diplomatique» depuis 1975

M. Mehdi, Le Quotidien d’Oran, 14 juin 2022

Dans un entretien accordé, le samedi 11 juin 2022, au quotidien «El Mundo», l’ancien ministre des Affaires étrangères espagnol (2011-2016), José Manuel Garcia-Margallo, a critiqué sévèrement la démarche du gouvernement de Pedro Sanchez, considérant que l’actuelle crise avec l’Algérie est la plus grande «catastrophe diplomatique» depuis 1975.

Deux jours plus tard, le lundi 13 juin 2022, M. Garcia-Margallo, interviewé sur le même sujet par la chaîne espagnole ‘Telecinco’ a considéré que «les dernières démarches que le gouvernement a entreprises, comme se rendre à Bruxelles, me semblent être une erreur».

Sur la crise avec l’Algérie, survenue suite aux actions de l’actuel gouvernement de Pedro Sanchez, notamment après son revirement dans le dossier sahraoui et sur la suspension par l’Algérie du Traité bilatéral d’amitié, de bon voisinage et de coopération, M. Garcia-Margallo juge, ironiquement, que «c’est un exploit diplomatique qu’aucun gouvernement n’a réalisé jusqu’à présent», soulignant toutefois que «le problème n’est pas l’Espagne, mais Sanchez». Celui qui fut ministre des Affaires étrangères de 2011 à 2016 sous le gouvernement du Parti populaire estime que «depuis 1975, il n’y a pas eu de catastrophe diplomatique comme celle à laquelle nous assistons en ce moment», a-t-il déclaré au quotidien ‘El Mundo’. «Parce que le gouvernement de Sanchez a réussi à mettre en colère le Maroc, l’Algérie et le Polisario, en même temps, aucun gouvernement de démocratie n’y était parvenu», a-t-il ajouté. Sur la question du Sahara Occidental, il rappelle que son pays a toujours maintenu «une position très claire, soutenue par tous les gouvernements et incarnée dans les deux stratégies d’action extérieure qui ont été approuvées, c’étaient des stratégies de quatre ans, j’ai fait celle de 2015. Et la même position a été exprimée et que nous avons toujours prise à l’ONU». Précisant à ce sujet : «La formule canonique que j’ai convenue avec Alger et avec Rabat disait que la solution devait être juste, durable, mutuellement acceptable et qu’elle reconnaissait l’autodétermination du peuple sahraoui conformément aux principes de la Charte des Nations unies. C’est ce que l’Espagne a soutenu à l’ONU conformément au droit international». «C’est la grande question que nous devons nous poser. Pourquoi Sanchez change-t-il une politique constante depuis 1975, convenue et maintenue sans modifications ? Pourquoi le faites-vous et quelle est la considération?», s’est-il interrogé.

«C’est une affaire très sérieuse»

Sur la gestion de ce dossier par l’actuel gouvernement, l’ancien MAE espagnol estime que «dans ce mandat, les relations avec l’Afrique du Nord ont été compliquées». «Le plus grave est que l’Algérie, voyant la frivolité de Sanchez, se méfie également de ce gouvernement et nous envoie un autre signal, en suspendant l’exploitation du gazoduc qui passe par le Maroc. Le gouvernement n’est pas en mesure d’inverser cette situation». Mais, pour lui, «le problème n’est pas l’Espagne, c’est Sanchez. Il était évident qu’ils prendraient des décisions qui nuiraient à nos intérêts», a-t-il ajouté. Pour José Manuel Garcia-Margallo, la crise avec l’Algérie «est une affaire très sérieuse». «L’Espagne est le cinquième fournisseur» de l’Algérie parmi les pays de l’UE.

A la question du journaliste d’El Mundo sur «comment sortir de ce pétrin ?», l’ancien MAE espagnol répond : «Tout ce que nous faisons en Afrique du Nord nous place dans une position ridicule au sein de l’UE». «L’UE a été sollicitée.

Le problème à long terme est que Sanchez va laisser ce pays en lambeaux, et en matière intérieure, cela peut être résolu, mais en matière étrangère, cela prend beaucoup de temps». Il rappelle que l’Espagne était «privilégiée pour être le partenaire stratégique de l’Algérie dans l’exploitation des réserves de gaz». Regrettant que dorénavant «c’est l’Italie, qui va devenir le partenaire stratégique de l’Algérie». «C’est tellement absurde…», conclut-il.