Subventions : les Algériens peuvent-ils vraiment s’en passer ?
Ryad Hamadi, TSA, 07 Juin 2022
Au moment où l’Algérie songe à réviser son système de subventions « universelles » des produits de première nécessité, c’est au contraire un « produit » supplémentaire, totalement inattendu, que l’État s’engage à prendre en charge en partie.
Il s’agit du hadj, le pèlerinage aux lieux saint de l’islam. Son coût pour cette année est fixé à un peu plus de 850. 000 dinars algériens, incluant tous les frais, entre le billet d’avion et le séjour en Arabie saoudite. Le montant est jugé excessif et pas à la portée de tous ceux qui désirent accomplir le cinquième pilier de l’islam.
La Fédération algérienne des consommateurs (FAC) a par exemple demandé la baisse du prix du billet d’avion et la prise en charge des frais d’hébergement des hadjis. Un débat a même eu lieu au Parlement où des députés ont interpellé le ministre des Affaires religieuses sur la hausse vertigineuse du coût du hadj qui a augmenté de 300.000 dinars par rapport à 2019. En 2020 et 2021, le hadj a été suspendu par l’Arabie saoudite à cause de la pandémie de covid-19.
Une doléance à laquelle le président de la République n’est pas restée insensible. En Conseil des ministres, dimanche 5 juin, Abdelmadjid Tebboune a annoncé une remise de 100.000 dinars pour tous les pèlerins algériens.
« La préoccupation de nos fidèles pèlerins, liée au coût élevé du Hadj, pour cette année, en raison de la situation économique mondiale, a été abordée », a indiqué le Conseil des ministres dans un communiqué. Il a précisé qu’il a décidé d’accorder une « remise de 100 000 dinars » aux candidats algériens au hadj.
Le président de la République a « donné des instructions au ministre des Transports pour indemniser les pèlerins, qui ont payé le prix du billet, dans le cadre du coût total du hadj », a indiqué la Présidence de la République dans un communiqué.
Si l’initiative est louable pour tous ceux qui plaident la facilitation au citoyen de l’accomplissement de ses devoirs religieux, elle soulève pour d’autres une interrogation : le Hadj peut-il faire l’objet de subvention ?
L’interrogation devient encore plus pertinente quand on sait que la subvention touchera tous les candidats au Hadj, même les riches, voire les très riches.
Mêmes les plus riches bénéficient de la subvention
Or, concernant les produits de consommation et l’énergie, c’est la généralisation des subventions à toutes les catégories qui posent problème. C’est même l’argument principal du gouvernement dans son projet de les réviser.
De plus, le Hadj constitue certes un des cinq piliers de l’islam, mais ce n’est une obligation que pour « ceux qui ont en ont les moyens » matériels et physiques, donc ceux qui sont en bonne santé et qui peuvent supporter ses frais. Autrement dit, ceux qui ne sont pas dans de telles dispositions, ne sont point tenus de faire le déplacement en Arabie saoudite et effectuer le rituel.
Avant la crise sanitaire, le quota de l’Algérie était d’environ 36 000 pèlerins. Cette année, les autorités saoudiennes ont revu à la baisse le nombre total de pèlerins à recevoir de près de 2 millions à 850.000.
Le quota de l’Algérie est par conséquent réduit de moitié, à un peu plus de 18 000 pèlerins. À raison de 100 000 dinars par hadji, la subvention décidée par le président de la République devrait coûter 1,8 milliard de dinars.
La subvention du billet d’avion pour le Hadj survient dans un contexte de hausse généralisée des prix de produits de consommation pour facteurs internes et externes liés à l’inflation et aux conséquences de la pandémie de covid-19 sur l’économie mondiale. Cette subvention montre que le gouvernement aura du mal à réformer en profondeur le système des subventions qui est injuste et coûteux, puisque les Algériens ne semblent pas être prêts à s’en passer.