Grève des 26 et 27 avril pour le pouvoir d’achat : Bras de fer entre le ministère du Travail et les syndicats
Madjid Makedhi, El Watan, 23 avril 2022
Guerre des déclarations ! A moins de quatre jours de la grève générale à laquelle ont appelé une trentaine d’organisations autonomes formant la Confédération des syndicats algériens (CSA), un bras de fer est engagé entre le gouvernement et les initiateurs.
En effet, après avoir observé le silence sur les revendications des syndicats pendant plusieurs jours, l’Exécutif réagit par le biais du ministère du Travail. Dans un communiqué rendu public jeudi dernier, le département de Youcef Cherfa déclare que ce mouvement programmé pour les 26 et 27 avril «n’est pas légal», car les initiateurs «ne sont pas en conformité avec la loi en vigueur».
«Ces derniers jours, la diffusion de communiqués par voie de presse et sur les réseaux sociaux émanent de certaines organisations syndicales activant principalement dans la Fonction publique, regroupées au nom d’une coordination dénommée Syndicats algériens du secteur de la Fonction publique (SASFP) et d’une organisation dénommée la Confédération des syndicats algériens (CSA).
Selon ces communiquées, ces organisations syndicales envisagent d’organiser un mouvement de contestation pour revendiquer notamment l’amélioration du pouvoir d’achat», rappelle le ministère dans son communiqué, largement diffusé par des médias qui n’avaient pas pourtant annoncé la décision des syndicats initiateurs de cette grève.
Pour le ministère du Travail, «la Confédération des syndicats algériens n’a pas reçu à ce jour le récépissé d’enregistrement de sa déclaration de constitution lui permettant d’activer légalement, et ce, pour non-conformité du dossier aux dispositions de la loi n° 90-14 du 2 juin 1990, modifiée et complétée, relative aux modalités d’exercice du droit syndical».
Selon la même source, «la SASFP n’est pas une organisation syndicale reconnue au sens des dispositions de la loi n° 90-14 suscitée et, par conséquent, tout mouvement initié par cette coordination est une violation des dispositions légales en vigueur en matière d’exercice du droit syndical».
Selon le ministère du Travail, «l’appel à la grève, impliquant immanquablement un ralentissement de l’activité économique et pouvant porter atteinte aux besoins essentiels de notre société, ne peut être favorable à la recherche de la consolidation et du renforcement de la préservation d’un climat social serein et d’un dialogue social véritablement inclusif, dans lequel se déroulent et s’exécutent les devoirs et obligations des parties à la relation de travail, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires la régissant».
«Les préavis de grève déposés individuellement»
Reconnaissant que l’exercice du droit de grève «est consacré dans la Constitution et encadré par les dispositions de la loi n° 90-02 du 6 février 1990», le ministère estime que le recours au débrayage doit intervenir «dans le respect de la procédure légale, notamment après épuisement des procédures préalables de prévention des conflits collectifs, dont la conciliation et la médiation».
Ce faisant, le ministère du Travail menace. «Les organisations syndicales concernées prendraient la responsabilité, soit d’appeler les travailleurs et les fonctionnaires à une grève nationale solidaire contraire aux dispositions de la loi, soit de commettre des actions de contestation se traduisant par une atteinte à la liberté de travail et à la continuité des services publics. Ces actions pourraient donner lieu à la prise de mesures conformément à la réglementation», lit-on dans ce document.
Contacté hier, Boualem Amoura, secrétaire général du syndicat agréé Satef et coordinateur de la CSA, fournit des précisions : «De prime abord, l’appel à la grève a été lancé par des syndicats agréés et non pas par la CSA. Les préavis de grève sont déposés aux noms des syndicats, chacun dans son secteur.» Tout en se montrant étonné par «le fait que c’est le ministère du Travail qui réagit alors que la question du pouvoir d’achat concerne le gouvernement», Boualem Amoura rappelle qu’«aucune réunion n’a été tenue sur l’objet de la grève par le Premier ministère».
«Déception du monde du travail»
«Où est ce dialogue ? J’invite le ministre du Travail à relire la Constitution, la loi 90-14 qui vient d’être amendée et la loi 90-02 relative au conflit du travail. De plus, comment tenir une réunion de conciliation avant le dépôt de préavis de grève ?» demande-t-il, affirmant que le gouvernement a été affolé par le fait que le mouvement de grève a connu l’adhésion de huit fédérations de l’UGTA. Concernant l’agrément de la CSA, Boualem Amoura rappelle qu’«une demande a été introduite en 2018, mais elle est restée sans réponse». «Avec la révision de la loi sur les syndicats, nous avons décidé d’introduire un nouveau dossier.
Mais la promulgation du nouveau texte n’a toujours pas eu lieu, alors qu’il a été adopté par les deux Chambres du Parlement depuis un mois», explique-t-il. Ce mouvement de grève, a-t-il rappelé, devait avoir lieu en octobre 2021, «mais avec l’annonce de la suppression de l’IRG, les travailleurs ont décidé de patienter.
Mais en janvier dernier, ils ont découvert qu’ils ne gagnent presque rien. Il y a eu ensuite l’annonce de la révision du point indiciaire. Et là aussi, la déception du monde du travail est grande. Les maigres augmentations ont déjà été englouties par l’inflation».