Ukraine, Algérie, gaz : entretien avec Abderrahmane Hadj Nacer

Makhlouf Mehenni, TSA, 09 Avril 2022

Abderrahmane Hadj Nacer est écrivain et ancien gouverneur de la Banque d’Algérie.

Dans cet entretien accordé à TSA, il remonte aux origines de la guerre en Ukraine et évoque ses retombées géostratégiques et économiques, livrant son analyse de spécialiste sur le recours de la Russie à l’imposition du rouble dans les opérations d’exportation de ses ressources énergétiques et de ses produits industriels.

Inévitablement, il déborde sur la position de l’Algérie, un pays traditionnellement non-aligné, la question du gaz algérien et le rapprochement avec l’Italie.

Qu’est-ce qui a rendu la guerre en Ukraine inéluctable et pourquoi a-t-elle lieu maintenant précisément ?

En réalité, la guerre de l’Ukraine a commencé en 2014 lorsqu’il y a eu le coup d’État sous couvert de révolution colorée. La Russie a réagi très intelligemment en prenant la Crimée.

Elle n’a pas osé aller plus loin et prendre le Donbass pour consolider ses frontières, l’Ukraine c’est la frontière de sécurité difficile de la Russie par rapport à l’Europe.

Donc, la guerre a commencé à ce moment-là, avec une semi-victoire américaine et une semi-défaite russe. Néanmoins, elle a commencé aussi lorsque les Anglais sont sortis de l’Europe avec le Brexit.

Parce que si les Anglais n’avaient plus intérêt à contrôler l’Europe, c’est qu’ils pensaient que l’Europe allait subir les conséquences d’un certain nombre de confrontations internationales. C’est typiquement anglais.

Et enfin, on a vu ce qui s’est passé en Australie avec le contrat français. On a vu que les Anglo-Saxons, ceux qu’on appelait dans l’histoire ‘la civilisation de la mer‘ ou ‘la thalassocratie‘, se préparaient à la confrontation.

Donc on peut considérer, quand on voit ce schéma, que l’Ukraine fait partie de la confrontation globale entre les mondes, comme la mer de Chine fait partie de la confrontation.

D’une certaine manière, ce sont de vieilles guerres entre les puissances de la mer qui ne supportent pas que quelqu’un d’autre contrôle les grands flux de l’énergie et les puissances de la terre qui contrôlent l’énergie et sa transformation en produits à forte valeur ajoutée.

Par ailleurs, on peut considérer qu’une véritable guerre mondiale hybride est en cours tant en termes guerriers visibles que sur les plans de la haute finance, de la biologie ou de la communication.

Si l’on se réfère à la covid, cette guerre fut remportée par la Chine qui a vu son organisation renforcée par la croissance de son PIB pendant que l’Occident est entré en récession.

Pourquoi l’Ukraine cette fois-ci ? Parce que les Anglais et les Américains ont beaucoup investi dans l’entraînement des troupes ukrainiennes et dans la corruption des élites pour bien les contrôler.

Le FMI et l’UE n’ont pas été avares comparativement au sort réservé à la Tunisie par exemple. L’Ukraine n’est pas un petit pays, c’est un grand pays très industrialisé notamment dans le domaine militaire par héritage de l’URSS.

Donc l’Otan s’est beaucoup investi et s’est retrouvé suffisamment mûr pour que le président ukrainien Volodymyr Zelensky tout d’un coup déclare : un, nous allons reconquérir la Crimée et deux, nous allons entrer dans l’Otan.

Ce qui était une déclaration de guerre en bonne et due forme par rapport à la Russie, et tout ça, à la veille d’une attaque dans le Donbass. D’où la réaction russe qui était de pénétrer en Ukraine, de ne pas s’attaquer au Donbass où étaient concentrées les troupes ukrainiennes, mais de contourner et d’établir une espèce de schéma de reconquête des territoires nécessaire à la défense de la grande Russie.

Ce conflit était-il voulu, et par qui ?

La guerre a été voulue par le système anglo-saxon. C’est une guerre contre la Russie, contre l’Allemagne et aussi contre la Chine. Parce que les trois puissances ascendantes aujourd’hui sont la Russie, qui a pris une avance dans la technologie militaire et qui est devenue un pays autarcique, c’est la Chine qui est devenue un pays industriel avec une croissance du PIB qui est de dix fois celle du PIB des États-Unis, et c’est l’Allemagne qui est un très gros pays industriel.

L’équation de cette guerre est assez simple et on connaît sa fin. C’est une guerre provoquée par les Anglo-Saxons, gagnée par la Chine et perdue par les Européens. La Russie est un pays européen, elle sera mi-perdante, mi-gagnante.

La Chine ne sera que gagnante, en termes commercial, en termes de monnaie puisque sa monnaie va devenir progressivement une monnaie de réserve. Et puis surtout elle observe la manière dont agissent les Occidentaux par rapport à ce qui est programmé, c’est-à-dire par rapport à la guerre de la mer de Chine.

La guerre a vite débordé sur un affrontement économique. Le recours par la Russie à l’imposition du rouble pour la vente de son gaz aux Européens sera-t-il efficace ?

Au jour d’aujourd’hui, la Russie, au lieu de se laisser piéger dans un conflit militaire, et au lieu de tomber dans le panneau de la guerre de l’énergie, c’est-à-dire par une réaction brutale par rapport au gaz et à la rupture de contrats, elle a réagi là où l’Occident se pensait incontournable et qui se révèle un point faible, qui est la monnaie, qui est la gestion de ces méga ressources financières d’une part, et la gestion de la monnaie de réserve, d’autre part.

La Russie exige d’être payée en rouble pour réagir au fait que l’Occident a détruit ce sur quoi il avait construit sa puissance. En tout cas, à partir de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident a construit sa puissance sur les accords de Bretton Woods qui ont mis l’or à la base des échanges, mais l’or c’est devenu du dollar. C’est 34 dollars l’once d’or. Sur cette base, toutes les monnaies sont fixées par rapport au pivot qu’est le dollar et non plus en poids d’or.

Cette puissance a donné aux Américains le privilège impérial qui était d’émettre la monnaie de réserve internationale. Il a suffi pour que l’empire devienne suffisamment puissant pour que, au moment où il a été un peu fragile sur le plan des équilibres, c’est-à-dire la fin des années 1960 et début des années 1970, pour détruire le lien de façon unilatérale entre l’or et le dollar.

Et personne ne pouvait remettre en cause le fait que les États-Unis décident unilatéralement de détruire ce lien. Un certain nombre de pays qui avaient compris que les États-Unis préparaient un sale coup, comme la France du général De Gaulle ou l’Allemagne d’Adenauer, avaient décidé de transformer en or une partie de leurs réserves en dollars.

Et puis les États-Unis ont totalement freiné et ont considéré comme inamical tous ceux qui n’avaient pas confiance dans le dollar. Donc, à partir du moment où les Américains ont décidé de nationaliser les biens d’États qui ont des dollars, ce qui est du vol caractérisé, comme ils l’ont fait pour l’Afghanistan, l’Iran, la Libye, en réalité ils ont détruit ce sur quoi ils avaient assis leur puissance, ce qui était le droit et la confiance.

Donc, les Russes ont réagi à cette rupture de contrat brutale. Au lieu de pratiquer le chantage à l’énergie, ils ont dit tout simplement que pour accéder à l’énergie, vous allez devoir payer en rouble.

Les Russes ont été très intelligents en fixant le prix du rouble en or de sorte que le prix d’équilibre du rouble soit celui d’avant la guerre de l’Ukraine, grosso modo 80 roubles pour un dollar.

La réalité de tout ça c’est que si vous êtes obligé d’acheter la matière première, l’agroalimentaire et les armes en rouble, des biens finis en yuan ou d’autres biens japonais en yen, donc le dollar n’est plus le point de passage obligatoire.

Les Saoudiens ont signé avec les États-Unis en 1973 un contrat d’exclusivité du dollar pour les transactions pétrolières contre un quadruplement du prix du pétrole.

Si aujourd’hui cette équation est cassée, si l’Arabie saoudite préfère se faire payer son pétrole en yuan par exemple, alors le dollar devient une monnaie presque banale et relative.

Et c’est un problème pour les Américains parce que quand vous avez trop de dollars, pour ne pas les rembourser, vous faites la guerre au monde entier, c’est la guerre mondiale.

Or, l’avancée technologique russe, y compris d’un petit pays comme la Corée du Nord, et bien sûr de la Chine dans les satellites, fait que la guerre mondiale n’est pas possible pour les Américains.

Ils comprennent qu’ils ne peuvent pas gagner cette guerre, donc il faut qu’ils trouvent un ajustement sur le plan économique. Pour le trouver, l’or s’imposant non pas comme la valeur refuge mais la valeur de passage pour la fixation du prix, il faut que le surplus de dollars soit absorbé par un autre prix de l’or.

Pour simplifier, il faudrait que l’or vaille 10 000 dollars l’once et non pas 2000 pour que les Américains fassent réévaluer leur stock d’or et donnent du sens à tous les dollars qu’ils ont émis dans le monde.

Mais ça signifie diviser la valeur du dollar par cinq ou par six. Donc si vous avez l’once d’or à 10 000 dollars, ça signifie que le PIB russe qui est extrêmement petit et dont tout le monde se moque, va devenir plus grand puisqu’il sera multiplié par cinq, par contre celui des États-Unis va être divisé par cinq. Donc c’est un problème difficilement soluble. On peut avoir des problèmes majeurs d’équilibres sociaux dans tous les pays occidentaux.

On peut considérer que bien au-delà de la fin de Bretton Woods, c’est l’ensemble de l’échafaudage post 1945 comme l’ONU qui devra être recomposé.

Les Anglais veulent gagner du temps en préconisant un nouveau rideau de fer et une guerre plus longue. Il reste que la question de l’Allemagne et du Japon demeure posée et déterminera les nouveaux équilibres.

On a pourtant longtemps présenté la menace d’exclusion de la Russie du système Swift comme une arme nucléaire qui va tout changer…

Le Swift était une arme nucléaire il y a 20, 30 ans, mais les Occidentaux, les Anglo-Saxons, en abusant des guerres hybrides, notamment au Moyen-Orient et depuis la chute de l’URSS et la disparition du pacte de Varsovie, en réalité, encore une fois ils ont détruit les bases sur lesquelles ils étaient assis.

Parce que notamment, en s’attaquant à l’Irak et à l’Iran qui sont des pays pétroliers, justement en leur interdisant le Swift, en menaçant certains pays de recourir à ces armes-là, qui sont les armes de l’universalité du droit américain, beaucoup de pays, beaucoup d’intelligences se sont consacrés à comment contourner ces mesures de pression américaines et il y a déjà eu plusieurs petits modèles de contre-Swift, ce qui fait qu’aujourd’hui on sait faire des payements internationaux sans le Swift.

Les Occidentaux, notamment les Européens, cherchent aussi à remplacer le gaz et le pétrole russes. Cela est-il possible ?

Il est impossible de remplacer à moyen terme, surtout le gaz, mais même le pétrole russe. Aujourd’hui, les Américains ont fait énormément d’achat de pétrole russe, pourtant le pétrole est plus facile à trouver que le gaz.

D’abord chaque pétrole a ses caractéristiques et les Américains et leurs raffineurs ont besoin de ce pétrole spécifique.

Cette opération est une arnaque contre l’Allemagne qui est dépendante du pétrole et du gaz russes parce que toutes ses raffineries et toute son économie sont approvisionnées par oléoducs directement de Russie. Ça ne se remplace pas du jour au lendemain.

Au bas mot, le déficit actuel est de 150 milliards de mètres cubes de gaz, et la demande ne fait que progresser. Les Américains, d’une certaine façon, arnaquent un petit peu l’Europe et surtout l’Espagne, -d’où la position actuelle de l’Espagne par rapport au Sahara occidental-, puisqu’ils veulent transformer l’Espagne, qui a beaucoup de capacités de regazéification de GNL, en hub pour le gaz américain.

Ils font miroiter aux Espagnols le fait de devenir une grande base militaire de l’Otan mais aussi de regazéification, pour tenir l’Europe par le sud en inversant et en changeant le mode de fonctionnement des gazoducs européens.

Mais ce ne sont pas des quantités colossales, c’est la surexploitation du gaz de schiste qui pose énormément de problèmes de pollution et qui d’une certaine façon affaiblit l’autonomie industrielle américaine.

Parce que, en surexploitant le gaz de schiste, les États-Unis vont devenir un pays qui va aller très vite vers la dépendance des importations. Dans cette guerre, le seul pays occidental qui s’en sort dans le court terme c’est les États-Unis parce qu’ils ont encore de l’énergie qu’ils exportent à prix très élevés. Aussi, ils ont une puissante industrie militaire et ils exportent massivement leur production militaire. Donc ils ne sont pas perdants à court terme.

Le non-alignement de l’Algérie est mis à l’épreuve par cette guerre et particulièrement par les pressions de l’Occident pour avoir plus de gaz. L’Algérie peut-elle maintenir sa neutralité ?

Pour donner du sens au retournement espagnol sur le Sahara occidental et à la nouvelle alliance avec le Maroc, il faut comprendre la nécessité pour les États-Unis de garder la mainmise sur la côte atlantique par rapport à l’installation supposée des Russes dans le Sahel. Peut-on rester neutres ?

L’Algérie est un pays qui s’est beaucoup affaibli stratégiquement depuis les années 1990. Sous le prétexte de la guerre contre l’islamisme, c’est un pays qui s’est déstructuré industriellement.

Ce qui a détruit l’industrie algérienne, ce n’est pas la restructuration organique des années 1980, mais la privatisation la plus injuste qui puisse exister et qui s’est opérée dans les années 1990 où la seule chose qui comptait c’était le démantèlement et la récupération du foncier. Il y a d’autre part, le désinvestissement dans le domaine agricole et dans la fabrication militaire.

Aujourd’hui, contrairement à la Russie ou à l’Iran, nous ne sommes pas un pays capable de faire face à un blocus international. Nous ne produisons pas ce que nous mangeons.

La Russie est un pays qui est autarcique, qui a les moyens de vivre, mais presque indéfiniment, sans le reste du monde, parce qu’elle produit de quoi manger, de quoi se vêtir et de quoi se défendre. C’est une très grande capacité de résilience que même la Chine n’a pas.

L’économie c’est la transformation de l’énergie avec de l’intelligence en produits industriels. Ce n’est pas le cas de l’Algérie, nous sommes un pays faible, doté de ressources énormes.

Nous avons hérité d’une tradition très positive du GPRA qui est celle du non-alignement, mais aussi d’une tradition d’intelligence si on la laisse s’exprimer. Ce qui fait qu’aujourd’hui, cette guerre est une opportunité pour nous.

Nous n’avons pas les moyens de briser la neutralité et de faire partie d’un clan, donc nous sommes dans le non-alignement. Nous avons une très forte coopération militaire avec les Russes qui est incontournable.

Nous sommes de toute façon un pays non-aligné. Nous avons intérêt à garder un lien assez fort avec les capacités militaires russes de la même façon qu’on a intérêt à garder des liens avec les capacités industrielles et commerciales chinoises, c’est une évidence.

Il y a beaucoup de sujets, mais prenons l’exemple de la Route nationale 1 (RN 1). C’est un héritage, en termes de fonctionnement régulier, de plus de 1000 ans. C’est la seule route au monde qui fonctionne depuis ce temps-là.

Or, dans le cadre du projet de la route de la Soie, cet axe est incontournable. Nous avons un intérêt à gérer cette porte d’entrée sur l’Afrique mais, encore une fois, nous ne devons pas être un lieu de passage, nous devons être un lieu de partage de la valeur, qui n’est pas la rente mais le travail, c’est la valeur ajoutée, c’est-à-dire combien je mets de quantité de travail algérien. Mais aussi en gérant cette route, combien on met de quantité de travail nigérien, malien, nigérian, etc.

Vous parlez de la Russie comme un pays qui peut vivre indéfiniment sans le reste du monde alors qu’en 2014, il était encore importateur net de blé. Pourquoi l’Algérie n’arrive-t-elle pas à être autosuffisante alors que des sommes colossales ont été investies dans l’agriculture depuis le début des années 2000 ?

Le démantèlement de l’ingénierie algérienne dans les années 1990, c’est ça. Nous avons mis en place une économie hyper rentière. Quand on distribue de l’argent, ce n’est jamais dans un objectif de production agricole ou industrielle, mais c’est dans un objectif de distribution de la rente en direction de clientèles politiques ou sociales.

On a bien vu que les sommes colossales dégagées pour l’agriculture ont donné lieu à des scandales. Au Sud, toute la région de Ghardaïa – El Ménéa, c’est parmi les plus belles terres au monde.

Ça a été distribué à coup de 5 000, 10 000 hectares non pas à des investisseurs mais à des rentiers qui attendent de vendre un jour leur droit à un Espagnol ou un Chinois.

Par contre, vous avez des gens qui veulent bien investir dans la mise en valeur, on leur donne 2 hectares par-ci, 3 hectares par-là, et les banques ne suivent pas. Ce n’est pas avec ça que l’on peut bâtir une politique agricole.

Nonobstant les considérations politiques, l’Algérie a-t-elle les moyens « physiques » de répondre à la demande supplémentaire européenne de gaz ?

Le sous-sol algérien est inexploré. On a découvert à Hassi Messaoud, à Hassi R’mel, à Hassi Berkine et il y a encore des découvertes à faire en Algérie. Et il y a beaucoup d’autres mines, l’énergie ce n’est pas que le pétrole et le gaz. L’Europe a besoin de gaz, mais elle a aussi besoin de beaucoup de métaux rares qui viennent de Russie.

On paye très très cher le désinvestissement des années 1990. Le désinvestissement ce n’est pas seulement jeter des machines, c’est aussi jeter des êtres humains.

Le désinvestissement dans la formation et le savoir-faire, la mauvaise politique d’arabisation, l’exfiltration des cadres algériens, c’est tout ça qu’on paye aujourd’hui.

Pour bien exploiter le sous-sol, il vous faut des géologues, des foreurs, etc. C’est tous ces gens-là qu’on a mis à la porte et qui profitent aujourd’hui aux pays du Moyen-Orient ou à l’Europe. On a parlé dernièrement du scandale des médecins, mais c’est valable pour tous les secteurs.

En pleine tension sur le gaz, l’Algérie s’est rapprochée de l’Italie, au détriment de l’Espagne, son autre grand client européen. C’est une bonne idée ?

La géographie est là, nous ne pouvons pas changer nos voisins. Il faut qu’on définisse notre rapport à la France, est-ce qu’on peut rester encore à l’ombre d’une politique française qui, elle, n’arrive pas à sortir de l’économie rentière néocoloniale et définir un pacte régional intelligent où il y a de la place pour nos pays pour exister industriellement et sur le plan agricole.

Il y a l’Espagne qui n’est pas un pays mature et on a bien vu dans ses dernières positions qu’on ne peut pas investir à long terme avec elle. Il reste l’Italie. C’est un pays dont l’industrie est solide et qui a beaucoup à nous apporter dans l’indépendance industrielle et la capacité de bien exploiter nos ressources naturelles.

Nous l’avons déjà testé pendant la guerre de Libération avec Enrico Mattei et nous avons aujourd’hui l’occasion de trouver une forme de mariage moderne entre l’Italie et l’Algérie.

Dans les moments durs, l’Italie a toujours été là, même dans les années intenses de guerre civile avec les islamistes, ils ont eu une attitude intelligente, comme toujours.

Donc je dirai que c’est le moment de définir une politique industrielle mixte avec l’Italie. Non pas d’échanger du pétrole et du gaz contre quelques industries, mais carrément imbriquer un peu plus les deux pays, jusqu’à échanger des actions entre Sonatrach et ENI.

Il faut imbriquer davantage les intérêts des deux pays jusqu’à ce que ça soit une interdépendance. La question n’est pas de profiter de l’occasion pour gagner beaucoup d’argent, parce qu’on a déjà gagné beaucoup d’argent dans les années 2000 et on en n’a rien fait.

Nous sommes un pays de rentiers, or la rente ça donne toujours de la corruption et la corruption donne toujours de la trahison. Donc si on veut que cet argent serve à quelque chose, il faut travailler sur des filières et des partages non pas de rente, mais de valeurs sur des filières et une matrice interindustrielle.

C’est-à-dire s’asseoir avec les Italiens et leur dire : vous voulez plus de gaz et devenir le hub du gaz algérien en Europe, on est d’accord mais il faut qu’on partage la valeur sur l’ensemble de la chaîne de transformation.

La valeur c’est la création de valeur industrielle dans tous les domaines. On commence par ENI-Sonatrach et on le fait sur tous les créneaux qui soient beaucoup plus rentables pour les deux pays.