L’absence de volonté politique pointée du doigt : Recul de la présence des femmes dans les Assemblées élues

Nabila Amir, El Watan, 9 mars 2022

La présence de la femme dans la politique, notamment dans les hautes sphères de l’Etat et les institutions élues, connaît une régression significative dans notre pays.

Ce recul est confirmé par les derniers résultats des élections législatives, locales et sénatoriales. Seulement quatre femmes ont pu siéger à la Chambre haute du Parlement à l’issue des élections pour le renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation. Et seulement 34 femmes ont pu décrocher un siège à l’hémicycle Zighout Youcef. La femme était aussi beaucoup moins présente dans les assemblées locales issues des élections anticipées du 27 novembre dernier.

La représentation féminine dans les hautes sphères de l’Etat est également très maigre, puisqu’elles ne sont que quatre femmes dans un gouvernement composé de plus de 30 hommes. En somme, elles ne sont que 11% dans les postes de décision. «La révolution féminine» promise par nos dirigeants n’a pas eu lieu dans cette Algérie qui, pourtant en 2012, trônait au sommet du classement des pays arabes en matière de représentation féminine dans les Parlements nationaux. Aujourd’hui, la représentation des femmes au sein du Parlement dans ses deux Chambres a enregistré un recul jamais connu auparavant.

Unanimement, les femmes expliquent ce recul par l’absence de volonté politique. Fetta Sadat, avocate et ancienne députée, estime que le recul de la représentativité de la femme en politique relève de deux paramètres. Le premier est l’absence réelle d’une volonté politique qui donne à la femme la place qui lui revient de droit. L’autre paramètre, selon Fetta Sadat, porte sur le statut juridique basé sur l’inégalité homme-femme. «Pour que la femme bénéficie réellement d’une citoyenneté effective, il ne faut pas qu’elle soit soumise à un statut inégalitaire.

Le code de la famille maintient la femme mineure à vie», déplore l’ex-députée. Mme Sadat pense que pour que la femme puisse accéder aux postes de responsabilité à tous les niveaux, il faut une réforme globale et multidimensionnelle. «La femme a toujours joué un rôle actif, malheureusement, elle continue de souffrir de discrimination en tant que femme et élément important dans la société. Il y a un déphasage terrible entre les principes énoncés dans la Constitution et la réalité du terrain», résume l’avocate.

Mme Nadia Aït Zaï, également avocate, partage cet avis et précise que dans la Constitution de 2020, l’article qui stipule que l’Etat est dans l’obligation d’améliorer la présence des femmes dans les instances locales et nationales a été maintenu, sauf que l’introduction du principe de la parité pose problème : «La Constitution de 2020 a gardé l’article qui a donné naissance à la loi de 2012 sur le système des quotas, mais en 2020 avec la loi électorale le pouvoir a introduit la parité dans les listes des candidatures.

Autant la loi de 2012 conforme à l’article constitutionnel assurerait un résultat en nombre de femmes, soit 30% de femmes élues , autant la loi organique électorale qui assure la parité dans les listes électorales ne garantit pas le résultat, en plus elle abroge la loi de 2012, alors que l’article constitutionnel qui parle d’une meilleure représentativité de la femme est toujours valide», observe Mme Ait Zai qui dit n’être pas contre la parité qui reste toutefois l’ultime but. De son avis, la construction de la parité passe d’abord par la construction de l’égalité à travers des mesures temporaires : «Je pense que dans la loi électorale, on aurait dû faire un effort pour la construction de cette parité et ne pas abroger la loi de 2012. A mon sens, il faut corriger cette situation et revenir au système des quotas pour arriver à la parité», affirme notre interlocutrice.

Unanimement, les militantes et femmes de loi estiment que le problème d’accès au poste de responsabilité est politique. «S’il y avait une volonté politique de faire en sorte que les femmes soient visibles, les responsables politiques auraient choisi les femmes aux postes clés. Pour les postes de ministre, cela reste à l’appréciation du Président», précise Mme Aït Zaï.

Le recul de la femme dans le politique est un constat visible, établi par la majorité des femmes activant dans le domaine politique. «Les chiffres parlent d’eux-mêmes Nous ne faisons que confirmer ce fait», affirme Mme Aït Zaï.