2021, une année noire pour les harraga: Plus de 400 Algériens disparus en mer
Liberté, 13 février 2022
Si des centaines de jeunes parviennent à gagner les côtes espagnoles, des dizaines d’autres, en revanche, n’ont pas donné signe de vie. Au moins 413 Algériens ont disparu en 2021, selon l’organisme espagnol CIPIMD.
Selon cette organisation non gouvernementale espagnole, 51 embarcations ont chaviré durant l’année 2021. À leur bord se trouvaient 487 personnes, dont 413 Algériens qui représentent “plus de 90%” des disparus recensés en Espagne, selon Marie-Ange Colsa Erreira, présidente du CIPIMD, contactée hier par Liberté. Il s’agit, selon la militante, d’une hausse très importante comparativement à l’année 2020 où 291 personnes avaient disparu avec 27 embarcations. Selon les premières indications, l’année en cours sera vraisemblablement plus grave puisque rien que durant le mois de janvier, “7 à 8 embarcations disparues” ont déjà été signalées, ajoute la présidente du Cepimid. C’est d’ailleurs cela qui retarde le recensement des personnes disparues en 2021, une opération qui consiste à définir le nombre de victimes identifiées et remises à leurs familles et d’autres qui n’ont jamais été retrouvées. “L’identification des corps se poursuit”, a-t-elle ajouté.
Pendant ce temps, des dizaines de familles restent sans nouvelles de leurs enfants partis en Europe. “Certains se consolent avec l’idée selon laquelle leurs enfants sont entre les mains des autorités marocaines ou tunisiennes”, indique Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (Laddh) qui a recensé des signalements de plusieurs familles de disparus, originaires notamment de la wilaya de Béjaïa. “Il est donc impossible, en l’état, de savoir ce qu’il est advenu des jeunes qui n’ont pas donné signe de vie, surtout que les autorités algériennes ne donnent aucun chiffre sur le phénomène”, regrette-t-il.
Pour d’autres familles, l’espoir de retrouver leurs enfants vivants s’est évaporé. “Nous avons pu rapatrier quatre corps de jeunes de la région de Seddouk (Béjaïa) en novembre dernier”, indique Saïd Salhi, qui décrit des conditions d’identification et de rapatriement “compliquées”. “Certains corps sont en décomposition avancée. Il est donc difficile, voire impossible de les identifier de visu. Pour cela, il faut des tests ADN. Mais cela risque de prendre énormément de temps, parce que seules les autorités judiciaires peuvent faire cela”, explique encore le militant, qui témoigne que certains corps ont pu être identifiés grâce à des objets qu’ils portaient ou à leurs vêtements.
Du côté des autorités, aucune communication n’a été faite sur le sujet. Les services de sécurité se contentent d’évoquer des coups de filet parmi les réseaux de passeurs ou les candidats à l’émigration clandestine. Pendant ce temps, les autorités espagnoles ont annoncé qu’au moins 10 000 Algériens ont pu atteindre les frontières méridionales de la presqu’île ibérique. Ils s’ajoutent aux centaines d’autres Algériens qui ont rejoint les frontières sud de l’Italie.
Ali Boukhlef
Emigration clandestine: De plus en plus d’étrangers parmi les harraga
De plus en plus d’étrangers tentent de rejoindre l’Espagne en embarquant depuis les côtes algériennes. Si le constat n’est pas nouveau, la tendance est à la hausse ces derniers mois. Pour autant, si les embarcations transportaient des étrangers parmi les harraga algériens, il n’est plus rare de retrouver des bateaux avec à leur bord uniquement des non-nationaux. Ainsi, ces dernières 72 heures, un navire du sauvetage maritime de Malaga a secouru une patère transportant sept Marocains qui avaient pris le départ depuis Boumerdès. Ils ont été transférés en bonne santé au port de la ville du sud de l’Espagne.
Par ailleurs, la garde civile de San José, dans la province d’Almeria, a intercepté 12 harraga, 6 Algériens et autant de Syriens, transportés vers le port de la ville andalouse. Leurs homologues de Carboneras, une autre localité de la province d’Almeria, ont secouru une embarcation transportant 13 personnes, dont 7 Syriens. Pour rappel, durant les premiers jours de cette année, plus de 370 migrants avaient été interceptés par les gardes-côtes espagnols ou secourus par les services maritimes des provinces côtières dont la majorité est de nationalité algérienne. Parmi eux, on compte 22 femmes, 10 enfants, 1 Syrien, 7 Subsahariens et 1 Marocain. Hormis les Marocains et les Syriens, des ressortissants subsahariens sont également candidats aux traversées clandestines en direction des côtes espagnoles.
En outre, la météo clémente de cette dernière semaine a favorisé les départs, particulièrement depuis des plages de l’ouest du pays. En effet, selon Francisco José Clemente Martin, du Centre international pour l’identification de migrants disparus (CIPIMD), plus de 200 personnes, dont des femmes et des enfants, ont débarqué vendredi dernier entre Almeria, Murcie et les îles Baléares. Dans le détail, le service maritime de la garde civile de Carthagène a secouru 44 hommes, tous de nationalité algérienne, arrivés en bonne santé. De son côté, la garde civile d’Almeria a transféré les huit passagers d’une patère, dont une femme et quatre enfants.
Des soins médicaux ont été prodigués aux harraga, notamment les enfants qui souffraient d’hypothermie légère. Un navire du sauvetage maritime d’Almeria a secouru un bateau à la dérive, à 8 milles de San José, transportant 20 Algériens, dont une femme. Un peu plus tôt, ce fut au tour de 6 harraga d’être transférés au même port par la garde civile de San José. La garde civile de Formentera, dans les îles Baléares, a secouru de son côté 8 Algériens portés disparus. Ils étaient partis d’Alger à bord d’un bateau muni d’un moteur de 115 CV. Ils ont été débarqués en bonne santé.
SAÏD OUSSAD