Marché des changes: La révolution de la Banque d’Algérie

A. Maktour, Le Soir d’Algérie, 13 février 2022

C’est un fait indéniable : l’Algérie ne peut plus se permettre de maintenir une réglementation aussi intransigeante, si peu encourageante pour les opérateurs économiques, notamment sur la question des devises. Mais, depuis le début de cette année, des notes de la Banque d’Algérie (BA) sont venues alléger cette étouffante réglementation avec comme objectif, d’abord, un début de libération, certes timide, du marché interbancaire des changes, puis alléger le fonctionnement des comptes devises des opérateurs économiques.
Dans une instruction datée du 26 janvier dernier, la BA a fait sauter un premier verrou en permettant désormais aux banques de vendre des devises aux entreprises, en autorisant ces banques à ouvrir des comptes de trésorerie en devises sur les livres de la BA. Cette note de la BA stipule que «ces comptes seront dédiés au traitement des opérations de trésorerie devise, conclues entre banques, pour leur compte ou pour le compte de leur clientèle, et sont soumis aux mêmes règles de fonctionnement et d’habilitation que celles régissant le compte trésorerie dinar». Une «concession» qui permet aux entreprises en question de couvrir leurs transactions avec leurs partenaires à l’étranger. Serait-ce alors un premier pas vers la libéralisation du marché des changes en Algérie ? Selon le directeur d’une succursale d’une banque étrangère installée en Algérie, cette démarche consistant à permettre aux banques d’ouvrir des comptes dédiés au traitement des opérations de trésorerie devise conclues entre banques pour leur compte ou pour le compte de leur clientèle parmi les entreprises, peut être considérée effectivement comme un pas en vue de la libéralisation du marché des changes en Algérie. «Sauf que l’état actuel des réserves de change du pays, entre autres exigences, pourrait constituer un écueil ; la libéralisation du marché des changes nécessite en effet des fonds importants», souligne le banquier. Quoi qu’il en soit, la permission accordée aux banques d’ouvrir des comptes de trésorerie en devises sur les livres de la BA est à considérer comme un «vrai motif de soulagement» pour les entreprises les plus actives notamment avec l’étranger.
Dans une seconde note, datée du 31 janvier, la Banque d’Algérie annonce la modification des modalités de fonctionnement des opérations de virements interbancaires sur comptes devises. Ainsi, ces modalités de fonctionnement des opérations de virements interbancaires sur comptes devises, qui se déroulaient habituellement en chambre de compensation au niveau de la Banque d’Algérie, seront désormais exécutées «de façon délocalisée». Dorénavant, les banques intermédiaires agréées «sont tenues de transmettre leurs ordres de virement à la Banque d’Algérie via des messages Swift sous format MT202 par lesquels une banque ordonnatrice demande de payer à partir de son compte libellé en monnaie citée, une banque bénéficiaire». La Banque d’Algérie, précise la note, prend en charge la transcription au débit et au crédit des montants sur les comptes devises clientèles des banques concernées conformément aux ordres de paiements émis. «Ces virements interbancaires se déroulent quotidiennement de façon continue. Toutefois, les banques sont appelées à transmettre un seul ordre de virement (Swift) par banque et par devise», est-il précisé dans la note.
Plus récemment, à travers une note datée du 7 février courant, la BA a annoncé la fixation des modalités d’ouverture et de fonctionnement des comptes de trésorerie devise de banques intermédiaires agréées, ouverts sur les livres de la Banque d’Algérie. Il est dit dans cette note que «les banques intermédiaires agréées peuvent ouvrir des comptes de trésorerie en devises sur les livres de la Banque d’Algérie. À cet effet, elles doivent adresser à la direction de traitement des opérations de marchés une demande écrite dans laquelle seront indiquées les monnaies». Les comptes de trésorerie devise sont alimentés par des virements provenant des comptes devises clientèles ou fonds propres de la banque concernée ainsi que des comptes de trésorerie devises d’une autre banque de droit algérien et vice versa, explique la BA, se basant sur les articles 4, 9 et 11 du règlement relatif au marché interbancaire des changes, des opérations de trésorerie devises et aux instruments de couverture du risque de change. Les banques sont également tenues de «déclarer leurs transactions via des messages Swift sous format (MT199) et qui doivent comprendre les numéros de comptes à mouvementer, le montant et la devise en chiffres et en lettres, l’objet et la nature de l’opération, le nom de la banque bénéficiaire si le cas se présente», stipule la BA qui précise, par ailleurs, que la gestion financière des opérations sur les comptes de trésorerie devises est du ressort des banques alors que «la Banque d’Algérie se réserve le droit de demander toutes informations complémentaires afférentes à ces opérations».
Azedine Maktour