Israël membre observateur : comment Moussa Faki a failli mener l’UA à l’implosion
Soraya Amiri, TSA, 11 Février 2022
Le sommet de l’Union africaine (UA) a gelé, dimanche 6 février, la décision d’attribuer le statut d’observateur a Israël au sein de l’organisation panafricaine.
Le Sommet de l’UA a ainsi désavoué le président de la Commission africaine Moussa Faki Mahamat qui a décidé en juillet dernier d’attribuer a Israël ce statut sans consulter les Etats membres. Une décision qui a failli mener l’UA à l’implosion.
M. Faki a pris une décision unilatérale qui a entraîné la création de deux camps opposés parmi les 55 États membres.
En octobre dernier, le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra avait mis en garde contre une « cassure irréparable » de l’UA si le statut d’Israël est maintenu. Il a vu juste.
Lors du sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba qui s’est déroulé les 5 et 6 février derniers, les divisions ont clairement éclaté.
La présence d’Israël gêne profondément plusieurs États membres de l’UA, en raison de la politique de répression israélienne contre le peuple palestinien qui vit un véritable appartheid.
Par solidarité aux Palestiniens, il est impensable pour certains pays africains dont l’Algérie d’accepter ce statut que Faki a octroyé à Israël.
L’Algérie, premier pays à refuser la présence d’Israël
Parmi les contestataires, l’Algérie fait office de figure de proue. Elle est également soutenue par le Sénégal, le Cameroun, le Congo, le Nigeria, le Rwanda.
L’Afrique du sud fait également partie de la fronde, avec l’Algérie, elle a demandé à inscrire le sujet à l’ordre du jour lors du sommet d’Addis-Abeba. Au total, ce sont 24 pays qui ont manifesté publiquement leur refus de voir Israël intégrer l’organisation en tant qu’observateur.
Clayson Monyela, chef de la diplomatie au sein du Département des Relations et de la Coopération internationale sud-africain a publié une tribune dans plusieurs médias africains pour démontrer que la décision de Moussa Faki Mahamat est hors propos et dépasse ses fonctions de président de la commission de l’UA.
« Israël a été décrit par de nombreuses décisions et résolutions de l’OUA/UA comme une force d’occupation de la Palestine et donc viole le principe d’interdiction du recours à la force mentionné dans l’Acte constitutif et les conventions internationales. Cela aurait dû être suffisant au président pour rejeter cette demande », rappelle Clayson Moneyla.
Le diplomate sud-africain appelle le président de la Commission africaine à « montrer l’exemple et rassurer les États membres sur le fait qu’il prend très au sérieux le serment qu’il a prêté devant les chefs d’État et de gouvernement. Et qu’il assurera toujours un consensus dans la prise de décision sur des questions importantes pour l’UA, son image et sa crédibilité sur la scène mondiale. »
Des pays africains assument leur désir de lien avec Israël
En face, certains membres de l’UA soutiennent la place d’Israël en tant qu’observateur. 45 pays africains entretiennent des relations diplomatiques avec Israël.
En 2020, le Soudan, ou encore le Maroc ont pris les devants en normalisant leurs relations avec Israël, après des années de tensions.
En face, Israël s’est lancé dans une opération séduction de l’Afrique de l’est et opère une stratégie de rapprochement avec des pays tels que l’Ethiopie avec qui elle a des liens historiques. La diplomatie israélienne est bien décidée à s’introduire en Afrique.
Une décision qui n’entre pas dans le règlement de l’Union Africaine
Toutefois l’octroi du statut de membre observateur à Israël est contestable. En réalité, la proposition d’intégrer Israël aurait dû être soumise à tous les pays adhérents de l’organisation africaine avant d’être entérinée. Le président de la commission de l’UA a rendu publique sa décision par le biais d’un communiqué, sans même consulter en amont les 55 pays de l’Union Africaine. Ils ont seulement été informés mais pas sollicités.
Pour expliquer sa volonté, Moussa Faki Mahamat, a averti que plus de deux tiers des membres de l’UA ont recommandé d’améliorer les relations avec Israël et donc de lui donner le statut de membre observateur, au même titre que la Palestine.
Certes certains pays de l’UA sont favorables pour qu’Israël devienne membre observateur.
En face seulement 24 pays s’y opposent, mais ce ne sont pas n’importe lesquels. L’Algérie, l’Afrique du Sud, le Rwanda ou encore le Nigeria qui révoquent cette décision, ont un impact énorme sur le continent africain, sur le plan politique, sécuritaire et économique.
Pour éviter une escalade des tensions, l’UA a préféré suspendre le débat sur le statut d’Israël et a annulé le vote sur son maintien ou non de membre observateur.
Il a été décidé qu’un comité mis en place pour statuer sur cette décision devra se charger d’étudier ce dossier. Il rendra ses conclusions au prochain sommet de l’Union Africaine.
La problématique a seulement été repoussée mais pas traitée. Elle pourrait revenir comme un boomerang lors du prochain sommet de l’Union Africaine qui aura lieu en 2023. C’est dire la portée de la décision de Moussa Faki sur la cohésion et l’unité de l’Union africaine.