Hommage à Hocine Aït Ahmed, six ans après sa disparition
Boubekeur Ait Benali, 25 décembre 2021
La célébration de la disparition de Hocine Aït Ahmed devrait dépasser le cadre partisan. Car, toutes ses actions étaient dirigées dans le seul intérêt de l’Algérie. Cet engagement a commencé en novembre 1942 quand le débarquement des alliés a été perçu par de nombreux Algériens comme une chance de se libérer du joug colonial. Véritable organisateur, il a vite gravé les échelons au sein du parti du peuple algérien, le PPA. Sans le contrordre de la direction, Hocine Aït Ahmed et ses camarades auraient lancé l’insurrection le 22 mai 1945.
Peu à peu, ce courant radical s’est imposé en 1947. Ainsi, en contrepartie de laisser Messali participer aux élections de novembre 1946, les radicaux, à leur tête Hocine Aït Ahmed, ont réussi à imposer un congrès national. Tenu en février 1947, ce congrès a adopté le principe de la préparation de la lutte armée. Ce fut la création de l’OS (organisation spéciale), présidée par Mohamed Belouizdad. Ce dernier a choisi Hocine Aït Ahmed comme son adjoint. La disparition précoce du chef de l’OS n’a pas chamboulé l’organisation puisque ce fut l’adjoint qui a succédé au président. En décembre 1948, l’OS était prête à passer à l’action. En effet, lors du conseil national élargi du parti, tenu à Zeddine, Hocine Aït Ahmed a présenté un rapport détaillé sur le passage à l’action. Hélas, la direction a inventé une crise en 1949 où les radicaux furent chassés du parti.
Toutefois, bien que les membres de l’OS soient éparpillés –certains pourchassés par les autorités coloniales suite à la découverte de l’OS, d’autres exclus par le parti –, ce sont eux qui ont donné naissance au FLN historique. Membre fondateur du FLN, Hocine Aït Ahmed a joué un rôle capital au sein de la délégation extérieure. Son dernier acte avant leur arrestation le 22 octobre 1956 fut le soutien aux résolutions du congrès de la Soummam, alors que les trois autres historiques de la même délégation –Khider, Boudiaf et Ben Bella –étaient contre.
A l’indépendance, il était l’un des rares à soutenir en 1962 la mise en sourdine de toutes les institutions provisoires permettant ainsi au peuple algérien de choisir lui-même ses futures institutions. Hélas, les dés étaient jetés bien avant le cessez-le-feu. Un groupe d’officiers, installé aux frontières, à sa tête Houari Boumediene, a tout décidé à la place des Algériens. Sans trop s’attarder sur cette période, on peut résumer ce règne en une phrase : la victoire du pouvoir personnel.
Du coup, pour que les opposants aient le droit à la parole, il a fallu attendre 1988, soit 26 ans après l’indépendance du pays. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Hocine Aït Ahmed s’est jeté corps et âme dans cette bataille pour la consolidation de la pratique démocratique dans le pays. Fidèle au serment de novembre 1954, il s’est démarqué de la dictature régnante et de la mouvance théocratique. Pour lui, de 1954 à 1962, les Algériens ne s’étaient pas battus ni pour la dictature ni pour un État théocratique.
Cela dit, si l’un des systèmes était choisi librement par les Algériens, il se soumettrait à cette volonté. En constatant que les élections du 12 juin 1990 et celles du 26 décembre 1991 ont permis un libre choix, Hocine Aït Ahmed s’est opposé à l’interruption du processus démocratique. Car, au-delà de l’interruption du second tour des élections législatives, c’est le processus démocratique qui était visé. A-vrai-dire, les conservateurs et les caciques du régime ont accepté l’ouverture démocratique du bout des lèvres. En tout cas, ils étaient mis devant le fait accompli par les réformateurs.
En tout cas, tout le monde sait aujourd’hui que ce n’est ni la démocratie ni l’avenir du pays qui intéressaient les auteurs du coup d’État. En maintenant un même système vicié, toutes les dérives étaient alors permises. N’est-ce pas les mêmes auteurs du coup d’État qui ont cédé les rênes du pouvoir à Bouteflika en 1999 ? Pour rappel, Hocine Aït Ahmed était candidat à cette élection. En constatant le parti pris de l’administration en faveur du candidat du régime, il s’est retiré de la course, en compagnie de cinq autres candidats, la veille du scrutin.
Enfin, il est évident que toutes les alertes émises par Hocine Aït Ahmed étaient fondées. En 20 ans de règne de Bouteflika, le régime a dilapidé plus de 1000M$, hypothéquant ainsi l’avenir du pays. Bien entendu, il n’aurait pas été content du constat : il tirait les sonnettes d’alarme pour que le pays ne sombre pas. Donc, une telle situation ne l’aurait pas réjoui. En revanche, il aurait été, sans doute, fier des millions d’Algériens qui, durant plus de deux ans, manifestaient pacifiquement. Homme de projet, il aurait sans doute essayé de canaliser cette contestation. Malheureusement, ces têtes d’affiche n’existent plus désormais en Algérie. Donc, s’il y a un regret à émettre, c’est qu’une telle contestation ne s’est pas produite lorsque des hommes de valeur étaient en vie.