Les réformes structurelles peinent à être engagées: Une année de cafouillage économique

Liberté, 22 décembre 2021

L’automobile qui peine à démarrer, entre désordres en cascade dans la gestion du commerce extérieur, blocages persistants de l’investissement public et privé, inflation galopante et la pieuvre bureaucratique. Ce sont là quelques indicateurs d’une année économique en petite forme. Les effets de la grande conférence de la relance de juin dernier, censée sonner la fin de la crise et donner un nouveau souffle à l’appareil productif national, ne se font pas encore ressentir dans le réel. De l’avis de nombreux experts et acteurs, le plan Djerrad a été un flop. Les raisons structurelles de la crise de l’économie algérienne sont toujours en vigueur.

Si la crise sanitaire est venue rappeler à qui veut l’entendre la faible résilience de l’économie algérienne aux chocs externes, la reprise des cours pétroliers dès le début de l’année en cours, au fur et à mesure que la fièvre pandémique s’estompait, a permis au gouvernement d’envisager des fenêtres thérapeutiques budgétaires pour répondre aux tensions provoquées par la pandémie.

À ce stade, l’année 2021 aura été consacrée au pansement des plaies sociales de la Covid-19. De ce fait, le big bang des réformes annoncées tout au long de l’année 2020 n’a pas eu lieu.

Preuve en est qu’une année après la fameuse Conférence nationale sur le plan de relance, laquelle devait servir de tremplin au lancement des grands chantiers de réforme, l’Exécutif est revenu plaider la même ligne de conduite dans son plan d’action, validé en septembre dernier par les deux Chambres du Parlement.

Qu’il s’agisse de la réforme du secteur public marchand, de l’ouverture du capital des banques, de la révision du cadre juridique régissant l’investissement ou encore de la redynamisation du marché financier et obligataire, ces projets annoncés tambour battant tout au long des travaux de ladite conférence se retrouvent, en effet, une année après, au centre des débats autour du plan d’action du gouvernement.

La privatisation partielle des banques publiques via le marché boursier, annoncée pour 2021 par le ministre des Finances, a été finalement ajournée pour l’an prochain.

Tout comme le projet d’introduire certaines entreprises publiques en Bourse, lui aussi remis à plus tard pour des raisons jusqu’ici inexpliquées, malgré la finalisation des opérations d’audit par groupes et par filiales annoncée en janvier dernier par l’ex-ministre de l’Industrie Ferhat Aït Ali.

La proposition d’entamer le rabotage des subventions dès le second semestre de 2021 ne serait probablement concrétisée qu’au courant 2022 après que la réflexion a été confiée à une commission multidisciplinaire, dont les membres, les institutions et les organismes y siégeant ne sont pas encore désignés.

Curieusement, le gouvernement, qui a souligné au crayon feutre l’impératif de remplacer le dispositif des subventions par un système de transfert monétaire au profit des démunis dans son projet de budget 2022, n’est pas allé au bout de sa logique, puisque les contours de cette réforme n’étaient pas encore définis.

Quant à la décision de revoir les dispositifs réglementaires encadrant l’investissement avec, comme pierre d’achoppement, la bureaucratie, là encore devant l’attente des investisseurs résidents et étrangers, la réforme, déposée au secrétariat du gouvernement, selon le ministre de l’Industrie, s’exprimant lors d’une conférence dédiée à la Journée nationale de la normalisation, “attend les dernières retouches” avant son examen.

Pour ainsi dire, les avancées sur nombre de chantiers n’étaient que mineures, mais elles ne remettaient aucunement en cause le besoin de réformes et d’ajustements budgétaires de fond nécessaires, de surcroît, pour rétablir durablement les comptes publics.

Et ce, alors même que les déficits semblent se réduire sous l’effet de la bonne rentabilité du baril de Brent sur le marché mondial. Clairement, les bonnes intentions du gouvernement pour 2021 ont buté sur l’impératif de panser les plaies sociales de la Covid, lequel nécessite un retour de la croissance et de l’investissement budgétaire, de nature à redynamiser l’emploi et les filières affaiblies par la pandémie.

Il serait maladroit d’entamer le rabotage des subventions dans un contexte pandémique nécessitant la contribution budgétaire de l’État. Mais il est tout aussi paradoxal de retarder encore la réforme d’un secteur public marchand dans un contexte de tensions financières, alors que la révision du cadre législatif de l’investissement s’annonce plus que jamais urgente pour qu’elle puisse participer pleinement au retour de la croissance.

Cela dit, les experts du Cnese, tout prudents qu’ils sont, ne se privent pas d’alerter le gouvernement quant aux retards accusés sur certains chantiers de réforme. L’une de ses préoccupations, récemment évoquée, est qu’un tiers seulement des actions de court terme inscrites dans les recommandations de la Conférence nationale sur le plan de relance était réalisé, une année après.

L’année 2021 aura ainsi été, en définitive, une période de thérapie post-pandémique et de report de certaines grandes réformes annoncées en 2020.

Ali TITOUCHE