2021 s’achève sans bouleverser les grands équilibres: Une année en clair-obscur

Liberté, 19 décembre 2021

Censées consolider “l’édification institutionnelle” et redynamiser la vie politique nationale, les élections législatives et locales de 2021 ont été, au contraire , l’occasion de mesurer l’étendue de la désaffection qu’éprouvent les Algériens envers la chose politique.

L’année 2021 qui tire à sa fin n’a pas été l’année des événements marquants de la vie nationale politique du pays. Amorphe et sans perspectives, cette dernière ne fait que confirmer la tendance paralysante qui s’étend à tous les espaces d’expression politique : partis, institutions ou encore associations de la société civile.

En dépit de l’organisation de deux échéances électorales (législatives de juin 2021 et locales du 27 novembre de la même année), la vie politique nationale reste comme inerte, immobile, n’entraînant aucune dynamique pourtant indispensable à l’exercice démocratique.

Censés consolider “l’édification institutionnelle” et consacrer les bases de “l’Algérie nouvelle”, ces deux rendez-vous électoraux ont été, au contraire, l’occasion de mesurer l’étendue de la désaffection qu’éprouvent les Algériens envers la chose politique. Et dans ce cas d’espèce, les législatives de juin 2021 ne sont qu’une preuve édifiante du fossé abyssal qui sépare aujourd’hui les électeurs de leurs représentants.

Jamais, en effet, l’urne n’a été boudée aussi massivement que lors de ce scrutin, marqué par un taux d’abstention historiquement élevé : seulement 23,02% des électeurs se sont rendus aux urnes, contre 35,37% en 2017 et 43,14% en 2012. Un autre exemple, plus récent, vient confirmer cette réalité.

Le 27 novembre dernier, les Algériens ont, une nouvelle fois, été appelés aux urnes pour élire leurs représentants locaux. Ce rendez-vous, qui, habituellement, attire un nombre de votants plus ou moins acceptable, n’a pas fait exception des autres scrutins organisés depuis la chute de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika et marqués par un profond désintérêt de la population vis-à-vis de la chose politique.

Quelque 35% seulement des électeurs ont voté pour désigner leurs maires lors de ce troisième scrutin du mandat Tebboune. Si ce taux de participation est supérieur à celui des législatives, il est, cependant, loin d’apporter une quelconque dynamique susceptible de donner de la vitalité politique dans un pays fortement grippé.

Répression

D’élection en élection, le divorce de la population d’avec l’urne ne fait que se confirmer dangereusement. Parce que ce déclin est en réalité révélateur d’une crise de confiance profonde et persistante.

Autant les Algériens ne font plus confiance aux dirigeants qui incarnent un “système” moribond et incapable d’imaginer un projet commun et moderne, répondant aux attentes des populations, autant les partis politiques, aux yeux de la population, peinent à constituer une alternative viable, capable d’attirer l’adhésion des Algériens.

Et quand certains partis politiques tentent de sortir de cette logique mortifère, ils sont alors combattus, harcelés ou tout simplement menacés d’interdiction. De nombreux partis – comme l’Union pour le changement et le progrès (UCP) dirigé par Zoubida Assoul – risquent la dissolution.

En avril dernier, le ministère de l’Intérieur a, en effet, engagé une procédure de dissolution à peine voilée contre ce parti sous prétexte que ses “activités sont non conformes à la législation en vigueur”. Si l’UCP continue, en dépit de ces menaces, d’exercer ses activités, l’épée de Damoclès reste, cependant, suspendue au-dessus de sa tête.

Tout comme c’est le cas avec le Parti socialiste des travailleurs (PST), également menacé de dissolution et de poursuites judiciaires au motif que cette formation, comme l’UCP, ne s’est pas conformée aux lois régissant les partis politiques. Des attaques qui s’apparentent, en définitive, à une campagne de criminalisation de l’action politique, mais pas seulement.

Les associations autonomes de la société civile sont harcelées ou, tout simplement, dissoutes. L’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) est, de ce point de vue, un exemple édifiant. Cette organisation autonome de la société civile a été dissoute le 13 octobre par le tribunal administratif d’Alger au motif qu’elle se serait consacrée à des activités politiques en contradiction avec son statut juridique.

En réalité, ce qui a été reproché au RAJ, c’est son implication dans le mouvement populaire du Hirak. Et la dissolution de cette organisation ne fait qu’illustrer, de manière inquiétante, la volonté des autorités d’étouffer les activités militantes indépendantes et de réprimer l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

La pasionaria du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a, sans doute, trouvé les mots justes en parlant de ce recul dangereux des espaces de libertés et d’expression politique. Lors des travaux de la dernière session de 2021 du comité central de son parti, Louisa Hanoune a qualifié l’année 2021 d’“année de tous les sinistres”, et 2022, a-t-elle dit, s’annonce d’“une extrême dangerosité”.

“L’année 2021 s’achève dans l’incertitude et l’angoisse pour l’immense majorité du peuple. Car elle a été l’année de tous les sinistres”, a-t-elle assené. Sur le plan politique, toutes les libertés sont, aux yeux de Mme Hanoune, aujourd’hui menacées.

“L’année 2021 a été marquée par une offensive sans précédent contre le multipartisme et le droit à l’organisation politique en général”, dit-elle, non sans dénoncer une machine judiciaire qui “tourne à plein régime sur la base de l’instrumentalisation de la lutte contre le terrorisme par le recours à l’amalgame, à la généralisation et à la confusion, y compris la responsabilité collective. Une dérive gravissime”.

Karim BENAMAR