Accord d’association Algérie-UE : comment éviter un nouvel échec
Le président Abdelmadjid Tebboune a donné, fin octobre, des instructions au gouvernement en vue de réviser l’accord d’association Algérie-UE « clause par clause » et en fonction d’ « une vision souveraine et d’une approche gagnant-gagnant ».
Signé en 2002 et entré en vigueur en 2005, l’Accord d’Association entre l’Algérie et l’UE, est souvent décrié par les Algériens qui le considèrent trop favorable aux Européens.
« C’est la seconde fois que le Président de la République demande une révision de l’Accord d’Association Algérie-Union européenne : à la veille du démantèlement tarifaire prévu le 1er septembre 2020 (mais apparemment décalé) et en octobre 2021 en introduisant la précision « clause par clause », fait remarquer le professeur d’économie, Brahim Guendouzi.
Il rappelle que l’Accord d’association ne se limite pas au seul volet de la libre circulation des marchandises, mais comprend également d’autres aspects aussi importants tels que le dialogue politique, le commerce des services ainsi que la coopération économique, financière, sociale et culturelle, et enfin dans le domaine de la justice.
« Les implications de cet accord sur les institutions algériennes et sur l’économie nationale sont donc complexes et ne doivent pas être limitées à la seule dimension commerciale », fait observer le Pr Guendouzi.
Dans les conditions actuelles, selon l’économiste, il n’y a pas lieu de parler de différend entre l’Algérie et Bruxelles « dans la mesure où il n’y a pas de remise en cause globalement ni du libre-échange ni du démantèlement tarifaire lui-même, l’UE demeurant le premier partenaire commercial de l’Algérie avec plus de la moitié de ses achats de l’extérieur ».
« Il est vrai que s’agissant du volet commercial, certaines restrictions qui ont été prises ces deux dernières années en vue d’ajuster la balance commerciale, s’inscrivent en porte-à-faux avec l’esprit des clauses de l’Accord d’association. Mais elles peuvent se justifier du point de vue des pratiques commerciales internationales, surtout lorsqu’il s’agit de la dégradation de la balance des paiements ou bien dans le souci de protection de la production nationale liée à une industrie naissante », explique Brahim Guendouzi.
Il relève que l’évaluation de l’impact de l’Accord d’association sur le commerce extérieur depuis sa signature en 2005 montre que le cumul des exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’UE est marginal en comparaison avec le cumul des importations algériennes de l’Union européenne.
« L’Algérie a simplement confirmé qu’elle excelle dans les actes d’importation plutôt que dans l’exportation », résume l’économiste.
Pour l’économiste Mohamed Achir, la révision « clause par clause » annoncée par le chef de l’Etat signifie une remise en cause intégrale de l’Accord d’association.
« Cela n’est pas du tout aisé à faire, à mon humble avis, car la partie européenne ne saurait accepter de revenir sur plusieurs clauses surtout ayant trait au démantèlement tarifaire », estime le docteur en économie.
Pour lui, l’annonce de la révision de l’Accord d’association Algérie-UE pourrait suggérer la nécessité de mettre davantage en avant la coopération économique et l’aide européenne à la diversification de la production locale et son soutien à l’exportation.
« La partie algérienne doit mettre en avant la difficulté de sa balance commerciale et le déséquilibre dans les échanges des biens de production industrielle et agricole et demander un réaménagement tarifaire douanier pour protéger certaines activités économiques », recommande-t-il.
D’après cet économiste, l’Algérie doit insister sur la révision surtout des normes draconiennes imposées par Bruxelles et qui rendent la pénétration de leur marché quasi impossible pour la PME algérienne.
« L’économie algérienne a besoin d’une protection et d’une bonne régulation. La concurrence mondiale est plus que rude. En comptant seulement sur la remontée de la compétitivité du produit national pour faire face à la concurrence des produits importés, on verra une grande partie de nos entreprises disparaitre », met-il en garde.
Le président de l’Association des exportateurs algériens (Anexal) Ali Bey Nasri, ne met pas de gants pour dénoncer « l’approche mercantile de l’Union européenne » dans l’application de l’Accord d’association Algérie-UE.
« C’est une approche à courte vue qui ne s’inscrit pas dans une vision de partenariat selon l’esprit de la Conférence de Barcelone : la Méditerranée, espace de paix, de prospérité et de stabilité », a déploré le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal).
M. Bey Nasri reproche à l’UE de réagir « au quart de tour » à chaque fois qu’une mesure de sauvegarde est prise par l’Algérie. « Les Européens ont réagi lors de l’instauration des licences d’importation et lorsque l’Algérie a suspendu l’importation de certains produits. Ils réagissent au quart de tour quand leurs intérêts sont menacés », a asséné le président de l’Anexal qui pointe la France, premier partenaire commercial de l’Algérie au sein de l’UE.
« La France a toujours été à la tête de la contestation, que ce soit quand on parle de blé, de poudre de lait, des produits pharmaceutiques ou des véhicules, etc. », détaille Ali Bey Nasri qui exhorte les Européens à investir davantage en Algérie.
« Si l’UE ne s’intéresse pas à l’investissement en Algérie, on sera face à un accord unilatéral dans sa partie commerciale en sachant que 50% de nos importations proviennent du Vieux continent », a martelé le représentant des exportateurs algériens.
Selon lui, pendant que l’Algérie subit des pertes fiscales sur certains produits exportés, les Européens enregistrent des gains fiscaux et créent de l’emploi.
« En taxant fortement les produits pétroliers à la pompe, Les Européens s’enrichissent et créent des emplois. Tout le contraire de l’Algérie », relève Ali Bey Nasri.