Révision de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne: Vers un terrain d’entente

Liberté, 9 décembre 2021

Les autorités algériennes auraient déjà donné leur accord pour la reprise des importations suspendues.

Après de “longues négociations”, l’Algérie et l’Union européenne (UE) “se sont mises d’accord sur le texte final de la révision de l’accord d’association qui lie les deux parties et le document va être signé incessamment”, apprend-on de sources très au fait du dossier.

Nos sources assurent que le document “est fin prêt”, mais qu’il n’a pas subi de profonds changements par rapport à celui en vigueur. Il ne s’agira donc pas d’une profonde révision, puisque les autorités algériennes n’ont pas contesté le principe du démantèlement tarifaire et encore moins les clauses liées au respect des droits de l’Homme.

Selon nos informations, la seule concession qui a été faite par l’Union européenne est liée au report de l’application du démantèlement tarifaire. Le reste n’a pas changé. Cependant, le document ne peut être appliqué dans l’immédiat après une révision. Il doit recevoir d’abord l’assentiment des Parlements de tous les pays de l’Union européenne, ce qui risque de prendre beaucoup de temps.

C’est vraisemblablement ce qui a poussé les deux parties à se concentrer pour l’instant sur le volet commercial de leur coopération. Selon nos sources, les autorités algériennes ont notamment donné leur accord pour la reprise des importations suspendues, y compris celles des véhicules, et ce, “dès le printemps 2022”.

“Cette reprise devait se faire en mars, mais les autorités ont demandé quelques semaines supplémentaires”, ont indiqué nos sources. Ainsi, les autorités algériennes semblent disposées à lâcher du lest quant aux restrictions imposées jusque-là sur les importations.

Cela concernerait toutes les marchandises, y compris les voitures. “Le gouvernement algérien a accepté le retour des concessionnaires automobiles, y compris l’installation des grands constructeurs européens”, a précisé la même source qui a ajouté “qu’aucune condition n’a été imposée au préalable” comme ce fut le cas lorsque le gouvernement algérien exigeait de ces concessionnaires d’ouvrir des usines de montage automobile au bout de quelques années de commercialisation. C’est ce qui explique probablement l’instruction présidentielle annoncée dimanche dernier à l’issue de la tenue du Conseil des ministres.

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, dimanche lors du Conseil des ministres, “la révision immédiate” du cahier des charges fixant les conditions d’importation des véhicules et l’accélération de l’annonce des concessionnaires agréés, indiquait, en effet, un communiqué de la présidence de la République qui insistait sur “l’impératif de fournir un réseau de service après-vente, au niveau régional et dans les grandes villes, en tant que condition pour accepter les dossiers des concessionnaires”.

Jusque-là, le cahier des charges pour les concessionnaires automobiles a été révisé plusieurs fois sans être appliqué. Une situation qu’explique le nouvel ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, Thomas Eckert, par la volonté des autorités algériennes de rationaliser les réserves officielles de changes.

“Le marché automobile est important en Algérie, ce qui alourdit la facture des importations du pays”, a déclaré l’ambassadeur dans une interview accordée la semaine dernière au quotidien El Khabar.

À rappeler que les autorités algériennes reprochent à la partie européenne un accord d’association asymétrique puisqu’il fait la part belle aux entreprises européennes qui peuvent inonder le marché algérien de leurs marchandises.

Bruxelles répond que c’est à l’Algérie d’initier les réformes nécessaires pour rendre ses produits compétitifs. Ce qui n’est pas encore le cas, la balance commerciale entre les deux parties penchant nettement en faveur de l’UE.

Ali BOUKHLEF


L’UE reste le principal partenaire commercial de l’Algérie : La balance penche trop vers l’Europe

Liberté, 9 décembre 2021

L’Union européenne (UE) reste le premier partenaire commercial de l’Algérie, en valeur et par rapport à d’autres partenaires, bien que les exportations européennes soient en régression depuis 2015.

Selon les Douanes algériennes, les échanges entre l’Algérie et l’Union européenne sont évalués à 28,207 milliards de dollars en 2020 contre près de 39 milliards de dollars en 2019, soit une baisse de 27,66%.

Les Douanes algériennes indiquent que les importations bénéficiant de l’accord d’association avec l’Union européenne sont estimées à 6,55 milliards de dollars durant l’année dernière, en recul de 10,35% par rapport à l’année 2019. L’Espagne, l’Italie et la France constituent les principaux partenaires de l’Algérie dans le cadre de cet accord.

Dans un rapport sur l’état des relations UE-Algérie entre avril 2018 et août 2020 dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV), la Commission européenne avait indiqué que “l’UE est affectée par les mesures restrictives aux échanges introduites par le gouvernement algérien en contradiction avec l’accord d’association”.

Depuis 2015, a relevé la Commission européenne, l’Algérie a introduit une série de mesures protectionnistes, invoquant la détérioration de sa balance des paiements à cause de la chute des prix du pétrole.

Selon le rapport, “au cours de la période 2015-2019, l’exportation par les 27 pays membres de l’UE (EU27) des produits affectés par ces mesures restrictives a chuté de plus de 50%, de 2,722 milliards d’euros en 2015 à 1,348 milliard d’euros en 2019”.

La Commission européenne a commandé une étude ex-post sur l’impact du chapitre commercial des accords d’association pour les six pays concernés. Le poids des hydrocarbures dans les exportations de l’Algérie, la faible compétitivité salariale et le climat des affaires qui ne favorise pas les investissements seraient parmi les raisons qui font que l’Algérie ne tire pas profit de l’accord d’association relève l’étude.

L’analyse fournie dans le rapport confirme que les accords de libre-échange euro-méditerranéens ont eu des résultats globalement positifs, mais met également en évidence certains facteurs qui ont limité les gains de l’ouverture des échanges (telles que les contraintes de capacité ou les préférences).

Le modèle statistique du rapport établit qu’à long terme, l’accord d’association permet une augmentation de 21% des exportations de l’UE vers l’Algérie.

Les exportations de biens de l’Algérie vers l’UE ne devraient, en revanche, progresser que de 1%, concentrées dans les secteurs de la chimie, du caoutchouc et des plastiques, ainsi que dans les combustibles fossiles, malgré quelques augmentations significatives dans quelques autres secteurs (par exemple les aliments transformés, les légumes et les fruits) qui, cependant, ne représentent pas grand-chose en termes absolus.

Le rapport suggère que l’impact de l’accord d’association sur les relations commerciales “est quelque peu déséquilibré”.

Plus fondamentalement, la libéralisation des échanges et les politiques industrielles suivies, jusque-là, ne se sont pas traduites par une compétitivité accrue de l’industrie, limitant ainsi l’exploitation du potentiel de l’accord. De son côté, l’Algérie avait affiché, dès 2015, son insatisfaction face aux résultats jugés décevants et asymétriques de l’application de l’accord d’association.

Une évaluation de l’impact de l’accord sur le commerce extérieur de l’Algérie sur 10 ans, de 2005 à 2015, conforte ce constat. L’accord a engendré un manque à gagner de plus de 700 milliards de dinars en termes de recettes douanières.

En décembre de l’année dernière, lors d’une visioconférence des membres du Conseil d’association, l’Union européenne avait estimé qu’il est important que les échanges commerciaux se fassent dans le respect de l’accord d’association. Il est fait état de l’envoi par la Commission européenne d’une proposition visant à résoudre le différend en la matière et l’UE espérait trouver une entente dans le cadre de l’article 100 de l’accord d’association.

Conclu en 2002 et entré en vigueur en 2005, l’accord d’association entre l’Algérie et l’UE prévoyait d’arriver à un démantèlement tarifaire total en 2017, avec la création d’une zone de libre-échange.

Mais l’échéance a été repoussée la première fois à 2020. Cependant, l’Algérie a décidé de revoir à nouveau cet accord pour préserver sa production nationale, à travers notamment la révision du calendrier du démantèlement tarifaire.

En effet, lors d’une réunion du Conseil des ministres, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a demandé de revoir les dispositions de l’accord d’association, clause par clause, en fonction d’une vision souveraine et d’une approche “gagnant-gagnant”.

Dans son discours prononcé, samedi dernier, à l’ouverture de la Conférence nationale sur la relance industrielle, le chef de l’État a souligné que “l’Algérie souhaite préserver sa relation avec l’Union européenne”.

Meziane RABHI