Gestion du covid : le gouvernement sous le feu des critiques

Ryad Hamadi, TSA, 31 Juillet 2021

La troisième vague du covid-19 en Algérie est particulièrement virulente. La hausse du nombre de contaminations a fait déborder les établissements hospitaliers, incapables de prendre en charge efficacement le nombre grandissant de patients.

La pénurie d’oxygène a carrément tourné au drame avec l’augmentation vertigineuse du nombre de décès dans les hôpitaux, selon les témoignages de citoyens et de soignants.

Le gouvernement se trouve sous les feux des critiques tant de l’opposition politique que de certains spécialistes pour sa gestion de la crise, sa longue attente pour lancer la vaccination de masse et surtout pour ne pas avoir vu venir une telle dégradation.

Le Professeur Ali Lounici est chef du service de médecine interne de l’hôpital de Tlemcen. De passage ce samedi sur les ondes de la radio nationale, il n’a pas manqué de fustiger les atermoiements des autorités, révélant que rien qu’à Tlemcen, une dizaine de décès sont déplorés quotidiennement.

« Malheureusement, tous les hôpitaux algériens sont dans une situation dangereuse. Nous déplorons à Tlemcen chaque jour une dizaine de décès, en majorité à cause du manque d’oxygène. On n’a jamais atteint un tel niveau », constate-t-il. Une situation que le médecin qualifie de « regrettable » car, selon lui, les mises en garde lancées il y a une année n’ont pas été entendues.

« Le 20 juillet 2020, le manque d’oxygène avait déjà causé des décès. Qu’a fait le ministère de la Santé pendant une année ? Gouverner c’est anticiper », dit-il.

« Ce sont des décès évitables si les autorités avaient fait le nécessaire pour assurer la disponibilité des quantités d’oxygène demandées et si elles avaient accéléré la vaccination depuis janvier. On avait mis en garde contre une nouvelle vague virulente, parce qu’aucun système de santé ne peut faire face à cette maladie. Le vaccin est efficace, il pouvait nous éviter les cas graves et les décès. En plus, l’armée blanche est exténuée. On n’a pas accordé l’importance qu’il faut au personnel médical », accuse-t-il.

Les critiques du professeur Lounici s’ajoutent à celles, nombreuses, d’autres spécialistes qui se sont exprimés sur la question ces derniers jours. Beaucoup ont pointé le manque d’anticipation des autorités.
La classe politique fustige l’absence d’anticipation

Du côté de la classe politique, presque les mêmes griefs sont retenus contre le gouvernement.

Pour le Rassemblement pour la Culture et la démocratie (RCD), ce rebond du covid-19 est « le résultat des regroupements dans les salles lors de la campagne électorale des législatives du 12 juin », rappelant que « ce fût aussi le cas lors de l’accélération des contaminations en novembre dernier au lendemain de la tenue du référendum constitutionnel ».

Ce sont ces comportements qui ont donné l’impulsion à des regroupements privés et à baisser la garde, estime le parti de Mohcine Belabbas.

Le RCD pointe du doigt « l’imprévoyance du gouvernement actuel » dans l’indisponibilité en quantité suffisante de l’oxygène industriel, mais aussi « le démantèlement du tissu industriel du pays, livré à une mafia politico-financière érigée autour de Bouteflika ».

Dans un communiqué rendu public ce samedi 31 juillet, le Front des forces socialistes (FFS) constate lui aussi avec regret « l’incapacité » et la « panique des autorités dans la gestion de la crise sanitaire », notamment concernant la disponibilité de l’oxygène dans les hôpitaux.

« Il est inacceptable que des patients meurent dans les hôpitaux à cause de l’épuisement ou de la pénurie d’oxygène », dénonce le parti. Pour celui-ci, il y a manifestement absence d’anticipation des autorités et d’un plan prévisionnel pour faire face à ce genre de crise, « bien que la pandémie soit parmi nous depuis plus d’un an ».

Tout en exprimant son incompréhension de la tergiversation des autorités à durcir les mesures de prévention, le FFS les appelle à « assumer pleinement leurs responsabilités », par la mise en place d’un « plan d’urgence » pour la disponibilité et la distribution de l’oxygène, la mise à la disposition des hôpitaux du matériel de réanimation, la prise en charge du nombre grandissant de malades et la prise de toutes les mesures nécessaires pour freiner la propagation du virus. Le parti demande en outre l’ouverture d’une enquête sur les causes de cette pénurie d’oxygène.

Mercredi, le Parti des Travailleurs (PT) avait appelé le gouvernement à décréter un « état d’urgence sanitaire », demandant à ce que soient « réquisitionnés tous les moyens financiers, publics, humains et matériels pour affronter ce sinistre ».

Le parti de Louisa Hanoune considère lui aussi que la situation actuelle, qu’il qualifie de « dramatique », est « le produit de l’absence de toute vision prospective et prévisionnelle au niveau des autorités publiques étant donné que les leçons n’ont pas été tirées après la 1re et la 2e vague et de ce fait, les plans nécessaires anticipant sur le retour en force du covid n’ont pas été élaborés ».