Hausse du chômage et de l’inflation: Les paradoxes du nouveau plan de financement

A. Benyahia, El Watan, 14 juillet 2021

Le plan de refinancement spécial de 2100 milliards de dinars, initié par le gouvernement le 1er juillet, reste encore entouré de zones grises quant aux objectifs macroéconomiques qui lui sont assignés. Force est de reconnaître que les politiques publiques en cours ne sont pour l’instant pas encore arrivées à juguler le phénomène du chômage, qui atteint facilement les cimes de 15%, et encore moins à maîtriser l’inflation, bien au contraire.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, l’économie algérienne a réussi le pari de s’aliéner à la fois ces deux objectifs majeurs. Car il est en tout cas admis qu’en économie, le recul de l’un favorise l’amélioration de l’autre. Pourtant, en Algérie, la détérioration est à constater sur les deux registres : chômage et inflation.

Force est de reconnaître que les politiques publiques en cours ne sont pour l’instant pas encore arrivées à juguler le phénomène du chômage, qui atteint facilement les cimes de 15%, et encore moins à maîtriser l’inflation, bien au contraire.

Les dernières statistiques du gouvernement Djerad sur le chômage, reprenant les résultats d’enquête d’organisme internationaux, font état de la perte de quelque 500 000 emplois en Algérie depuis l’apparition de la pandémie. «Selon les institutions internationales, le taux de chômage devrait augmenter à 15,1% en 2020, correspondant à une perte nette de plus 500 000 emplois. Le taux de chômage devrait revenir à 13,9% en 2021, sous réserve d’un recul de la pandémie.»

La conclusion est sans appel. D’où la question sur l’apport escompté de ce nouveau plan annuel de refinancement spécial, dont on dit qu’il vient en soutien au plan de relance économique 2020-2024.
Ceci d’une part, d’autre part, la l’inflation gravit de nouveaux paliers d’année en année. Le taux d’inflation moyen annuel a atteint 3,9% à fin mai dernier, selon l’APS qui cite l’Office national des statistiques (ONS). Ce taux était de 2,4% en 2020 contre seulement 2% en 2019. Ainsi se pose la question relative à l’impact d’un tel plan sur la relance.
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L’économiste Mahfoud Kaoubi explique que le plan en question n’est nul autre qu’un moyen de venir à la rescousse des banques qui ont du mal à se faire rembourser par les entreprises publiques. Le problème, selon lui, «c’est que les banques ont très largement financé les entreprises publiques. On prend l’exemple d’Air Algérie, de Sonelgaz, bref pratiquement de toutes les entreprises publiques auxquelles les banques ont consenti des avances de crédit.

Or, ces entreprises n’ont pas pu rembourser». Du coup, il est à se demander à combien s’élève le montant de ces dettes des entreprises publiques auprès des banques ? S’il affirme être prudent sur le montant exact d’une créance détenue par les banques, Mahfoud Kaoubi est néanmoins catégorique sur le fait que «le montant de cette dette dépasse les 2100 milliards de dinars du plan de refinancement consenti pour cette année».

Par ailleurs, est-il possible de savoir quelle est la destination de tout cet argent ? «Il s’agit de passer par le marché monétaire pour renflouer les caisses des banques. Toute la question est là. Si on continue à imposer aux banques de financer les entreprises publiques, c’est-à-dire un secteur public moribond, c’est comme si on n’a rien fait.

On serait tout simplement dans une logique de création monétaire qui est nocive à l’économie. On aura réglé les problèmes de trésorerie, mais l’appareil de production ne pourra jamais repartir pour créer la contrepartie de ce financement. Actuellement, Sonelgaz, par exemple, vit un problème sérieux de déséquilibre financier. Son retour à l’équilibre n’est pas pour demain dans la mesure où le problème de tarification n’est même pas posé et encore moins celui du paiement des créances en cours. Abdelmadjid Attar, ex-ministre de l’Energie, a fait état l’année dernière du montant faramineux des créances impayées par les particuliers.

Il y a également le cas d’Air Algérie, qui est confrontée aux difficultés d’équilibre financier. Les exemples sont légions.» Que faire ? Renflouer les caisses des banques ? Ou orienter cette manne d’argent vers un privé dynamique dans le but de créer la contrepartie économique et, partant, créer de l’emploi ? Selon les statistiques de la note de conjoncture du groupe de la Banque mondiale, intitulée «Traverser la pandémie de Covid-19, engager les réformes structurelles», si le privé est resté le principal moteur de croissance en 2019, le secteur public a généré plus d’emplois.

«En 2019, la contribution du secteur privé à la valeur ajoutée totale du secteur réel hors hydrocarbures a atteint 64%, mais n’a généré que 37% des 280 000 emplois nets créés entre septembre 2018 et mai 2019», a-t-on noté.
D’où les paradoxes de ce plan et des objectifs de l’emploi et de l’inflation, tant que les réformes ne seront pas entamées, notamment du secteur public économique.