Presse : Pas de procès pour Karèche dans l’immédiat

Madjid Makedhi, El Watan, 30 juin 2021

Triste nouvelle ! Le journaliste et correspondant du quotidien Liberté, Rabah Karèche, n’aura pas lieu durant le mois de juillet prochain comme l’espéraient sa famille et ses confrères. Il restera en détention pour des semaines, voire des mois supplémentaires.

Et pour cause, la chambre d’accusation près la cour de Tamanrasset a donné une suite favorable à l’appel introduit par le procureur de la République contre l’arrêt de renvoi du juge d’instruction, qui avait transféré le dossier du journaliste au tribunal pour la programmation de son procès.

Le représentant du ministère public avait demandé, selon les avocats, «un complément d’enquête» qui risque de prendre encore beaucoup de temps.

Pour rappel, Rabah Karèche est en détention depuis plus de deux mois pour des articles publiés sur Liberté et relayés par la suite sur les réseaux sociaux. L’un des articles incriminés et pour lequel il a été placé sous mandat de dépôt est un compte rendu d’une manifestation des citoyens de Tamanrasset qui contestaient le nouveau découpage administratif.

Officiellement, rappelons-le, il est accusé de «diffusion de fausses nouvelles, nuisibles à l’ordre public», d’avoir «porté atteinte à la sécurité et à l’unité nationales» ainsi que d’avoir «utilisé un compte électronique pour diffuser des informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société».

Pour les avocats, Mes Zoubida Assoul et Saïd Zahi, cette incarcération est en contradiction avec la Constitution amendée en novembre dernier. «Les lois du pays, notamment la Constitution, interdisent, dans son article 54, l’emprisonnement des journalistes pour des délits de presse.

Le même article consacre aussi la liberté de la presse. Malheureusement, en Algérie, il y a un énorme fossé entre ce que dit la loi et les pratiques sur le terrain», avait expliqué, dimanche dernier en conférence de presse, Zoubida Assoul.

Selon elle, «il y a eu un subterfuge pour requalifier l’affaire de Rabah Karèche et ne pas appliquer les dispositions de la Constitution qui ne permet pas son emprisonnement». «On a poursuivi le journaliste sur la base de l’article 79 du code pénal et des articles 95 et 95 bis de la loi contre le discours de haine. Or, ces articles n’ont rien à voir avec cette affaire. Rabah Karèche n’a pas inventé l’information contenue dans son article. Il n’y a donc pas de diffusion de fausses informations», avait-elle précisé, dénonçant «l’intervention du président de la République dans cette affaire qui a sans nul doute pesé sur le dossier».

Pour réclamer sa libération, le comité de soutien à Rabah Karèche a lancé, lundi dernier, une pétition sur internet. Selon le texte de cette pétition, le journaliste n’a fait qu’exercer son métier de journaliste. «Il a, en effet, couvert une manifestation de la population locale qui conteste le nouveau découpage administratif décrété par le président Abdelmadjid Tebboune et écrit deux articles dans le journal Liberté.

Rabah Karèche est l’un des rares journalistes de la presse nationale à couvrir les événements dans la wilaya de Tamanrasset», rappellent les auteurs de cette pétition, précisant que «le journaliste a fait l’objet d’un harcèlement des autorités locales dans le cadre de son travail et a notamment reçu plusieurs convocations ces derniers mois».

«Au lieu de protéger les journalistes pour permettre au public d’accéder à l’information, qui est un droit constitutionnel, le pouvoir accélère et multiplie les pressions et les poursuites judiciaires contre les journalistes», lit-on dans ce texte qui précise qu’actuellement «plus de 15 journalistes sont poursuivis en justice, dont Mustapha Bendjama, journaliste au quotidien Le Provincial, édité à Annaba».