Étude du CREAD sur l’impact socioéconomique de la pandémie

Des chiffres qui font peur

A. Maktour, Le Soir d’Algérie, 27 juin 2021

A l’initiative du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), s’est tenue, jeudi, une journée d’étude sur l’impact socioéconomique de la pandémie de Covid-19 en Algérie. Une rencontre qui a permis de dresser un tableau, sans complaisance, sur la terrible conjoncture induite par la crise sanitaire.
Au moment où la Banque africaine de développement (BAD) passait en revue les conséquences de la pandémie sur l’économie du continent, déjà sans cela mise à très rude épreuve, des experts algériens de haut vol examinaient l’impact subi en Algérie du Covid-19 sur le plan social, et la situation qu’endurent les entreprises, entre autres. L’Algérie ne fait donc pas exception parmi les pays du continent dont les pertes cumulées du PIB, aux toutes dernières évaluations, sont estimées entre 145 et 190 milliards de dollars. Plus alarmant encore, selon la BAD, 30 millions d’Africains se sont retrouvés dans un état d’extrême pauvreté, et d’ici la fin de cette année, selon les perspectives de la même institution, ce sont 39 millions de personnes qui pourraient se retrouver dans la pauvreté. Un terrible impact socioéconomique auquel n’a pas échappé l’Algérie, dans une moindre mesure certes, mais suffisamment de quoi alerter, comme le font les chiffres annoncés lors de la journée d’étude tenue jeudi par le Cread. Ainsi, lors de la première session de la journée, le Dr Riad Benghebrid s’est penché sur le thème du télétravail pendant la pandémie en Algérie, entre état des lieux et perspectives de développement. Une enquête menée à travers 18 wilayas, en majorité du centre du pays. 32% des personnes sondées ont révélé disposer d’un lieu de travail à distance, 16% ont confié être en possession des outils nécessaires à l’exercice du télétravail, dont 90% un PC portable. 56% des salariés interrogés estiment qu’il y a une augmentation des heures quotidiennes de travail, et 41% soulèvent des difficultés à organiser le travail et à maintenir leur rendement, selon l’enquête qui a établi que plus de 71% des salariés sondés ont trouvé que l’expérience du travail à distance est devenue nécessaire et positive. La seconde session des communications présentées lors de cette journée a été consacrée, entre autres sujets, à l’impact de la pandémie sur l’activité des entreprises en Algérie, thème traité par le Dr Mohamed Kadi. Selon l’enquête menée par ce dernier, les entreprises algériennes sondées ont informé qu’elles ont perdu en moyenne 50% de leur chiffre d’affaires en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19, la majorité d’entre elles des PME. Pire encore, les entreprises de transport de marchandises ont enduré une perte de 90 % du chiffre d’affaires en 2020, suivies de celles des secteurs des services et de l’industrie agroalimentaire. Par ailleurs, toujours selon l’enquête menée par le Dr Mohamed Kadi, le confinement imposé pour lutter contre la propagation de la pandémie l’année dernière, 93% des entreprises sondées ont souligné avoir eu des difficultés à commercialiser leurs produits, et 63% d’entre elles ont dû opter pour un arrêt total d’activité à cause du confinement ou de l’absence de clients. Des chiffres qui disent tout de l’impact subi, on relèvera celui relatif aux travailleurs n’ayant pas pu rejoindre leur lieu de travail. Des défections qui ont touché 56% des personnels, notamment ceux exerçant dans le secteur du bâtiment et les travaux publics et les services. Quant aux chiffres du sondage qui risquent, durant les mois à venir, de donner des frissons, il est fait état de 79% des opérateurs économiques algériens à ne pas être optimistes et se disent très inquiets par la situation économique que traverse l’Algérie. Les entrepreneurs sondés sont 12% à envisager une réduction d’effectifs, 10% qui s’attendent à une trésorerie tendue, alors qu’ils sont 11% à carrément envisager la fermeture de leur entreprise, et 10% s’attendent à un report de leurs investissements. Last but not least, l’enquête du Cread avance le chiffre alarmant de 43% des entreprises algériennes menacées de faillite. Un état des lieux sans complaisance, qui appelle des mesures d’extrême urgence afin de se prémunir contre une crise sociale dont le pays se passerait volontiers, lui qui est déjà rudement mis à mal par la crise induite par la chute des prix des hydrocarbures de la fin 2014, puis des conséquences de la crise politique de 2019.
Azedine Maktour