Feu vert des Emiratis pour l’extradition d’Ould Kaddour

Plus de deux mois après son arrestation et sa libération sous caution à Dubaï

Salima Tlemcani, El Watan, 17 juin 2021

Le feu vert pour l’extradition de l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, a été donné par les autorités émiraties à la justice algérienne. Faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international, Ould Kaddour a été arrêté le 20 mars dernier lors de son escale à l’aéroport de Dubaï, où il a été maintenu en garde à vue, puis relâché sous caution et interdit de quitter le territoire. Les négociations se poursuivent toujours pour l’extradition de près d’une dizaine d’autres Algériens faisant l’objet de mandats d’arrêt.

En transitant par l’aéroport de Dubaï, capitale émiratie, l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, n’a certainement pas pensé une minute au fait qu’il puisse être rattrapé par le mandat d’arrêt international lancé contre lui au début de l’année en cours, par la justice algérienne, dans le cadre d’au moins deux affaires de malversation et de corruption, à BRC et à la raffinerie Augusta (en Italie) et pendantes au niveau du pôle pénal économique et financier d’Alger.

En cette journée du 20 mars 2021, il quitte la France, où il détient de nombreux biens immobiliers avec les membres de sa famille, pour rejoindre le sultanat d’Oman (pour une conférence), en transitant par Dubaï, la capitale émiratie. Lors de cette escale et au moment où il passait par le contrôle aux frontières, des policiers lui demandent de les suivre. Son nom était déjà sur la liste des personnes faisant l’objet d’une notice rouge, c’est-à-dire à rechercher et à arrêter par Interpol, que l’Algérie avait lancée à son encontre. Depuis octobre 2007, l’Algérie et les Emirats sont liés par une convention d’entraide judiciaire, facilitant ainsi la procédure d’extradition entre les deux pays.

Les négociations engagées

Après son interpellation, Ould Kaddour a passé la nuit en garde à vue, au niveau de l’aéroport, avant que son fils, alerté, ne fasse appel à des avocats, qui lui obtiennent une libération sous caution, moins de 48 heures plus tard, mais avec une interdiction de quitter le territoire émirati et le retrait de son passeport. Un délai de 30 jours renouvelable est donné à l’Algérie pour préparer le dossier judiciaire et le défendre.

Les négociations sont alors engagées non seulement sur le plan judiciaire pour obtenir l’extradition d’une dizaine d’autres Algériens recherchés et qui vivent sur le sol des Emirats, mais aussi celle d’Ould Kaddour, qui bénéficie, nous dit-on, de «puissants appuis», en raison de son statut de conseiller auprès du royaume omanais, mais aussi à Doha, au Qatar.

«Sur le plan judiciaire, le dossier était ficelé et rien n’empêchait son extradition. Mais, dans ce genre de dossiers, même s’il existe des conventions bilatérales d’extradition, le volet politique pèse énormément et surtout nécessite du temps. Il y a quelques semaines, l’accord de principe pour le transfert en Algérie de l’ancien PDG de Sonatrach et de la dizaine d’autres Algériens faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux et se trouvant sur le sol émirati, a été donné.» Néanmoins, nous dit-on, l’exécution de cette extradition «reste tributaire de l’ouverture des frontières aériennes. Cela prendra du temps».

Bloqué sur le sol émirati

En attendant, Ould Kaddour restera bloqué sur le sol émirati, étant donné qu’il est sans passeport et qu’il lui est interdit de passer les frontières.

Depuis son limogeage au mois d’avril 2019, au moment où la contestation populaire contre le régime était à son paroxysme, Ould Kaddour s’est installé en France, où lui, ses enfants et son épouse ont acquis de nombreux biens immobiliers d’une valeur de plus de 3,3 millions d’euros, dans les quartiers huppés de la capitale.

Son nom est vite cité dans le scandale du rachat en 2018, par Sonatrach, de la raffinerie Augusta, en Italie, auprès du groupe ExxonMobil, pour un montant de plus de 720 millions de dollars. Un montant jugé «très excessif» pour une raffinerie vieille de 70 ans, qui a poussé la compagnie à s’endetter pour un montant de 250 millions de dollars, dont 100 millions uniquement pour maintenir la raffinerie en état de marche.

L’enquête judiciaire lève le voile sur de nombreuses anomalies et aboutit, dans un premier temps, à la mise sous mandat de dépôt d’Ahmed Mezighi, ancien vice-président des finances à Sonatrach, signataire du contrat, qui tout au long de l’instruction cite le nom de Abdelmoumen Ould Kaddour, alors PDG et dont il était conseiller.

La deuxième affaire concerne les nombreux marchés de gré à gré octroyés dans des conditions «suspicieuses» à BRC (Brown and Rooth Condor), une joint-venture entre le groupe Sonatrach et une des filiales de Haliburton, de droit algérien, dirigée par Ould Kaddour. C’est en 2006, que le tribunal de Bir Mourad Raïs s’est saisi de ce scandale et a auditionné de nombreux hauts responsables des institutions ayant contracté des marchés avec BRC.

L’instruction a levé le voile sur des opérations de «surfacturation» avec les ministères de l’Energie, de la Défense nationale, de l’Hydraulique, des Travaux publics, etc. mais aussi sur cet édifiant exemple de la réalisation par BRC, pour plus de 40 milliards de centimes, des deux tours abritant les sièges du ministère de l’Energie. Mais l’enquête fût étouffée, BRC dissoute et Ould Kaddour tombe dans le filet des services de renseignement militaire pour une affaire de «divulgation d’informations classées secret défense», qui lui a valu, le 26 novembre 2007, une condamnation de 30 mois de réclusion criminelle, prononcée par le tribunal militaire de Blida.

En 2009, et après 26 mois de détention, il quitte la prison, sur intervention de la Présidence. Il disparaît des radars pendant des années, jusqu’à ce que Bouteflika lui confie, en mars 2017, les rênes de Sonatrach. Vingt- trois mois plus tard, et à la faveur de la contestation populaire, il est débarqué de son poste pour reprendre ses affaires, devenues encore plus importantes qu’avant.

Affaire Sonatrach 1 : Procès renvoyé à la prochaine session criminelle

Le procès de Sonatrach 1 a été renvoyé hier, par la chambre criminelle près la cour d’Alger, à la prochaine session. Ce deuxième report a été décidé à la demande des avocats en raison de l’absence des représentants des sociétés étrangères, mais aussi de nombreux autres accusés poursuivis dans cette affaire, qui revient devant la cour après cassation du verdict prononcé au début du mois de février 2016.

En tout, une quinzaine d’accusés devaient comparaître, parmi lesquels l’ancien PDG de Sonatrach, Meziane Mohamed, ses deux enfants, ainsi que huit membres de l’exécutif de la compagnie pétrolière – Amar Zenasni et Belkacem Boumediène, Chawki Rahal, Abdelaziz Abdelwahab, Mustapha Hassani, Mouloud Aït El Hocine, Mustapha Cheikh, Mohamed Senhadji – mais aussi l’ex-DG du CPA, Hachemi Meghaoui, son fils, Ismail Réda Djaafar, patron du groupe Contel, Nouria Meliani, propriétaire du bureau d’études privé CAD, et les sociétés Saipem Contracting Algérie, Contel-Algérie Funkwerk, groupe Contel-funkwerk et Imtech, etc., pour «association de malfaiteurs», «passation de marchés en violation de la législation et du règlement», «octroi d’avantages injustifiés au profit d’autrui et augmentation des prix lors de la passation des marchés», «dilapidation de deniers publics», «corruption», «blanchiment d’argent», «abus de fonction» et «violation de la réglementation des changes». S. T.