En détention provisoire depuis près de deux mois: Rabah Karèche toujours en attente de son procès

Mustapha Benfodil, El Watan, 15 juin 2021

Le journaliste algérien Rabah Karèche boucle son 57e jour de prison», postait hier notre confrère Khaled Drareni sur ses comptes Facebook et Twitter. Le directeur de Casbah Tribune se fait en effet un devoir de faire le décompte quotidien du nombre de jours passés par le correspondant de Liberté à Tamanrasset en prison, et ce, depuis son incarcération.

Le décompte est accompagné de la bouille joviale de Rabah, et, en arrière-plan se profile l’établissement pénitentiaire de Tamanrasset. Le visuel est assorti du hashtag #Free-Rabah Kareche et barré du mot d’ordre : «Le journalisme n’est pas un crime.» Khaled est sans doute bien placé pour savoir ce que doit endurer notre ami Rabah, lui qui a passé plus de 11 mois en détention à la prison de Koléa.

Ce mardi 15 juin, Rabah Karèche en est ainsi à son 58e jour de détention, soit quasiment deux mois de privation de liberté. Deux mois que ses enfants sont injustement privés de leur papa. Pour rappel, le journaliste de Liberté a été arrêté le 18 avril 2021. Le lendemain, il est présenté devant le procureur de la République près le tribunal de Tamanrasset puis le juge d’instruction qui a décidé de le placer sous mandat de dépôt.

Le 27 avril, la chambre d’accusation près la cour de Tamanrasset rejette la demande de libération provisoire introduite par ses avocats et confirme son placement sous mandat de dépôt.

Notre confrère est poursuivi officiellement pour «création d’un compte électronique consacré à la diffusion d’informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société», «diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public» et «l’usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l’unité nationales».

A l’origine de l’affaire, les articles de presse du journaliste, tout particulièrement un article où il ne faisait pourtant que couvrir une action de protestation contre le nouveau découpage administratif.

Joint par téléphone hier pour savoir où en est l’affaire, maître Amirouche Bakouri, membre du collectif de défense du journaliste, nous a déclaré que «pour l’instant, il n’y a rien de nouveau. Nous ne manquerons pas de vous informer dès qu’il y aura de nouveaux éléments».

Ali Boukhlef, journaliste de Liberté qui suit de près le dossier, contacté également hier par téléphone, nous dira de son côté : «Il n’y a pas de fait nouveau. Les avocats disent que normalement, le procès ne tardera pas à être programmé. L’instruction est bouclée. Maintenant, on attend la date du procès. On a compris qu’on voulait le programmer après les élections. Mais il n’y a rien de concret pour le moment.»

«Un journaliste traite tous les sujets»

Depuis l’emprisonnement de Rabah Karèche, les appels se sont multipliés pour exiger sa libération immédiate, et de nombreuses actions ont été organisées en solidarité avec notre confrère. Le 25 avril, un sit-in s’est tenu devant le siège du journal Liberté à El Achour, auquel ont pris part des journalistes de différentes rédactions.

Le 3 mai, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, plusieurs confrères ont donné de la voix place de La liberté de la Presse, rue Hassiba Ben Bouali, à Alger, en scandant «Libérez Karèche ! Libérez la presse !» Le même jour, un rassemblement similaire s’est tenu à la place Saïd Mekbel, à Béjaïa.

Quelques jours plus tard, dans la soirée du vendredi 7 mai, en plein Ramadhan, un important rassemblement citoyen a eu lieu au village d’Aït Bouhini, près de Yakouren, d’où est originaire Rabah. Il faut mentionner aussi les manifestations de soutien qui ont été initiées par la diaspora algérienne à l’étranger, notamment à Paris.

Il convient de citer, en outre, la conférence de presse qui a été organisée le 3 mai 2021 au siège de l’association RAJ, à Alger, par les avocats Amirouche Bakouri, Me Mostefa Bouchachi et Me Abdelghani Badi, conférence à laquelle a pris part également notre confrère Ali Boukhlef, pour dénoncer la détention arbitraire de Rabah Karèche. Ali avait précisé au cours de cette conférence que «Rabah a été convoqué cinq fois pour ses articles».

Il avait beaucoup insisté par ailleurs, lors de son intervention, sur le précieux travail qu’accomplit avec abnégation et professionnalisme Rabah Karèche, l’un des rares correspondants de presse dans l’extrême Sud algérien, et qui a eu le mérite, par son remarquable travail de terrain, de donner une visibilité à ces régions et relayer les préoccupations des populations locales.