Rapatriement des fonds détournés et transférés à l’étranger : Dans le labyrinthe de la loi et d’intérêts occultes

Samira Imadalou, El Watan, 07 juin 2021

La question de la restitution des fonds détournés et transférés à l’étranger dans le cadre des différentes affaires de corruption dévoilées ces trois dernières années tarde à avancer. Etant toujours entre les mains de la justice, puisque les jugements rendus jusque-là ne sont pas définitifs, les différents dossiers liés aux avoirs illicites, dont certains ont atterri à la Cours suprême, ne sont pas encore bien ficelés, du moins pour ce qui est des montants, objet de dilapidation et de leur emplacement, les fonds ayant été investis ailleurs, notamment en Europe dans certains cas. Ce qui pose justement la problématique de la coopération internationale dans la mise en œuvre de cette opération qui s’annonce longue eu égard à tous ces éléments.

Les promesses rappelées à ce sujet depuis la campagne présidentielle de 2019 et les mesures annoncées pour accélérer ce processus se heurtent à de lourdes entraves sur le terrain.

Ce qui fait d’ailleurs que les fonds restitués jusque-là par rapport à ceux détournés soient marginales. Abdelmadjid Tebboune l’a d’ailleurs souligné en avril dernier, rappelant que sur des crédits s’élevant à près de 6000 milliards de dinars, seulement 10 à 15% ont été récupérés, auxquels s’ajoutent les transferts illégaux effectués à travers les banques mais aussi des biens immobiliers (44 en France).

Début mai, c’était au tour du ministère de la Justice de dresser un autre bilan faisant état de la mise à la disposition de la justice de plus de 53 milliards de dinars, dont 39 milliards de dinars ont fait l’objet d’une décision de confiscation. En euros, «le montant global, mis sous séquestre, s’élève à 1958 759,31 euros, dont 678 993,84 euros confisqués».

En dollar, «le montant mis sous séquestre s’élève à 213 536 809,15 dollars, dont 198 472 171,49 dollars ont fait l’objet d’une confiscation», selon la même source. L’ensemble de ces montants représentent des liquidités et des avoirs en comptes bancaires.

Par ailleurs, le même bilan a fait part de la mise sous séquestre de 4766 véhicules, dont 4689 confisqués et 6 bateaux ayant tous fait l’objet de confiscation. Aussi, 301 parcelles de terrain ordinaires et agricoles ont été mises sous séquestre, dont 214 confisquées.

Sur un autre plan, 119 résidences et 27 magasins ont été mis sous séquestre, dont 87 résidences et 23 magasins confisqués, alors que 21 autres bâtisses ont été saisies ou confisquées.

Et ce n’est qu’une partie infime des préjudices causés à l’économie nationale en attendant de ficeler ce dossier pour lequel il est proposé la création d’un fonds devant accueillir les fonds et biens détournés et confisqués en vertu de décisions de justice dans le cadre de la lutte contre la corruption dans le cadre de l’avant-projet de loi de finances complémentaire 2021. Une mesure à détailler une fois adoptée, puisque beaucoup de points sont à éclaircir, notamment en ce qui concerne la gestion du fonds et son utilisation.

Ce qui est certain pour le moment, c’est que le chemin à parcourir s’annonce périlleux avant de clore ce processus dont l’avancement dépend également de l’apport des partenaires de l’Algérie. Ce qu’a justement souligné, lors de l’Assemblée générale de l’ONU sur la lutte contre la corruption, qui s’est tenue du 2 au 4 juin par visioconférence au siège de l’ONU à New York, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati.

L’Algérie attend essentiellement l’appui en matière d’échange d’informations et sur le plan juridique. Cette aide sera-t-elle au rendez-vous ? L’avenir nous le dira.