Suspension des opérations franco-maliennes: Paris passe à l’acte
Amnay Idir, El Watan, 05 juin 2021
La suspension par la France de ses opérations militaires avec l’armée malienne a commencé à se concrétiser, a rapporté hier l’AFP citant des sources militaires. «Les opérations conjointes Barkhane/FAMa (Forces armées maliennes, ndlr) sont arrêtées, les Français continuent seuls», a indiqué un responsable à l’état-major malien, évoquant la force antidjihadiste française et les Forces armées maliennes.
Une mission militaire malienne vient de rentrer de Sévaré (Centre) à Bamako pour cette raison, a affirmé ce responsable sous le couvert de l’anonymat. La force européenne Takuba, initiée par la France, «refuse aussi les éléments au sol des FAMa à Ménaka» (nord-est), a-t-il ajouté. Après le deuxième putsch du colonel Goïta, le 24 mai, Paris a annoncé jeudi soir suspendre les opérations conjointes avec les forces maliennes, avec lesquelles elle coopère depuis des années contre les djihadistes.
Les missions de conseil sont également mises en suspens. C’est une mesure «conservatoire et temporaire» dans «l’attente» de «garanties» que les colonels maliens rendront le pouvoir aux civils après des élections prévues en février 2022, a dit le ministère français des Armées. Les colonels s’y sont engagés après le coup d’Etat du 18 août 2020. Cet engagement est bafoué le 24 mai quand Assimi Goïta a arrêté le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane qui assurent la transition dans le pays. Il s’est depuis fait déclarer Président de la transition par la Cour constitutionnelle.
Le prétexte
Cet événement intervient quelques heures seulement après l’annonce d’un nouveau gouvernement, que dominent toujours les militaires. Le changement de l’Exécutif est marqué par la mise à l’écart des officiers proches de la junte qui a pris le pouvoir après le coup d’Etat d’août 2020 et dont Assimi Goïta est le chef. Le 25 mai, le colonel Goïta a indiqué avoir déchargé de leurs prérogatives le Président et le Premier ministre. Vice-Président, le colonel Goïta a reproché aux deux dirigeants d’avoir formé un nouveau gouvernement sans se concerter au préalable avec lui.
Démarche qui constitue à son avis «une violation de la charte de transition (…), d’où une intention avérée de sabotage de la transition». Forte de 5100 militaires, la force Barkhane au Sahel poursuivra son action seule, a déclaré le ministère des Armées français. Cela pourrait concerner surtout les opérations aériennes. Par ailleurs, un rassemblement était prévu hier, à l’appel du mouvement dit du 5-Juin, probable futur partenaire gouvernemental du colonel Goïta. Lundi, le colonel Goïta devrait être investi devant la Cour constitutionnelle.
Ce dernier a exprimé son intention de confier le poste de Premier ministre au Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5/RFP). Collectif hétéroclite et fer de lance en 2020 de mois de contestation parachevée en août par le putsch ayant renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta. Après le pronunciamiento, le M5 a vainement réclamé d’être traité d’égal à égal par les militaires dans la mise en place de la transition pour se retrouver affaibli et divisé.
Le colonel Goïta l’a rappelé dans l’échiquier actuel. Le M5 a choisi pour le poste de Premier ministre Choguel Kokalla Maïga pour son opposition à l’accord de paix de 2015 avec d’anciens rebelles du Nord. En parallèle la question se pose sur la place à accorder à l’imam Mahmoud Dicko, figure importante de la contestation de 2020, qui a pris ses distances avec le M5 mais favorable, comme les colonels, au dialogue avec certains djihadistes, rejeté par Paris.