Trois ans après le scandale des 701 kg de cocaïne saisis à Oran : Le juge achève l’enquête judiciaire
L’affaire des 701 kg de cocaïne saisis, le 26 mai 2018, sur le MC Vega Mercury, en rade au port d’Oran, connaît du nouveau.
Lundi dernier, et après trois années d’enquête judiciaire, le magistrat instructeur de la 2e chambre du pôle pénal spécialisé a clôturé ses investigations et renvoyé toutes les pièces du dossier à la chambre d’accusation près la cour d’Alger pour examen, dont la programmation pourrait avoir lieu dans les jours à venir.
Six accusés, en détention depuis juin 2018, à leur tête le magnat de l’immobilier et puissant importateur de viande rouge, Kamel Chikhi, plus connu sous le nom de «Kamel le Boucher», ses deux frères, un de ses associés, son directeur commercial et un de ses agents exerçant au port d’Oran, sont poursuivis pour «constitution d’une organisation criminelle dans le but d’importer, de commercialiser et de distribuer de la drogue» et pour «blanchiment d’argent».
Des charges très lourdes, qui, dès le début de l’instruction, étaient contestées par leurs avocats, d’autant que des commissions rogatoires ont été délivrées par le juge d’instruction à plusieurs pays, notamment le Brésil, mais aussi l’Espagne, qui avait alerté l’Algérie sur la cargaison après l’escale effectuée par le navire sur son territoire, au port de Valence, avant de reprendre la mer en direction d’Oran.
La drogue avait été dissimulée dans la marchandise de viande importée du Brésil par Kamel Chikhi. Selon certains avocats de ce dernier, les commissions rogatoires n’ont pas permis d’apporter de preuves tangibles. «Elles ne comportent aucune information impliquant Kamel Chikhi et ses sociétés», nous affirme un de ses avocats. Beaucoup a été dit sur de supposées interventions de parties non identifiées par l’enquête au port de Valence, en Espagne, où la marchandise a été débarquée, pour être embarquée sur le cargo MC Vega Mercury, à destination de l’Algérie. «Les conteneurs bourrés de cocaïne ont été ouverts, sans la présence des personnes habilitées, puis refermés et embarqués à bord d’un navire à destination de l’Algérie. Ce qui disculpe le propriétaire de la marchandise, en l’occurrence Kamel Chikhi, ou ses sociétés. Le mystère des 701 kg de cocaïne n’a pas été percé par la justice. Il reste entier», explique un des avocats de Chikhi.
En tout état de cause, cette affaire avait fait l’effet d’un séisme qui a secoué l’establishment militaire et civil en cet été qui a précédé le bouleversement politique provoqué par le mouvement de protestation populaire du 22 février 2019. Tout a commencé avec l’arrestation du chauffeur personnel de Abdelghani Hamel, patron de la police, suscitant, de sa part, une réaction de colère, avec des messages tout crus à ses détracteurs, leur disant : «Celui qui veut enquêter sur la corruption doit être lui-même propre.» Puis, s’en est suivie une série d’arrestations de personnes (des magistrats, de hauts gradés ou leurs enfants, des hauts cadres de l’Etat, etc.)
Effet domino
En plus de Menad Nouba, Abdelghani Hamel (condamné pour corruption) et Boudjemaa Boudouaouer, trois autres généraux-majors, Saïd Bey, ancien chef de la 2e Région militaire, Habib Chentouf, ex-chef de la 1re RM et Abderrazak Cherif, ex-chef de la 4e RM, font l’objet de poursuites judiciaires et de condamnation à de lourdes peines de réclusion criminelle pour «enrichissement illicite».
C’est la première fois que des militaires de ce rang sont condamnés pour de tels faits. En tout état de cause, Kamel Chikhi avait ses entrées dans les cercles les plus fermés et ses connaissances se comptaient parmi les plus influentes personnalités politiques et militaires.
Sa fortune et son ascension sociale fulgurante restent énigmatiques. Et ce n’est certainement pas le procès lié à l’affaire de la cocaïne qui éclairera nos lanternes.