Des Algériens parmi eux: 18.000 enfants migrants non accompagnés disparus en Europe
Houari Barti, Le Quotidien d’Oran, 22 avril 2021
Une enquête menée par le journal britannique, The Guardian, et le collectif de journalistes transfrontalier « Lost in Europe » a révélé que plus de 18.000 enfants migrants non accompagnés ont disparu en Europe, entre janvier 2018 et décembre 2020. L’enquête à laquelle ont pris part des journalistes d’investigation de sept pays européens a révélé que la plupart des enfants disparus au cours de ces trois dernières années sont arrivés en Europe depuis le Maroc, mais aussi d’autres pays comme l’Algérie, l’Érythrée, la Guinée et l’Afghanistan.
Les données collectées font également ressortir que 90% de ces mineurs étaient des garçons et qu’environ un sur six avait moins de 15 ans. Voilà donc les grandes lignes de cette enquête indépendante dont les conclusions soulèvent «de sérieuses questions sur la mesure dans laquelle les pays européens sont capables ou sont désireux de protéger les enfants migrants non accompagnés», affirme The Guardian, soulignant au passage, que « l’Espagne, la Belgique et la Finlande n’ont fourni de chiffres que jusqu’à la fin de 2019 alors que le Danemark, la France et le Royaume-Uni n’ont fourni aucune donnée sur les enfants disparus non accompagnés ». Federica Toscano, responsable du plaidoyer et de la migration à « Missing Children Europe », une organisation non gouvernementale à but non lucratif qui relie les agences de terrain à travers l’Europe, a déclaré que les données étaient «extrêmement importantes» pour comprendre l’ampleur du problème en Europe. « Le nombre élevé d’enfants disparus est le symptôme d’un système de protection de l’enfance qui ne fonctionne pas », a-t-elle déclaré.
Selon elle, les enfants non accompagnés font partie des migrants les plus vulnérables à la violence, à l’exploitation et à la traite. « Les organisations criminelles ciblent de plus en plus les enfants migrants », a déclaré Toscano, « en particulier ceux qui ne sont pas accompagnés, et beaucoup d’entre eux deviennent victimes de l’exploitation du travail et de l’exploitation sexuelle, de la mendicité forcée et de la traite ». Si la quasi-totalité des pays visés par l’enquête ont mis en place des procédures détaillées destinées à faire face à la disparition de mineurs non accompagnés, elles ne fonctionnent pas toujours bien dans la pratique, selon un rapport de 2020 du Réseau européen des migrations.
Parmi les problèmes rencontrés figurent l’absence de suivi lorsque des enfants sont portés disparus et une coopération insuffisante entre la police et les autorités chargées de l’asile ou de la protection de l’enfance. « Très peu de choses sont enregistrées dans un dossier d’enfant migrant disparu », a déclaré Toscano, « et trop souvent, on suppose qu’un enfant migrant est quelque part en sécurité dans un autre pays, bien que la collaboration transfrontalière sur ces cas soit pratiquement inexistante ». Les raisons pour lesquelles les enfants disparaissent sont multiples, a-t-elle ajouté, notamment « les procédures longues et lourdes pour obtenir une protection internationale ou pour être réunis avec leurs familles ». Beaucoup sont également détenus dans des installations inadéquates, souvent sans accès à l’éducation, a-t-elle ajouté.
Un porte-parole de la Commission européenne a, pour sa part, déclaré au Guardian que les disparitions d’enfants suscitaient une « profonde inquiétude », ajoutant que les États membres devaient « prendre des mesures pour prévenir les disparitions d’enfants dans le cadre de la migration et y répondre, en améliorant la collecte de données et la collaboration transfrontalière ».