Une baisse de 10 milliards de dollars d’importations en 2020 : Une «économie»… sur fond de récession

Ali Benyahia, El Watan, 06 avril 2021

Le président Tebboune se félicite d’avoir fait baisser de 10 milliards de dollars la facture des importations. «Par rapport à 2019, la baisse des importations a été de 10 milliards de dollars en 2020, en dépit de la pandémie» et ce, «grâce à la production, à la maîtrise de la surfacturation et un contrôle plus sérieux de certains services», a-t-il souligné.

«Nous avons réalisé tout cela sans créer de déficit ou de pénurie», s’est-il félicité. Abdelmadjid Tebboune arbore ce chiffre comme un trophée de victoire durant l’année de la crise sanitaire mondiale et de la rareté des finances publiques du pays. Le chef de l’Etat affiche ainsi un satisfecit bien assumé d’avoir tenu une de ses promesses.

Pourtant, une telle affirmation n’incite pas forcément à en tirer des conclusions aussi hâtives. Qu’en est-il au juste ? A regarder de plus près, cette baisse des importations traduit-elle une performance économique ainsi que semble vouloir le faire accréditer Abdelmadjid Tebboune ?

La réponse à cette question est pourtant imparable : l’Algérie a enregistré en 2020 son pire niveau de récession de -4,6% officiellement, voire plus encore, selon les estimations des organisations financières internationales.

Résumé : côté face baisse de la valeur des importations, côté pile récession économique. D’où, peut-être, cette diminution de la facture d’importation qui ne doit pas normalement être, faut-il le reconnaître, le but ultime des politiques économiques en dépit des moyens financiers limités du pays depuis la chute des revenus des hydrocarbures.

En tout cas l’argument du chef de l’Etat ne résiste pas à l’analyse économique stricto sensu. Car l’on ne peut raisonnablement crier victoire trop vite du fait d’avoir diminué la facture d’importations, quand on a réalisé une telle contre-performance, en partie certes due à la Covid-19, au niveau de la création de richesses (-4,6% du PIB). Celle-ci devant être logiquement le but suprême de toute politique économique.

Baisse des importations

Ainsi, la récession explique en partie, sinon principalement, une certaine baisse des importations du fait de la panne économique. Ceci d’une part. D’autre part, il s’agirait de savoir si une économie de ces 10 milliards est synonyme d’une meilleure gestion des affaires du pays. Tebboune, dans sa prestation télévisée de dimanche soir, a en tout cas fait l’économie de certains détails qui auraient permis de rendre les choses plus transparentes.

Ce résultat est-il le fruit d’une lutte implacable contre la surfacturation et l’importation de produits superflus dont le pays et les Algériens se passeraient allègrement vu la baisse remarquable des réserves de change ?

L’opinion gagnerait à être édifiée sur le sujet pour lequel pourtant les officiels ont mené campagne tambours battants des mois durant. Par ailleurs, est-il utile de faire remarquer que le dossier de l’automobile accapare à lui seul quelques milliards de dollars.

Ce montant dû à l’importation de véhicules ou même à leur assemblage n’est pas encore inscrit au registre de la facture des importations pour 2020. Puisque le pays a arrêté le programme de ces importations à ce jour. Il faut bien noter que les 10 milliards de dollars d’économies seront retranchés d’au moins 2 milliards de la facture globale – un niveau d’importation qui semble autorisé à l’avenir. Selon les dernières statistiques, la valeur des importations a reculé de quelque 18% en 2020.

«Selon les indicateurs prévisionnels préliminaires de 2020, la valeur des importations a reculé de 18% (34,4 milliards de dollars) par rapport à l’année 2019 (42 milliards de dollars), tandis que les exportations ont baissé à 23,8 milliards de dollars contre 35,8 milliards de dollars en 2019, du fait de la chute des prix du pétrole sur les marchés mondiaux, en raison de la récession de la demande induite par les mesures de bouclage économique», a précisé, en janvier dernier à l’APS, le directeur du commerce extérieur Khaled Bouchlaghem.

Pour sa part, Tebboune affirme avoir inscrit comme nouvel objectif d’équilibrer la balance des paiements du pays pendant l’année en cours ou au plus tard l’année prochaine, grâce, a-t-il dit, «à la politique de maîtrise des importations et de l’encouragement des exportations hors hydrocarbures». L’on se demande, à ce titre, comment compte-t-il y arriver ? D’autant que selon Bouchlaghem, le déficit commercial durant 2020 a atteint 10,6 milliards de dollars.