Procès Sonatrach 1 : Mohamed Meziane fait état de pressions, menaces et chantages

Procès Sonatrach 1 : Mohamed Meziane fait état de pressions, menaces et chantages

par M. Aziza, Le Quotidien d’Oran, 11 janvier 2016

Hier, lors de son audition dans le procès de Sonatrach 1, l’ex-PDG de la Sonatrach, Mohamed Meziane a fait état avec réserve de pressions, de menaces et de chantages qu’aurait exercés sur lui la police judiciaire du DRS, sans la citer par son nom. Il dira devant le juge, Mohamed Reggad, «on m’a demandé de témoigner contre des hauts responsables, et vous savez de qui je parle, pour qu’ils me libèrent, moi et mes enfants». Il soulignera qu’il avait refusé. «Je préfère ces six ans que de fournir un faux témoignage ». Il s’arrête en affirmant qu’il ne pouvait pas dire plus car, il était un commis de l’Etat et il est soumis à l’obligation de réserve.

L’ex-DG de Sonatrach a voulu à travers son audition se défendre et défendre son supérieur, en l’occurrence l’ex- ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khellil. Il n’a, à aucun moment, parlé d’injonction venant de son ministre, il a employé souvent le terme « orientation ou demande » quand il évoque Chakib Khellil.

Il a affirmé, par ailleurs, qu’il ne savait pas que ces enfants étaient actionnaires à Contel Funkwerk, l’entreprise algéro-allemande ayant remporté le marché relatif à la sécurisation de 13 sites sensibles en l’équipant de matériels de télésurveillance. Il a également affirmé qu’il n’était pas au courant que son fils Réda (accusé, détenu dans cette affaire) était conseiller, depuis 2006, auprès du patron de Saipem Algérie, Tullio Orsi. L’entreprise italienne, ayant remporté le marché du gazoduc reliant Hassi R’mel à Koudiat Draouche dans la wilaya d’El-Tarf dont le lot n°3 allant d’Aïn Djasser à Koudiat Draouche, dans le cadre du projet GK3. Il précise qu’il l’a su par le biais des enquêteurs de la police judiciaire dès l’éclatement de l’affaire. Mohamed Meziane a précisé, également, qu’il n’était pas au courant que sa femme avait acheté un appartement à Paris, à 650.000 euros, l’argent d’Al Ismail Reda Djaffer, patron de Contel Algérie, sur la base d’un virement versé par Funkwerk, dans son propre compte. Il a affirmé que sa femme malade était déjà dans un hôtel en France pour des soins, citant une convention signée entre Europe Assistance et Sonatrach. Il poursuit : « Puis, on a signé une autre convention avec Europe Assistance pour lui permettre de séjourner à l’aise dans un appartement pendant six mois, étant donné que les prix de location de l’appartement étaient moins chers que l’hôtel». Ces déclarations sont venues enfoncer davantage Al Ismail Djaffer et Mohamed Réda Meziane qui ont affirmé avoir acheté un appartement à la femme de l’ex-PDG pour qu’elle puisse rester à Paris et recevoir sa famille à l’aise dans un appartement au lieu de l’hôtel.

L’ex PDG de la Sonatrach a également précisé qu’il n’a jamais donné des ordres à ses cadres ni fait pression sur eux dans la prise de décisions, notamment dans l’octroi des projets. «On décide toujours en réunion, où je donne la parole à tout le monde en prenant compte de l’avis de chacun d’entre eux».: «celui qui peut prouver le contraire qu’il demande une confrontation!», lança-t-il en défi.

SONATRACH ETAIT MENACEE DE L’INTERIEUR ET DE L’EXTERIEUR

L’ex- PDG de la Sonatrach a justifié le recours au marché au gré à gré dans l’octroi des contrats de télésurveillance et des équipements électroniques pour la sécurisation des sites stratégiques pétroliers au sud du pays par la situation sécuritaire qui prévalait entre 2004 et 2005. « On a reçu des instructions fermes de la part du ministre de l’Energie et des Mines pour sécuriser rapidement les sites». En citant les trois circulaires, notamment celle de décembre 2005. «Le ministre nous a donné un délai d’un mois pour sécuriser les sites stratégiques».

Pour Meziane, tout a été fait dans la transparence, mais bien évidemment dans l’urgence, car les infrastructures de Sonatrach étaient menacées. Mohamed Meziane détaille en affirmant que ses services ont évité une catastrophe suite à la fuite de gaz à Arzew. Il a également précisé que la base de Rhourde Nouss à Ouargla a été assiégée pendant 4 jours sans citer le mot terrorisme. «Certains intervenaient pour prêcher au sein des bases de vie, sans parler autant du vol, à partir de nos complexes, de 4×4 dans nos complexes pour les transférer vers le Mali pour des raisons bien connues par tout le monde». Il conclut: «Sonatrach était visée de l’intérieur et de l’extérieur». Et «il fallait prendre des décisions instantanément».

Le juge lui demande: «Vous parlez d’urgence, mais l’offre de Contel Algérie Funkwerk vous a été présentée en 2004, et la circulaire urgente du ministre n’est parvenue qu’en 2005, et les sites n’ont été équipés qu’en 2008». «Je pense que vous avez eu largement le temps pour procéder à un appel d’offres ouvert avec plus de choix en matière de qualité et de prix. Pourquoi donc le gré à gré et pourquoi choisir au préalable l’entreprise ?»

Mohamed Meziane a répondu qu’il n’a pas choisi telle ou telle entreprise, mais ces cadres ont étudié selon la réglementation en vigueur les offres des deux entreprises. Il a précisé qu’il a reçu 1000 entreprises, « cela ne veut pas dire qu’ils ont eu une faveur de ma part, je suis gestionnaire et c’est ça mon travail ». Il affirme devant le juge qu’il avait la gestion d’un secteur qui assure 98% des revenus de l’Etat et qu’il n’avait pas le droit à jouer avec.

En ce qui concerne le contrat signé entre Sonatrch et Saipem, l’ex- PDG de Sonatrach a affirmé qu’il a tout fait avec ces cadres pour réduire le prix. «On a pu le réduire jusqu’à 15% et ce à la demande de mes cadres qui ont jugé que le prix est un peu élevé et suite à la demande de l’ex-ministre». Il affirmera qu’«on n’a pas pu faire mieux, car Saipem a précisé qu’au-delà de 15% de réduction, elle se retire».

Il a indiqué également que ce marché de gazoduc est en conformité au programme du président de la République, ordonnant le raccordement 630 villages en gaz. Pour ce qui est de la réhabilitation du siège de Ghermoul, il dira qu’ils ont reçu des instructions de la part de l’ex-ministre de l’Energie pour démolir et occuper les lieux, car l’ex- ministre a reçu l’ordre du 1er ministre de céder la bâtisse au ministère des Transports.

«JE SUIS SANS SALAIRE ET SANS COUVERTURE SOCIALE DEPUIS 6 ANS»

L’ex-PDG de la Sonatrach a saisi l’occasion devant le juge pour faire une mise au point sur toutes les critiques et les humiliations qu’il aurait subies depuis l’éclatement de l’affaire Sonatrach 1. Mohamed Meziane a tenu à préciser qu’il est issu d’une grande famille bien connue, contrairement à ce qui a été dit sur sa personne à travers la presse. Il a affirmé que sa carrière a commencé en 1967 à Arzew pour arriver au poste de PDG à partir de 2003. Il affirme qu’il était au service du secteur depuis 43 ans en faisant souligner qu’il n’est pas toujours facile de gérer un tel secteur. Un secteur qui fonctionne 24/24 avec la notion de l’urgence et les risques.

Mohamed Meziane a précisé qu’après 43 ans de service dans le secteur, il s’est retrouvé suite à ces affaires, sans salaire et sans couverture sociale. «Pourtant, il n’y avait aucune mauvaise intention dans l’octroi des marchés».