Le général Bouazza devant le tribunal militaire le 30 mars
Alors qu’il fait l’objet d’une troisième affaire criminelle en instruction
Salima Tlemcani, El Watan, 11 mars 2021
L’ancien patron de la Sécurité intérieure, le général Wassini Bouazza, sera déféré le 30 mars devant le tribunal militaire de Blida. Il s’agit de la deuxième affaire, liée à quatre griefs correctionnels, pour laquelle il est poursuivi, en attendant que l’enquête judiciaire relative à des faits en lien avec l’élection présidentielle de décembre 2019 s’achève.
L’ex-directeur général de la Sécurité intérieure, le général Wassini Bouazza, comparaîtra, le 30 mars, devant le tribunal militaire de Blida, pour quatre nouvelles accusations, «non-respect des consignes militaires», «trafic d’influence», «enrichissement illicite» et «entrave au travail de la justice».
Pour ce dernier grief, il est question «d’interférence» de l’ancien patron de la DGSI dans l’enquête judiciaire, liée à l’ex-patron de la police Abdelghani Hamel, à travers son «intervention» auprès du parquet général près la cour d’Alger et de la Cour suprême, pour permettre à la fille de l’ex-Directeur général de la Sûreté nationale de bénéficier de la liberté provisoire et de quitter la prison, après avoir été placée sous mandat de dépôt par le juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed, dans le cadre de l’enquête sur l’affaires des «indus avantages» (des biens fonciers et immobiliers) octroyés à l’épouse et aux trois enfants de Hamel.
Le général Bouazza sera jugé avec deux autres officiers de ses services, l’ancien chef de la sécurité intérieure pour Alger, le colonel Aït Amara, dit Yacine, et l’ex-directeur des enquêtes judiciaires, déjà poursuivi par le tribunal militaire de Blida dans le cadre du dossier du général Bachir Tartag, ex-coordinateur des services de renseignement militaires, et lié aux fonds (argent et bijoux) saisis au domicile de Mme Maya, de son vrai nom, Zoulikha Nachinèche, prétendue fille cachée du Président déchu.
Ce procès est le deuxième du général Bouazza après celui de mars 2020, à l’issue duquel il a été condamné à une peine de 8 ans de prison ferme pour «faux et usage de faux», «atteinte à corps constitué», «détention d’arme à feu et de munitions de type 4», confirmée quatre mois plus tard par la cour d’appel criminelle militaire de Blida. Mais, c’est le troisième dossier actuellement en instruction auprès du tribunal militaire de Blida qui risque de peser lourdement sur le sort de l’homme fort du défunt chef d’état-major de l’Anp, Ahmed Gaïd Salah, d’autant que le magistrat militaire instructeur a qualifié des faits d’actes criminels, précisent nos sources.
Il s’agit de ses «interférences» dans le processus de l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, en jouant la carte de l’ex-ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, au détriment des autres candidats. Des consignes avaient été données à de nombreux walis, qui ont mis le paquet, financièrement, humainement, matériellement et médiatiquement pour booster la candidature de l’ex-secrétaire général du RND. Des actes que la justice militaire a qualifiés d’«entraves à l’opération électorale», «non-respect des consignes militaires» et «trafic d’influence».
Campagne médiatique à travers les réseaux sociaux
A ces derniers s’ajoutent d’autres griefs liés à la campagne médiatique que le général Bouazza est accusé d’avoir menée à travers les réseaux sociaux en recourant à une armée de mouches électroniques, tantôt pour discréditer le mouvement de contestation populaire, tantôt pour s’attaquer à des figures emblématiques du hirak ou à des personnalités politiques et tantôt pour diviser les rangs de ce dernier. En bref, des faits qualifiés de «non-respect des consignes militaires» et «diffusion d’informations classées secret militaire» et qui tombent sous le coup du tribunal criminel.
C’est dire que la chute du général Bouazza, après une ascension fulgurante, est fracassante. Il y a quelques années, rien ne le prédisposait à un poste aussi stratégique et aussi puissant. Il avait passé la plus grande partie de sa carrière au service de l’infrastructure au sein du commandement des forces de défense aérienne du territoire, avant d’être promu directeur de l’infrastructure militaire.
Un poste stratégique aussi bien pour l’argent, à travers les budgets colossaux alloués aux nombreux programmes d’investissement pour les équipements et les infrastructures militaires consacrés par le ministère de la Défense, mais aussi au réseau des hommes d’affaires, des sociétés et des entrepreneurs, notamment dans le domaine du bâtiment et des travaux publics. Du coup, Bouazza devient l’incontournable officier et l’un des plus informés sur les hommes d’affaires, notamment ceux qui gravitaient autour du frère cadet et conseiller du Président déchu.
Dès la démission de ce dernier sous la pression de la contestation de la rue, Wassini est promu à la tête de la Sécurité intérieure, et devient l’homme le plus puissant de feu Gaïd Salah, qui en fait d’ailleurs son «bras armé» pour mettre en prison tous ceux qui étaient dans le premier cercle du régime de Bouteflika, à commencer par le frère de ce dernier, les deux Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, de nombreux ministres, hommes d’affaires, députés, mais aussi l’ancien patron du DRS, le général Toufik, et des officiers supérieurs en activité, dont des chefs de forces.
Dès la mort de Gaïd Salah, après l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, le général entame sa descente en enfer, d’abord par son arrestation musclée par les officiers de la direction de la sécurité de l’armée au siège du ministère de la Défense, alors qu’il était convié à une réunion de travail. C’était en avril 2020. Déféré devant le tribunal militaire, il a été placé sous mandat de dépôt.