Face aux menaces multiformes marocaines: Alger hausse le ton contre Rabat
Abla Chérif, Le Soir d’Algérie, 9 mars 2021
Alger est entrée dans une phase d’offensive sans précédent pour tenter de neutraliser les menaces multiformes en provenance du Maroc. Le déversement des drogues figure parmi les préoccupations majeures de l’heure.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Les déclarations émanant de toutes les institutions concernées par la lutte contre ce phénomène se multiplient de jour en jour, et il ne se passe plus une semaine sans que des membres du gouvernement évoquent le sujet en des termes qui attestent de la gravité de la situation.
Hier lundi, c’est le ministre de la Justice qui a relancé le sujet en déclarant que « l’Algérie est située près du plus grand laboratoire de production et d’exportation de cannabis », ajoutant que cela générait une multitude de maux tels que « le blanchiment d’argent » et trafics en tous genres. Belkacem Zeghmati, fait ensuite, référence aux études et rapports élaborés et publiés par les Nations-Unies sur la question.
Cette déclaration s’ajoute aux propos tenus par l’une des institutions les plus confrontées à la lutte contre le phénomène, à savoir le ministère de la Défense, qui désigne désormais nommément le pays à l’origine de ces maux et menaces.
Les mots « Makhzen » et « Maroc » sont apparus pour la première fois dans des communiqués établissant des bilans démontrant l’ampleur du déversement de drogues sur notre pays. Des experts de la Gendarmerie nationale sont aussi intervenus dans des émissions télévisées, où des détails importants ont été révélés au grand public. On apprend ainsi que la dose du principal constituant psychoactif, le tétrahydrocannabinol (THC), présent dans ces plantes, a été fortement augmentée dans les laboratoires marocains. Il s’agit de la substance responsable de l’addiction, et le fait de l’avoir ainsi modifiée rend le consommateur plus rapidement dépendant de la drogue ingérée. « Auparavant, il fallait plusieurs mois de consommation de la résine de haschich pour devenir addict, mais à présent, le consommateur devient dépendant au bout de pas plus de trois mois », expliquent encore ces derniers.
La modification de la teneur en THC a été effectuée pour des raisons évidentes : sommé par les instances internationales de fermer les principaux terrains de production de résine de cannabis, le Maroc a changé de stratégie, en agissant directement sur le produit, sachant que la rapidité de l’effet d’addiction allait produire une demande supérieure, pouvant compenser les pertes occasionnées par la fermeture des principaux champs traditionnels.
De par sa proximité géographique, l’Algérie en devient doublement menacée. Les risques sont ceux de voir la population consommatrice augmenter et les maux générés par ce trafic se multiplier. Le Maroc entreprend, en effet, tous les moyens possibles pour faire du territoire algérien un lieu de transit vers les pays africains et la région sensible que constitue le Sahel.
Des rapporteurs onusiens ont alerté sur les conséquences de ce déversement sur le comportement d’une frange de la population, et les factions ayant signé un cessez-le-feu et engagées dans des processus pouvant aller vers un retour à la paix dans des zones en conflit. Les trafics liés à la drogue ont déjà donné lieu à des actes de violence entre protagonistes engagés dans ces processus, alertait aussi le Mali il y a peu. Alertée par cette situation, l’Algérie a donc réagi de manière très offensive. La guerre froide qui caractérisait ses relations avec le Maroc se transforme en conflit ouvert sur cette question. Les tentatives de déversement de quantités importantes de drogue sur notre pays semblent aussi être perçues comme l’un des moyens de déstabilisation utilisé par Rabat dans un contexte de mutations internes et régionales.
Le ministère de la Défense nationale n’a pas manqué d’accuser Rabat de vouloir semer le doute, en lançant des rumeurs (sur les réseaux sociaux), laissant entendre que l’ANP s’apprêtait à dépêcher des troupes se joindre au G5 Sahel, regroupant une force militaire africaine qui, elle, agit sous la coupe des militaires français.
Dans son dernier communiqué, le MDN a accusé le « Maroc » et « l’entité sioniste » de vouloir déstabiliser l’Algérie en raison de ses « positions immuables envers les peuples opprimés ». Depuis la normalisation des relations entre Rabat et Israël, de nouvelles donnes semblent, en effet, se mettre en place dans la région.
A. C.