Bouillonnement dans la maison FFS

Rencontre d’une délégation du parti avec le président Abdelmadjid Tebboune

Madjid Makedhi, El Watan, 16 février 2021

«Les militants du vrai FFS comprennent aujourd’hui pourquoi ce grand parti a été la cible d’autant de coups. En tant que militante et membre du conseil national, je me démarque et dénonce cette manœuvre et invite nos militants à rester attachés aux valeurs de ce grand parti», lance l’avocate Nabila Smaïl.

La rencontre, dimanche, d’une délégation du Front des forces socialistes (FFS) avec le président Abdelmadjid Tebboune provoque une nouvelle crise au sein du parti.

Surpris par l’annonce de ce déplacement du premier secrétaire, Youcef Aouchiche, et du coordinateur de l’instance présidentielle, Hakim Belahcel, au palais d’El Mouradia, des membres du conseil national, d’anciens députés et des militants de la base expriment leur indignation. Ils se démarquent de la démarche de leur direction.

En effet, les réactions continuent de tomber depuis dimanche après-midi. «Les militants du vrai FFS comprennent aujourd’hui pourquoi ce grand parti a été la cible d’autant de coups. En tant que militante et membre du conseil national, je me démarque et dénonce cette manœuvre et invite nos militants à rester attachés aux valeurs de ce grand parti», lance l’avocate Nabila Smaïl. Et d’ajouter : «Le FFS des martyrs est dans la rue aux côtés du peuple. Halte à la normalisation !» Sur le même ton, l’ancien député de l’émigration (2012-2017), Belkacem Amarouche, se démarque à son tour de l’action de la direction du FFS.

«Je me dissocie en tant que cadre, membre du conseil national, militant formé au sein du FFS, de toute manœuvre, rencontre ou plan qui se fait ou se prépare avec le pouvoir actuel. J’appelle tous les camarades du FFS à se réapproprier l’action politique. Un sursaut d’honneur des militants est plus qu’indispensable face à l’usurpation identitaire du FFS. La militance continue. La transition démocratique est en marche. Le processus constituant souverain aura lieu», précise-t-il sur sa page Facebook.

Youcef Sahli, un autre membre du conseil national du FFS, dénonce aussi cette rencontre. «En tant que membre du conseil national du FFS, je dénonce et me démarque de la rencontre d’El Mouradia, entre Tebboune et deux responsables du FFS qui ne représentent que leur personne. Notre combat est contre un régime totalitaire, pas pour une compromission», écrit-il dans un post Facebook, précisant que «le FFS est un instrument de lutte pas un objectif en soi».

Certains militants du FFS n’ont pas également hésité à qualifier cette rencontre de «cadeau fait par la direction du parti au pouvoir à l’occasion de la fête de l’amour, coïncidant avec le 14 février». Les réactions de dénonciation viennent aussi de sections du parti, notamment à Tizi Ouzou.

Face à ce tourbillon inédit, le coordinateur de l’instance présidentielle (IP) du FFS, Hakim Belahcel, s’explique. Dans un long communiqué posté hier sur sa page Facebook, il estime que la rencontre avec Abdelmadjid Tebboune «a, en réalité, bousculé énormément et dérangé les promoteurs et les défenseurs de l’immobilisme politique dans le pays». «C’est-à-dire ceux qui ont toujours œuvré pour entretenir le FFS dans les méandres d’une interminable crise interne, pour l’empêcher de jouer un rôle déterminant et décisif dans le dénouement de cette grave crise politique nationale», ajoute-t-il.

Selon lui, «le parti fait face aux mêmes forces obscures et féroces qui, durant toute son existence, ont reproché aux dirigeants successifs du FFS leur attachement au vrai dialogue inclusif, transparent et responsable». «Un dialogue global qui devrait concerner toutes les parties qui peuvent et doivent jouer un rôle déterminant pour construire un compromis politique historique pour sauver l’Etat algérien de l’effondrement», souligne-t-il.

Rappelant les rencontres du FFS avec les précédents présidents de la République de 1990 à 2014, Hakim Belahcel se dit déterminé à poursuivre la démarche. «Nous continuerons malgré les entraves et les menées faites de parasitage et de brouillage, à plaider pour une sortie de crise concertée et pacifique, loin des scénarios ténébreux des aventuriers de tout poil et des apprentis sorciers», soutient-il.

Le CNCC appelle à une conférence nationale indépendante du système

Le collectif des citoyens engagés en faveur d’un changement démocratique dénonce toutes les manœuvres politiques du pouvoir enclenchées à la veille de la célébration du 2e anniversaire du hirak.

«Aucune répression, ni propagande ni simulacre électoral n’ont réussi ni ne réussiront à détourner le peuple algérien de l’exigence d’une conférence nationale indépendante du système en vue d’une transition démocratique vouée à un processus constituant souverain, seule voie pour consacrer effectivement l’Etat de droit, civil, démocratique et social, la souveraineté populaire, une justice indépendante», explique ce collectif dans une déclaration rendue publique hier.

Ce collectif est composé de la Coordination nationale pour un congrès pour la citoyenneté (CNCC), du Noyau universitaire de réflexion (NUR Annaba), du Collectif des amis du manifeste pour l’Algérie nouvelle (Caman), du Collectif Initiative citoyenne pour le changement (CICC), des Citoyens liés dans l’action pour le changement (CLAC) et du Collectif de Montréal pour un congrès pour la citoyenneté (CMCC). Pour cette coalition, le «hirak populaire refuse toute caporalisation, représentation ou appropriation par quiconque». M. M.