La tension monte à Ouargla: Le mouvement des chômeurs prépare une grande marche à Hassi Messaoud
Houria Alioua, El Watan, 15 février 2021
Alors qu’un coup d’accélérateur a été donné ce week-end à l’organisation d’une troisième manifestation, dite milyounia, par le mouvement des chômeurs de Ouargla, cette fois-ci, à Hassi Messaoud où ils comptent déployer un grand nombre de manifestants pour réitérer leur appel au gouvernement concernant l’opacité de la gestion du dossier de l’emploi, des chômeurs des localités de N’gouça, Mekhadma et Rouissat ont manifesté hier simultanément pour réclamer des postes d’emploi.
Les forces de l’ordre sont intervenues pour les disperser et protéger les édifices publics. Aucune réponse à propos de l’objet des manifestations : le chômage. «Nous n’abandonnerons pas, il s’agit de gagner ou mourir», clame Kamel Bouchoul, nouveau leader du mouvement, dans un appel à l’union et à la cohésion autour d’une seule revendication : «L’intervention immédiate du président Tebboune en personne dans ce dossier et la mise à l’écart définitive de tous les protagonistes ayant indûment profité depuis des décennies de la manne au détriment des enfants de la région.»
Samedi, une rencontre de proximité a été organisée avec les représentants de différents quartiers de Ouargla pour parler de l’actualité de la ville, des dernières évolutions du dossier de l’emploi et des prochaines étapes de la lutte du mouvement des chômeurs, à la lumière des rebondissements qu’a connus l’affaire suite à la dernière manifestation d’il y a deux semaines, la marche d’une trentaine de chômeurs de Touggourt vers Alger, refoulée par les forces de police à Still, aux portes de Biskra, vendredi dernier, alors qu’ils entamaient une marche à pied vers la capitale pour réclamer le droit au travail et l’amélioration de leurs conditions de vie.
Les chômeurs porteurs des préoccupations d’une nation
Les pieds enflés, ces jeunes hommes démunis, qui comptaient marcher et dormir à la belle étoile tout au long d’un trajet de 800 km, ont été contraints de revenir au point de départ, mais ne veulent plus se démarquer du reste des chômeurs aigris par l’attente de la réalisation des promesses des autorités locales, qu’ils accusent d’être «incapables de gérer les problèmes de main-d’œuvre» et «de laisser faire la même mafia qui se joue d’eux en falsifiant jusqu’au logiciel El Wassit de l’Anem, censé apporter de la transparence à la gestion de l’offre d’emploi».
Ainsi, l’annonce par la direction de l’emploi de la wilaya de Ouargla, via les réseaux sociaux, du pourvoi de 1096 postes à travers les différentes sociétés pétrolières actives dans la région est loin d’avoir perturbé la résolution des chômeurs ou les détourner de leur objectif suprême, qui est de faire intervenir le chef de l’Etat, revenu avant-hier au pays, dans le dossier des chômeurs de Ouargla en particulier et ceux des régions pétrolières plus globalement.
Le communiqué annonçant plus d’un millier d’emplois émanant pourtant d’une instance officielle n’a donc pas eu l’effet escompté auprès des concernés, qui y voient «un effet d’annonce» et «un renouvellement de la campagne de dilution menée par l’administration chargée du dossier, visant principalement à contourner les revendications et noyer la voix des laissés-pour-compte et leur positionnement définitif contre la manière de gérer la crise chronique de l’emploi à Ouargla depuis des décennies», explique Kamel Bouchoul.
En découdre avec la marginalisation
Ce dernier, lors d’une prise de parole très suivie par les jeunes venus d’un peu partout le week-end dernier, mais aussi via les réseaux sociaux à Touggourt et à Hassi Messaoud où un regroupement autour de la cause s’est effectué ces dernières semaines, a salué cette récente prise de conscience de la nécessité de réorganiser la revendication autour de l’emploi à la lumière des mutations sociétales et politiques actuelles ainsi que les enjeux d’un renouveau du mouvement des chômeurs reprenant son souffle.
Benslimane Omar, autre intervenant lors des dernières rencontres, estime que les chômeurs refusent tout emploi direct visant la mise sous silence d’une partie des manifestants au détriment de l’autre.
Il explique que les masses de chômeurs réclament au contraire que tout le système de gestion de l’offre d’emploi soit réinitialisé et l’embauche effectuée de manière légale et en toute transparence, s’interrogeant sur les causes qui retiennent les autorités de régler ce problème persistant depuis tant d’années, poussant les sans-emplois à manifester alors que le bassin pétrolier constitué de centaines de sociétés offre des milliers de postes d’emploi chaque année marginalisant ceux qui habitent à proximité.
Dans cette ambiance d’insurrection chronique, trois slogans clés sont repris par les tribuns lors des rencontres de préparation : la revendication pacifique, l’union des chômeurs, la détermination prendra le dessus.