Des avocats s’expriment sur l’Affaire Walid Nekkiche : «Que l’enquête démasque les tortionnaires»

Madjid Makedhi, El Watan, 09 février 2021

Des avocats, des militants des droits de l’homme et des citoyens de divers horizons sont unanimes à saluer cette décision réclamée, dès le 2 février dernier, suite aux révélations de la victime et de sa défense.

L’annonce faite, dimanche dernier, par le parquet général d’Alger concernant l’ouverture d’une enquête sur l’affaire de Walid Nekkiche, suscite une multitude de réactions.

Des avocats, des militants des droits de l’homme et des citoyens de divers horizons sont unanimes à saluer cette décision réclamée, dès le 2 février dernier, suite aux révélations de la victime et de sa défense.

«C’est tant mieux qu’une enquête soit ouverte», lance Me Nacera Hadouche, avocate du jeune étudiant qui a déposé une plainte, le 23 juillet dernier, pour «crime de torture et sévices subis par Walid Nekkiche lors de sa garde à vue dans les locaux des services de sécurité». «Vaut mieux tard que jamais», affirme, pour sa part, Me Hakim Saheb, membre du collectif des avocats ayant défendu l’étudiant lors de son procès.

Mais il soulève un certain nombre d’interrogations sur l’attitude du ministère public dans cette affaire. Soulignant que le communiqué du parquet s’est limité aux faits révélés lors de l’audience du 2 février, l’avocat s’interroge sur le fait d’occulter les actions de la défense.

«Il (le parquet, ndlr) n’avait qu’à donner suite à la plainte déposée par Me Nacera Hadouche. Il y avait aussi une demande d’une expertise médicale et psychiatrique déposée auprès du juge d’instruction. Ce dernier n’a rien voulu savoir», déplore-t-il.
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Selon Me Hakim Saheb, l’opinion publique nationale sait maintenant que «Walid Nekkiche a subi des sévices et un traitement cruel, inhumain et dégradant» punis par le code pénal algérien et la Convention internationale contre la torture de 1984 qui a été ratifiée par l’Algérie en 1989.

Le silence intrigant de la justice

Pour notre interlocuteur, le jeune étudiant a même été interdit de son droit à une communication téléphonique en prison, lorsque le ministère de la Justice avait décidé de suspendre les visites familiales en raison de la situation sanitaire. «On l’a mis en isolement même en prison», dénonce-t-il.

Cela prouve, a-t-il ajouté, que ces pratiques sont encouragées à tous les niveaux du système algérien. «Cela me rappelle le sort réservé au journaliste Arezki Aït Larbi qui avait dénoncé, durant les années 1980, la torture infligée à un détenu de droit commun. Il a alors été mis au cachot pendant 20 jours à la prison de Lambese-Tazoult, avant d’être transféré à celle de Constantine. Aujourd’hui, on voit que les mêmes pratiques sont toujours là et elles sont plus sophistiquées», condamne-t-il. Pour rappel, Walid Nekkiche a été arrêté, le 26 novembre 2019 à Alger.

Selon les avocates Leila Djerdjar et Nacera Hadouche, il n’a été retrouvé, à la prison d’El Harrach, que le 7 décembre. «Selon des témoignages des détenus d’opinion qui était dans la même prison, il était arrivé dans un état lamentable. C’est ce que j’ai constaté lors de ma première visite. Il était abattu», souligne Leila Djerdjar, première à alerter sur le traitement subi par le jeune étudiant, qui a été «malmené pour rien».

Selon les deux avocates qui se sont exprimées, récemment sur une chaîne de télévision privée, «en plus de l’enquête, la justice doit faire son travail et juger les tortionnaires». «Aujourd’hui, tout est clair. Il ne reste aux responsables de la justice qu’à traiter sérieusement ce dossier. Sinon, c’est l’Etat qui devient carrément voyou», lance Nacera Hadouche.