Mouvement des chômeurs du sud : Nouvelles manifestations de force à Ouargla et Laghouat

Houria Alioua, El Watan, 31 janvier 2021

Des centaines de chômeurs de Ouargla et Laghouat ont manifesté hier, interpellant une nouvelle fois les plus hautes autorités du pays à propos de leur droit à l’emploi dans les sociétés pétrolières.

Dans ces deux wilayas du sud-est du pays situées sur les deux plus grands gisements d’hydrocarbures d’Algérie, un seul mot d’ordre : «mettre fin à la mafia qui ronge les agences locales de l’emploi» dans ces zones d’attraction de la main-d’œuvre venant des quatre coins du pays, alors que les enfants du pays demandent l’application stricte des directives concernant la primauté de la main-d’œuvre locale à égale compétence lors du traitement de l’offre transitant par l’Agence nationale de l’emploi (ANEM).

Les chômeurs demandent au président Tebboune d’intervenir en personne pour mettre fin à une injustice qui perdure depuis plus de trois décennies, une lutte qui a mobilisé des générations de jeunes qui se sont succédé sur les places publiques à Ouargla en particulier, mais aussi dans plusieurs villes du sud du pays où la mobilisation s’est fréquemment organisée, notamment à l’appel de la CNDDC.

Même si cette dernière ne signe plus de communiqués ou appels à manifester depuis le hirak du 22 février 2019 et le départ de son principal animateur à l’étranger, la relève est assurée par un nouveau groupe de chômeurs aigris par la situation mais qui semblent déterminés à en découdre.

Kamel Bechoul, principal leader du groupe de Ouargla, a exprimé le 12 janvier «la volonté d’en finir avec l’actuelle mafia de l’emploi à Ouargla, appelant les jeunes à faire de la lutte pour un poste de travail dans le secteur pétrolier leur ultime combat pour la dignité».

Ces mêmes propos ont été réitérés hier dans le communiqué n°2, au nom de la jeunesse et de la population de Ouargla, avec pour objet : la revendication d’une réforme du dossier de l’emploi dans la wilaya et la lutte contre la corruption des responsables chargés de le gérer.

Les auteurs du communiqué se revendiquent «porte-voix du Grand Sud et de l’Algérie profonde, des citoyens de second degré aux yeux des autorités, tout en marchant sur la roche-mère du pétrole et des principales ressources minières du pays».

Des décennies de négligence

L’exposé des motifs évoque des décennies de négligence et une lutte depuis l’indépendance pour des droits basiques refusés par les pouvoirs publics, estimant que les sit-in organisés depuis une année par la nouvelle génération de chômeurs devant les portes de la wilaya sont suffisamment évocateurs du peu de souci des autorités locales d’où la décision d’organiser une première Milyounia le 12 janvier et une seconde le 30 du même mois.

Alors que le wali de Ouargla avait émis plusieurs appels aux chômeurs pour désigner des représentants afin de le rencontrer il y a quelques mois, les manifestants estiment que des décisions concrètes doivent être prises en haut lieu et donnent aux autorités un nouvel ultimatum avant d’enclencher un cycle de manifestations populaires dans les semaines à venir.

Les 19 revendications de la première Milyounia ont été synthétisées en 10 points cette fois-ci, à leur tête l’ouverture d’une enquête sur la gestion de l’annexe de l’Anem de la wilaya de Ouargla et les agissements de son premier responsable et son remplacement par une compétence locale reconnue.

Seconde revendication, l’ouverture d’une enquête sur la gestion de l’offre d’emploi dans les bureaux locaux de l’Anem à travers les dix daïras de Ouargla et le limogeage des chefs de service et cadres administratifs et financiers de cette institution, la délivrance frauduleuse des certificats de résidence dans les APC et le détournement de l’usage du logiciel El Wassit qu’il faudra, selon eux, lier au système de gestion de la Caisse nationale des assurés sociaux, pour donner une chance aux vrais chômeurs, ainsi que l’instauration d’un dispositif de contrôle indépendant des mécanismes d’embauche, y compris les conditions d’âge, de niveau et d’expérience professionnelle, réclamant à Sonatrach plus de postes destinés aux chômeurs de la wilaya de Ouargla, de rendre publics les résultats des tests et mettre en application les instructions du Premier ministre concernant la destination de 70% des postes transitant par l’Anem de Ouargla.

Autre revendication réitérée, la gestion des autorisations d’exercice de la main-d’œuvre étrangère, et le silence coupable de l’Inspection du travail en tant qu’instance de contrôle, cautionnant le trafic d’influence, d’autorité et d’argent, comptant certains hauts responsables et élus de la wilaya.

«A Ouargla, le mot d’ordre est de cibler la mafia tentaculaire de l’emploi et surtout ne pas faire de revendication liée au développement local qui, bien qu’il s’agisse d’un élément essentiel, a généralement constitué un prétexte pour avancer des projets de saupoudrage et occulter la vraie problématique de l’emploi de sorte que les différentes manifestations antérieures n’aient profité ni au développement ni au dossier de l’emploi», explique Hakkoum Nacer, membre actif de la société civile.

A Laghouat, la distinction n’a pas été faite, si bien que les banderoles portaient en premier lieu la revendication principale des chômeurs, à savoir des postes d’emploi, arguant que la région porte dans ses entrailles toutes les richesses mais rien ne profite à ses habitants. Les chômeurs de Laghouat réclament aussi bien la justice sociale que le départ du wali et son cabinet jugés inaptes à gérer cette crise, mais aussi la levée du confinement.

Comme à Ouargla, les manifestants se comptaient par centaine au centre-ville de Laghouat et l’appel a été lancé au président de la République en personne avec un refus catégorique de donner du crédit aux responsables locaux, promettant de revenir dans quelques semaines, si rien n’est entrepris pour répondre à ces revendications.

Entre 2008 et 2016, les offres d’emploi ont fluctué entre 10 000 et 46 000 postes, mais les chiffres montrent une baisse considérable des installations, qui sont passées de 25 000 en 2010 à 8900 en 2016. La wilaya de Ouargla comptait plus de 45 000 demandeurs d’emploi en 2016, selon les statistiques de la direction de l’emploi.