Financement local et rationalisation des dépenses : «Faire de la commune une entité économique qui crée de la richesse»

Ramdane Koubabi, El Watan, 27 janvier 2021

Les chercheurs ayant participé à cette rencontre se sont focalisés surtout sur la nécessité de valoriser les ressources financières et le renforcement des capacités de gestion des collectivités locales. Mais les grands absents de ce colloque seraient les élus locaux.

Face au contexte de crise que vit le pays, des chercheurs universitaires multiplient les initiatives à même de cerner l’origine du mal et proposer des solutions pouvant faire redémarrer la machine du développement au niveau local.

C’est dans cette optique qu’a été organisé, hier, un séminaire de deux jours à l’université de Boumerdès sous le thème : «Les limites du financement local et la problématique de la rationalisation des dépenses».

Les chercheurs ayant participé à cette rencontre se sont focalisés surtout sur la nécessité de valoriser les ressources financières et le renforcement des capacités de gestion des collectivités locales. Mais les grands absents de ce colloque étaient les élus locaux.

Gaci Aïssa Salim, expert en fiscalité et finance, a démontré, chiffres à l’appui, les limites du système fiscal en vigueur et son impact sur la croissance. L’expert prévoit une décroissance de 4,6 pour l’année en cours, soulignant que le déficit budgétaire de l’Etat pourrait atteindre 314 milliards de dinars.

Selon lui, la nomenclature des droits et impôts pratiquée en Algérie regroupe 25 taxes, précisant que la TVA et la TAP à elles seules représentent 93% des recettes fiscales engrangées par les collectivités locales. «88% du budget du CSGCL (ex-FCCL) proviennent de la TVA. Cet impôt alimente à hauteur de 78% les budgets des communes et 86% celui de la wilaya», a-t-il indiqué, avant d’aborder le recouvrement et les ressources patrimoniales des collectivités locales.

Des ressources qui restent, selon lui, très faibles au vu des recettes qu’elles génèrent. Il a étayé ses propos par le fait que 2% uniquement des dépenses de fonctionnement des communes proviennent des propres recettes de ces dernières.

Les budgets d’équipement sont financés à hauteur de 55% par les PCD, dont le montant est évalué à 70 milliards de dinars et 45% par le CSGCL.

S’agissant du recouvrement, il demeure toujours très faible. «La taxe foncière qui est incluse dans la facture d’électricité génère deux milliards de dinars par an. Or, les statistiques démontrent que Sonelgaz a plus de 10 millions d’abonnés. Et si on fait un simple calcul, on découvre qu’il y a au moins 16 milliards qui ne sont pas recouvrés. Pour la TVA, tout le monde connaît le poids de l’informel dans l’économie nationale, mais nul ne sait le montant de la fraude fiscale», a-t-il enchaîné.

Faible recouvrement des recettes

Pour lui, les communes disposent de ressources non négligeables, mais elles ne sont pas valorisées. «Le parc immobilier national compte plus de 6 millions de véhicules. Si les droits de stationnement étaient bien appliqués, ils généreraient d’importants dividendes aux assemblées. Tout cela, pour dire qu’on ne doit pas considérer la commune comme un agent administratif, mais plutôt comme un agent économique qui pourrait générer des richesses. Il n’y a pas de communes pauvres, mais des communes sous-valorisées ou mal gérées», a-t-il conclu.

Intervenant dans ce sens, le docteur Ali Ziane Mohand Omar a énuméré les incohérences du code de la fiscalité. «On ne peut parler d’autonomie financière des collectivités locales, si elles ne jouissent pas d’autonomie fiscale. Les taxes incluses dans les factures d’eau potable et de l’électricité ne sont pas versées en totalité aux communes», a-t-il relevé, ajoutant que la plupart des assemblées locales ne connaissent pas leur patrimoine. «Il y a des villas appartenant aux communes qui sont louées à 300 ou 600 DA/mois, malgré cela leurs occupants n’ont jamais payé les frais du loyer», déplore-t-il.

Le Dr Rezki Chenane, lui, a axé sa communication sur l’urgence d’avoir une approche territoriale du développement. «Le code communal de 2011 ne parle pas de communes, mais de collectivités territoriales. On doit passer de la logique aménagiste et développementiste à la logique territoriale en mettant en relief les acteurs du développement qui sont l’entreprise, la société civile, les élus, etc.», a-t-il soutenu.

A ses yeux, pour développer un territoire, il faut d’abord connaître ses atouts et ses faiblesses. «Le territoire n’est pas qu’un espace géographique. Ceux qui le structurent doivent réfléchir ensemble dans une vision globale à définir les urgences et à lancer des projets innovants créateurs de richesses. On doit cesser de considérer la commune comme une mendiante. L’heure est à la mobilisation et à la création de nouvelles ressources à travers la libération de l’acte d’investir et l’encouragement des projets innovants pour les territoires», a-t-il souligné.

Abordant le problème de la centralisation, il a rappelé que celle-ci ne se décrète pas, notant que les véritables actions de développement doivent émaner de la base.

Tous les participants au colloque se sont mis d’accord sur la nécessité de mener des réformes globales permettant aux collectivités locales de vivre indépendamment des subventions de l’administration centrale.

Ces réformes doivent toucher le code communal et la loi sur la fiscalité dont le projet d’amendement moisit dans les armoires du ministère des Finances depuis 2018.