Lors d’une fête de mariage au centre du Mali : Une centaine de civils tués lors d’un raid aérien
Salima Tlemcani, El Watan, 07 janvier 2021
La région de Douentza, située dans le cercle de Mopti, au centre du Mali, est en deuil. Une centaine d’habitants du village de Bonti ont été tués et plusieurs autres blessés par des frappes aériennes, alors qu’ils prenaient part à un mariage, durant la nuit du 3 au 4 janvier en cours.
Des médias maliens citent l’association peule Tabital Pulaaku, qui affirme que toutes les victimes «sont des civiles qui célébraient un mariage et, parmi elles, des enfants» et accusent l’armée française d’en être responsable. Celle-ci reconnaît avoir «mené une attaque» dans le cadre de «la neutralisation de djihadistes». «La frappe est le résultat de plusieurs jours de travail de renseignement et d’observation. ‘‘Barkhane’’ peut expliquer ce qu’elle a fait, pas ce qu’elle n’a pas fait», explique l’état-major français à l’AFP, et repris hier par Franceinfo.
«Une frappe ciblée»
Citant une source militaire, ce média ajoute par ailleurs que «l’objectif était clairement un regroupement djihadiste, dimanche après-midi. Une patrouille de deux Mirages 2000 a survolé ce village de la région de Douentza, et l’un d’eux a frappé une fois. Un mariage ne correspond pas aux observations». Mais l’association locale campe sur ses affirmations en mettant en cause «Barkhane» et affirme qu’il «s’agissait d’un mariage» et non pas d’un regroupement de «djihadistes», citant des enfants parmi les victimes.
Repris par la presse malienne, des témoignages des habitants contredisent cette version, alors que le président d’une association de jeunes du village ciblé par les frappes, Hamadoun Dicko, déclare aux médias avoir «perdu deux de ses proches» lors de cette frappe et que depuis «48 heures, grâce aux témoignages des habitants de la ville de Douentza, 18 corps ont pu être identifiés. Ce ne sont pas des djihadistes qui ont été tués.
Deux frappes simultanées
Les victimes célébraient le mariage de leur enfant. Il y a eu deux frappes aériennes simultanées. Certains parlent de missiles». Mais qui est à l’origine de ces frappes ? La Minusma (Mission des Nations unies au Mali) ne dément pas les frappes, mais affirme dans un communiqué qu’elle «n’est pas impliquée dans les événements survenus» et annonce l’ouverture d’«une enquête» par sa division des droits de l’homme. Jusqu’à hier, aucune réaction des autorités maliennes. Le site Maliweb affirme que le service de communication du ministère de la Défense, qu’il a contacté, «n’a pas souhaité s’exprimer sur la question».
Pour sa part, la force «Barkhane» de l’armée française, citée par l’AFP, confirme qu’elle a mené, dimanche dernier, des frappes à l’ouest d’Hombori, donc dans le secteur, en précisant toute fois que «dimanche, une patrouille d’avions de chasse a frappé à l’ouest d’Hombori un rassemblement de ‘‘djihadistes’’ préalablement repérés après une opération de renseignement» et «neutralisé plusieurs dizaines d’entre eux». Pour l’armée française, «il ne peut y avoir de doute et d’ambiguïté.
Il n’y avait pas de mariage». Si ni l’armée française, ni la force de la Minusma, ni l’aviation malienne n’ont pilonné, peut-on croire à une frappe des groupes terroristes ? La question ne se pose même pas. Jusqu’à aujourd’hui, aucun groupe «djihadiste» ne possède les moyens aériens à même de pilonner une ville. Il s’agit d’un raid meurtrier que les auteurs refusent de reconnaître.
Depuis plusieurs années, la population malienne est prise en otage entre des groupes terroristes qui se multiplient, élargissent leurs zones d’activité et s’enrichissent des fonds obtenus par le paiement de rançons, d’un côté, et de l’autre, d’une présence militaire étrangère, notamment française, qui s’enlise de plus en plus et multiplie les bavures, sans en être comptable.