L’Algérie face à deux « problématiques économiques majeures » en 2021
Younès Djama, TSA, 05 janvier 2021
Après une année 2020 particulièrement difficile au plan économique, l’Algérie devrait renouer avec la croissance en 2021.
Le gouvernement a dévoilé dimanche un vague plan de relance économique, mais la forte dépendance de notre pays aux hydrocarbures fait qu’il n’a pas tous les leviers pour enclencher le processus de retour à la croissance. L’Algérie dépend du marché pétrolier, et donc des pays consommateurs de l’or noir.
Le Dr Mohamed Achir, professeur d’économie à l’Université de Tizi-Ouzou s’attend à un début de « reprise réelle » de l’économie à la fin de 2021.
« Je crois que le retour à la normalité progressivement aura lieu au 2e semestre 2021, avec la généralisation du vaccin (anti-Covid) et aussi la reprise progressive du commerce international et la circulation des personnes. Et on peut espérer un début de reprise réelle de l’économie à la fin de 2021 », anticipe-t-il.
Un retour à la normale sous condition, somme toute, puisque les leviers ne sont pas tous aux mains de l’Algérie.
« Dans ses projections de croissance économique pour 2021, la Loi de finances 2021 table sur une croissance économique de 4,5 %. Mais il faut dire que la croissance du PIB algérien est subordonnée à la reprise économique mondiale notamment dans les pays émergents principaux consommateurs des produits énergétiques », explique l’économiste pour qui cette situation ne sera pas sans impact sur le pays et son économie.
Le niveau de relance des économies des pays émergents et leur degré de consommation des hydrocarbures « impactera directement l’Algérie dont les revenus dépendent en grande partie de l’évolution des prix du pétrole », observe M. Achir qui prévoit que « le retour à la croissance au 2e semestre 2021 donnera peut-être quelques marges de manœuvre pour l’Algérie, à même de lui permettre d’atténuer le niveau des déficits budgétaires ».
Un plan de relance économique sans chiffres, ni échéance
Abordant le Plan de relance du gouvernement qui vient d’être dévoilé, Mohamed Achir regrette que les « leviers de croissances » évoqués dans ledit plan ne reposent sur aucun agenda ou une échéance qui puisse renseigner sur la capacité de l’Exécutif à réaliser cet « ambitieux plan ».
« On reste toujours dans les déclarations d’intention. On ne donne pas de cadrage opératoire ou une échéance de mise en œuvre de ce plan de relance qui, il est vrai, est très ambitieux », déplore-t-il.
« On ignore quelles sont les actions à mettre en œuvre à court, moyen et long terme, et surtout quelles sont les actions et les réformes opérationnelles qu’il faut entamer. On ne relève pas aussi des chiffres susceptibles de nous donner une visibilité sur l’évolution de ce plan de relance économique et de ses résultats », étale M. Achir.
Il regrette que les concepteurs n’agissent pas « d’une manière inclusive et globale ». « On produit des lois et des règlements qui ne sont pas insérés dans une politique économique nationale », déplore-t-il encore.
Selon M. Achir, le plan de relance du gouvernement a beaucoup mis l’accent sur le constat avant de dévoiler ses « ambitions ». « J’ai compté 5 pages consacrées au constat. Ce constat que je trouve intéressant et réaliste, impartial sur le plan de l’évaluation des secteurs économiques, y compris l’archaïsme du système bancaire algérien », note l’économiste.
M. Achir cite aussi « les insuffisances chroniques de notre économie » et « notre dépendance vis-à-vis des hydrocarbures ». Et surtout « le manque de compétitivité dans le secteur de la production » en Algérie. « Le constat porte aussi sur l’aspect de la gouvernance, ce qui est une avancée », conclut-il.
Deux problématiques majeures pour 2021
Pour l’économiste et enseignant universitaire, le Professeur Brahim Guendouzi, l’Algérie sera confrontée durant 2021 à deux « problématiques majeures ».
« La première c’est de voir comment sortir de la récession économique, dans un contexte de crise sanitaire (Covid) dont l’évolution est encore incertaine », explique-t-il.
La seconde contrainte consiste à déterminer comment remettre l’économie dans le chemin de la croissance. « Autrement dit, comment donner la possibilité aux entreprises de reprendre normalement leurs activités, en relançant l’investissement, en trouvant les financements nécessaires pour notamment la prise en charge des différentes actions menées dans le cadre des finances publiques ; et enfin, comment enclencher le processus des réformes économiques indispensables, qui permettent la diversification à moyen terme », explique M. Guendouzi.
Il appelle à s’atteler « dès maintenant » sur ces chantiers afin, dit-il, de briser « le cercle vicieux de la dépendance des exportations (des hydrocarbures) ». Parmi les chantiers à mettre en œuvre, celui de la réforme du système bancaire et monétaire « qu’il va falloir mettre le plus tôt possible en application », ajoute-t-il.
« Par la même occasion, relève l’économiste, on pourra encourager la mise en œuvre d’un marché financier et revoir le fonctionnement des banques voire en créer de nouvelles », propose M. Guendouzi.
Le second chantier est lié à la fiscalité ordinaire, recommande Brahim Guendouzi. « Dans la Loi de finances 2021, les ressources fiscales ordinaires sont en baisse du fait que toute une partie de l’économie algérienne est dans la sphère informelle. La réforme pourrait intégrer une partie du secteur informel. L’une des voies consiste en la numérisation des douanes, des services des domaines et le système fiscal, qui permet l’identification des opérateurs économiques quand bien même ils sont dans l’informel », explique notre interlocuteur.
Enfin, le troisième chantier, selon le professeur Guendouzi, consiste à encourager et à développer les nouvelles sources de croissance, à l’instar des secteurs de l’agriculture, les mines, le secteur pharmaceutique et l’économie de la connaissance, etc.
« Il faut y aller dès maintenant (…) Le court et le moyen terme dépendent de toutes ces réformes : fiscale, bancaire et le climat des affaires », observe l’économiste.