L’ex-détenue politique Nour El Houda Oggadi raconte son calvaire depuis sa sortie de prison
Harcèlement et chantage contre des militantes
Amel B., El Watan, 30 décembre 2020
Des femmes militantes ou activistes du hirak, ou parfois simplement connues pour leur franc-parler sur les réseaux sociaux ont fait l’objet récemment d’attaques, de cyberattaques ou de harcèlement moral sur les réseaux sociaux.
La récente victime en date n’est autre que Nour El Houda Oggadi, jeune activiste de la wilaya de Tlemcen, ancienne détenue d’opinion, incarcérée à la prison d’El Harrach pour son engagement dans le mouvement citoyen. Elle s’est élevée dans une vidéo publiée sur Facebook contre la diffusion d’une photo privée sur les réseaux sociaux.
Le fait est qu’un activiste – qui s’est fait connaître sur les réseaux en publiant des photos embarrassantes de hauts responsables algériens et de leurs enfants – a mis en ligne récemment une photo privée de l’étudiante, lui accolant l’étiquette de «vendue» et «d’agente des services». Le blogueur l’aurait, selon Nour El Houda Oggadi, menacée par message privé, prétendant avoir piraté son compte.
Une affirmation que réfute la militante, expliquant que les photos publiées par ledit activiste étaient sur son téléphone portable, et que les seules personnes ayant manipulé celui-ci et gardé les données, révèle-t-elle, étaient des agents de police, lors d’une convocation au commissariat de la ville.
«Regardez comment mon visage s’est creusé», dit-elle en égrenant le chapelet de ses infortunes depuis sa sortie de prison : elle a perdu son poste de travail et ne peut en trouver un autre car son casier judiciaire est désormais entaché, elle est rejetée par sa famille et ses proches à cause de son engagement politique et même les prétendants au mariage ne se bousculent pas au portillon, car, souffle-t-elle, personne ne voudrait d’une ex-prisonnière. A cela s’ajoutent les commentaires haineux, les accusations fallacieuses et le harcèlement moral qu’elle subit sur les réseaux sociaux. «Il n’y a pas de révolution sans valeurs», dit la jeune fille, en pleurs.
En réponse aux accusations de «vendue», la jeune fille a montré les murs en ciment de la cuisine de ses parents, devant les yeux embués de larmes de sa mère. «Est-ce que c’est dans ce genre de maison que vivrait une vendue ?» interroge-t-elle.
Les internautes, visiblement émus par la vidéo courageuse de Nour El Houda Oggadi, voient dans la diffusion de cette photo une façon de l’intimider de la plus éhontée des manières pour une femme et d’encourager les clics voyeuristes.
Les militantes féministes ont dénoncé ce qu’elles considèrent comme une attaque misogyne. Le Journal féministe algérien écrit sous la plume d’Amel Hadjadj : «Aujourd’hui, ce que nous vivons encore à travers le live de l’ex-détenue d’opinion Nour El Houda Oggadi n’est pas un cas isolé, cela témoigne de la double oppression que vivent les femmes, que ces dernières soient conscientes ou pas de leur condition de femme, quelle que soit leur idéologie et peu importe leur appartenance.»
Il est à souligner qu’au procès de Nour El Houda Oggadi, le tribunal de Tlemcen a reconduit le verdict prononcé le 13 février 2020, à savoir sa condamnation à 6 mois, dont 5 mois avec sursis et 1 mois ferme assorti d’une amende de 50 000 DA.