Traçabilité et suivi des cas Covid-19 en Algérie : la grande inconnue

Younès Djama, TSA, 02 décembre 2020

Alors que l’Algérie est confrontée à la hausse des contaminations au Covid-19, certaines pratiques de soin et de dépistage du coronavirus font craindre une détérioration plus grave de la situation.

Le suivi des patients qui entament la procédure de dépistage « en solo » et ensuite de traitement sans prescription ni suivi médical pose un sérieux problème de santé publique. Ils peuvent être des contaminateurs potentiels étant donné que le circuit de soin sort du cadre formel.

« On n’a pas le droit de dispenser des médicaments ou des bilans sans une prescription médicale », peste le Dr Lyes Merabet président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) qui en appelle à une « organisation hiérarchisée » où, selon lui, seule la prescription médicale doit primer.

« Si on doit revenir à un minimum d’organisation, l’offre de soin doit s’organiser au minimum autour d’un médecin référent qui demande des bilans et prescrit des traitements et qui oriente son malade », revendique le praticien.

Il trouve « absurde » que l’offre de soin s’organise autour d’une demande qui n’est aujourd’hui « pas formalisée » alors qu’on est dans une situation de crise absolue, en l’occurrence l’épidémie de la Covid.

Et le professionnel de santé de s’interroger sur les capacités de suivi des cas, positifs au Covid ou suspects, « si les personnes s’organisent en dehors du circuit formellement mis en place ».

Les pharmaciens et les labos privés se démarquent

Pointés du doigt, les pharmaciens se démarquent de ces pratiques qu’ils qualifient de « marginales ». «Ils sont rares où les cas de pharmaciens qui s’aventurent à donner un traitement Covid » sans ordonnance, se défend le président du Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPAA), le Dr Toufik Bentouila.

« Nous sommes sur le terrain, nous recevons énormément d’ordonnances prescrivant le traitement Covid. Le pharmacien ne donne pas de médicaments sans ordonnance surtout s’il s’agit du protocole Covid », martèle-t-il.

D’après lui, la règle générale veut que la délivrance de médicaments se fasse sur la base d’une ordonnance. « Ce qu’on peut donner sans ordonnance ce sont généralement les vitamines ou bien les compléments alimentaires et les médicaments pour la fièvre, mais s’agissant d’un protocole-type de l’OMS, les pharmaciens ne s’y aventurent pas du fait qu’il y ait plusieurs contre-indications. Le malade doit être suivi », ajoute ce pharmacien d’officine. Toutefois sur le terrain, des pharmaciens délivrent les traitements anti-Covid sans exiger d’ordonnance.

Les laboratoires privés que l’Etat a autorisés à effectuer des tests PCR pour renforcer les capacités du pays en matière de dépistage contre la Covid, se défendent eux aussi contre toute forme d’abus.

Le président de l’Association nationale des laboratoires d’analyses médicales (Alma), Dr Abdelhalim Chachou, assure que toute personne se présentant dans un laboratoire privé pour un test PCR et dont le résultat se révèle positif est automatiquement déclarée au niveau du ministère de la Santé par le biais d’une plateforme numérique reliant les labos au ministère.

« A chaque fois que les collègues enregistrent un cas positif au Covid, il est signalé auprès du ministère dans les 5 minutes qui suivent », assure le Dr Chachou dans une déclaration pour TSA. La procédure voudrait que le département de la santé, une fois informé, déclenche une enquête épidémiologique à travers les Directions locales de santé (DSP).

« Mais dans la majorité des cas, les tests PCR réalisés dans les labos privés sont prescrits par un médecin », relève le Dr Chachou. Et auxquels cas, les patients positifs au Covid sont renvoyés chez leur médecin prescripteur pour le traitement et le suivi. « En matière de procédure, l’Algérie n’a rien à envier aux pays européens », assure le Dr Chachou.

Peut-être sur le papier, mais sur le terrain, les laboratoires privés effectuent des tests PCR sans exiger de prescription médicale, et les résultats sont rendus via leur plateforme numérique. La seule chose qui est exigée par le laboratoire est de régler la facture du test avant de le faire. Aucun suivi n’est ensuite effectué, ni de la part du laboratoire et encore moins du ministère de la Santé.