Contamination massive des personnels de santé dans les hôpitaux : Le SOS des soignants

Djamila Kourta, El Watan, 08 novembre 2020

Le personnel médical affecté au service Covid dans les hôpitaux n’en peut plus. Des dizaines de soignants sont contaminés et nécessitent des arrêts de travail qui réduisent les capacités de prise en charge des patients.

Les autres continuent à faire face, sans moyens, aux flux des malades et déclarent être sur le point de craquer. Les professionnels de la santé appellent à la mise en place d’actions et de mesures fortes.

En première ligne depuis le début de l’épidémie de la Covid-19 il y a neuf mois, les personnels soignants payent, ainsi, le prix fort avec leur santé et en mettant en danger leurs proches. Une contamination massive des équipes médicales dans plusieurs centres hospitaliers complique la prise en charge des patients atteints de Covid-19 et autres activité médicales. Ils sont nombreux à déclarer une cessation d’activité Covid faute de soignants.

Qu’ils soient infectés sur leur lieu de travail ou dans la communauté, ces travailleurs de la santé exposés à tous les dangers, souffrant d’épuisement généralisé, lancent des SOS et demandent de l’aide et du soutien pour mener à bien leur mission en cette période de pandémie.

Ils demandent aux pouvoirs publics des actions fortes pour casser la chaîne de contamination et réduire la propagation du virus avant d’alerter que la situation est très préoccupante.

«Chaque jour, on signale un médecin, une infirmière ou un agent contaminé. Malgré toutes les précautions prises depuis le début de l’épidémie, cela n’a pas empêché que certains soient infectés.

Ce qui montre, d’une part, que la contagiosité est très importante et que les personnels perdent en vigilance à cause de l’épuisement et le stress subi durant toute cette période», affirment les médecins actuellement au front.

L’inquiétude gagne les gestionnaires des établissements de santé et les professionnels quant à l’évolution de l’épidémie dans les jours à venir et le risque de voir une nouvelle hausse du nombre de cas après la rentrée scolaire et l’ouverture des mosquées. «Nous avons une quinzaine de personne entre médecins et infirmiers qui sont testés positifs à la Covid. Il nous est pratiquement difficile de continuer à travailler au même rythme avec des équipes très réduites.

Nous avons besoin d’un renforcement de ces équipes», lance amèrement le Dr Mohamed Yousfi, chef de service d’infectiologie à l’EPH de Boufarik. Et de rappeler que 22 médecins, 40 infirmiers et 12 agents ont été infectés depuis le début de l’épidémie et un ambulancier décédé.

L’hôpital d’El Kettar, qui reçoit également les malades atteints du VIH sida, fait face à une forte contamination du personnel. «Les médecins, les infirmiers et la majorité des médecins résidents qui ont accompli un travail remarquable depuis le début de l’épidémie sont infectés.

Nous vivons actuellement une situation insoutenable. Ils sont plus d’une quinzaine contaminés, soit 77 personnes depuis le début de la pandémie», signale-t-on, précisant que les trois services d’infectiologie de l’hôpital sont touchés par une réduction des moyens de protection.

«Les services Covid du Chu Beni Messous sont saturés, nous vivons une véritable ambiance de guerre, la réanimation et le déchoquage sont complets, le personnel est épuisé, et même la consommation en oxygène est au max. Il faut que la population et les autorités prennent conscience de la gravité de la situation, rajoutez à tout ça la rentrée scolaire et ce qu’elle va engendrer.

Rebi yahdikoum, cheddou diarkoum et respectez les mesures barrières, sinon preparez-vous à perdre vos proches sans trouver une place en réanimation et on vivra alors une véritable catastrophe.» Ce cri de détresse relayé sur Facebook est émis par le Dr Mourad Ouali, maître-assistant au service de réanimation au CHU de Beni Messous.

Son collègue, le Pr Hamidi Réda Malek a déclaré dans une vidéo diffusée sur le même réseau social que «la situation est plus que difficile. Le nombre de malades graves augmente de jour en jour, alors que le personnel médical et paramédical est à bout de souffle». Il signale que les 20 lits que compte le service de réanimation est en saturation. «Des patients aussi graves sont en attente dans la salle de tri d’être admis en réanimation. Les lits sont saturés et le personnel est sur les rotules.

Cette recrudescence de cas nécessite également le renforcement non seulement des moyens humains mais matériels, notamment les tenues de protection», a-t-il alerté, tout en lançant un appel aux respect des mesures barrières, notamment le port du masque et réduire au maximum l’interaction sociale.

Une nouvelle recrudescence du nombre de cas est attendue, selon les spécialistes, dans les prochains jours, puisque la contagiosité par ce virus est montée d’un cran. Le taux de positivité est passée à la fin du mois d’octobre de 13% à 16% en l’espace de 24 heures selon les données transmises dans le rapport d’étape portant sur la situation épidémiologique élaboré par le conseil scientifique de l’évolution et du suivi de la pandémie et remis au Premier ministre.

«Une accélération de la circulation virale enregistrée à la fin du mois d’octobre est marquée par un taux de positivité des prélèvements relativement élevés avec un risque potentiel de raccourcissement de ce temps de dédoublement de la maladie à la faveur de la saison du froid», a averti le conseil scientifique.