Le procès en appel de Ali Haddad s’est ouvert hier à la cour d’Alger
Les avocats passent à l’offensive
Abla Chérif, Le Soir d’Algérie, 12 octobre 2020
C’est un jugement très particulier qui se déroule dans une conjoncture et des conditions très différentes de celles que l’on a pu observer jusqu’ici.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – La différence vient du fait que le principal inculpé, Haddad, et l’ex-chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, sont jugés non pas au tribunal mais par un système de visioconférence qui leur permet de s’exprimer à partir des pénitenciers où ils ont été transférés au cours du mois précédent, Tazoult pour le premier et Bechar pour le second.
Les deux prévenus avaient refusé, à deux reprises, d’être jugés à distance, mais de nouvelles dispositions de loi introduites fin août dernier dans le code pénal ont mis ces mis en cause devant le fait accompli, car un jugement à distance n’est plus un choix mais une obligation, à laquelle ils sont soumis si les instances judiciaires décident d’en faire ainsi.
La particularité de la conjoncture découle, quant à elle, de la nouvelle affaire dans laquelle se retrouve plongé Ali Haddad depuis qu’un puissant journal américain a éventé la passation d’un contrat, signé par ses représentants, avec un cabinet de lobbying tenu par un ancien conseiller de Trump, pour un montant de dix millions de dollars. L’opération avait, bien sûr, comme objectif d’exercer des pressions sur les dirigeants algériens en vue de sa libération.
Ali Haddad avait été condamné à dix-huit ans de prison en première instance. Tous ces éléments sont venus s’ajouter à l’effervescence des nombreux avocats qui ont étalé tous les vices de forme qui entourent, de leur point de vue, le dossier.
Les avocats de la défense de Sellal et Ouyahia ont carrément demandé le gel du dossier après avoir axé leurs interventions sur l’incompétence du tribunal à juger d’anciens hauts responsables qui devraient relever de la Haute Cour d’État. Le problème avait été soulevé lors du tout premier procès de l’automobile, mais les instances judiciaires avaient tranché la question en rappelant que la Cour suprême avait les prérogatives de désigner un tribunal, car cette Haute Cour n’avait pas encore vu le jour.
Les avocats de Amara Benyounès ont, pour leur part, grandement insisté pour que leur client puisse bénéficier d’une relaxe du moment, affirment-ils, que les faits pour lesquels il est poursuivi se sont déroulés en 2013 et qu’ils sont donc frappés de prescription.
«Cette relaxe, soutiennent encore ces derniers, est également justifiée par l’absence de charge concernant le transfert illégal d’argent à l’étranger.» Les mêmes arguments ont été présentés par les collectifs de défense de Amar Ghoul. Me Allek Kamel a fait très fort en affirmant que «toutes les procédures entreprises dans ce dossier sont caduques, car les prévenus ont été arrêtés sans que cela ait été notifié par le procureur général du tribunal de Sidi-M’hamed, comme l’exige la loi».
Les avocats sont enfin revenus sur un point très sensible du dossier. Il s’agit des fameux sms et appels téléphoniques entre Ali Haddad et Saïd Bouteflika.
Au cours du procès qui s’est tenu en première instance, il avait été fait état de 63 sms entre les deux personnages, mais seul l’un d’entre eux avait été utilisé et rendu public. Il concerne le message envoyé par Haddad à l’ancien conseiller de Abdelaziz Bouteflika pour solliciter son aide avant d’être arrêté à Oum Tboul.
Des informations émanant de sources proches du dossier préliminaire de l’affaire Haddad ont, quant à elles, fait ressortir l’existence de 180 sms et autant de conversations téléphoniques, entre l’ancien patron de l’ERTHB et le frère du président de la République.
Les échanges portaient sur des demandes d’aide et de facilitation dans le cadre des affaires de Haddad. Ce dimanche à la cour d’Alger, il était plus de 18 h lorsque les avocats achevaient de présenter les vices de forme. La soirée s’annonçait encore bien longue au Ruisseau…
A. C.